Saine et sauve, heureusement

- Allô S. ? S. ? Tu m'entends ? Où es-tu ? Allô?! Oh mon dieu...

Mon père est en train de faire les dix milles pas dans la cuisine et ne cesse de répéter "mon dieu". Il a rappelé sur le téléphone mobile de maman plusieurs fois, mais jamais personne au bout du fil.

Cinq minutes plus tard, le téléphone de mon père sonna. Il se jette dessus comme une bête sauvage.

- Allô S. ? Où es-tu ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Allô ?

Plus de tonalité.

Mon père recompose le numéro. Une fois, deux fois, trois fois, en vain.

Père angoisse, il ne nous parle pas, il marche à tout allure dans le salon, il pense, il marmotte.

- Remontez dans vos chambres les enfants...

Pendant qu'on remonte, le téléphone de mon père se remet à sonner.

- Allô S. ? Est-ce que tu vas bien ? Il ne t'a pas fait de mal ? Regarde derrière toi, ton agresseur est peut-être derrière toi ! Fais attention, s'il te plaît. Dis moi où tu es...

Mon frère et moi remontons la chambre de nos parents. La panique me gagnait, le coeur de mon petit frère s'est lui aussi emballé. Il a 6 ans et suce encore son pouce. Il me pose plein de questions. Il ne sait pas ce qu'il se passe, mais il a peur de nous voir avoir peur.

Quinze minutes plus tard, j'hésitais encore à demander à mon père ce qu'il s'était passé. Mon frère et moi descendons timidement bras dessus, bras dessous au salon. Mon père s'y trouvait, immobile au milieu de la pièce, le visage atterré. J'ai rassemblé toutes mes forces pour lui demander d'une toute petite voix ce que maman lui avait dit. Le père a levé la tête pour voir ses mioches tout inquiétés : "C'est rien." C'est tout ce qu'il a dit. Nous n'avions pas osé insister, nous sommes remontés à l'étage aussi vite que possible.

Maman lui avait demandé de sortir les épinards.