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Création et Internet : pourquoi Jay Reatard a tout compris

Publié le 08 avril 2009 par Eddie

Création et Internet : pourquoi Jay Reatard a tout compris

J’ai longtemps rechigné à donner mon avis sur ce qui se passe actuellement dans le petit monde de la musique car, pour tout vous dire, je ne trouvais pas beaucoup d’espoir, et je n’ai personnellement aucune solution à proposer, donc je trouvais que ça ne servait à rien d’ouvrir ma gueule.

J’ai retrouvé un peu d’espoir, donc je l’ouvre.

Musique et Internet sont faits pour s’entendre

C’est indéniable, et ceux et celles qui sont passionné(e)s par l’un et/ou l’autre sont d’accord là-dessus. C’est parce que cela nous semble tellement évident que la difficulté de trouver les bonnes solutions est d’autant plus frustrante.

Il y a d’abord un truc qui m’embête, c’est qu’on cherche toujours à trouver les “méchants” et les “gentils”.

Pour les uns, les méchants ce sont les maisons de disque qui ont peur d’investir dans Internet (dans un site comme Deezer) parce qu’elles craignent pour leur porte-monnaie (capitalisme, mon amour), et la Sacem qui veut à tout prix défendre les intérêts économiques des “gros” artistes français (capitalisme, mon amour). Pour les autres, les méchants ce sont ceux et celles qui téléchargent de la musique sans payer, et ce n’est pas parce que je fais une phrase plus courte sur eux qu’ils ne sont pas autant responsables du problème.

D’un côté je vois un manque de couilles et de l’autre un manque de respect.

Le premier manque peut être expliqué par une longue tradition de foutage de gueule de la part des grosses majors qui ont bien profité du système pendant de longues années et qui ont, comme tout le monde, peur du changement. L’époque où les gens acceptaient sans ronchonner de payer 15€ pour 10 chansons est finie.

Le second peut être expliqué par l’ivresse de la gratuité consécutive à la croissance trop forte, trop rapide, impossible à encadrer d’Internet et à une méconnaissance de la vie des artistes, de la difficulté d’obtenir des moyens, la difficulté de se payer des heures de studio, de rencontrer les bonnes personnes…

On peut trouver des excuses pour tout le monde, il est normal que les maisons de disques cherchent à gagner un maximum d’argent pour signer un aider un maximum de groupes, car c’est censé être leur objectif. Il est normal de se sentir grisé derrière son écran par tout ce qui est accessible en 2 clics sur Internet…

Le débat se trouve ailleurs que dans la distinction “méchants/gentils” sur laquelle la France reste bloquée, comme d’habitude si j’ose dire (que ce soit à droite ou à gauche).

Mais j’ai vraiment honte, ‘voyez.

Honte de l’incompétence flagrante et à peine cachée de ceux qui sont en charge de ce dossier. Honte de parler avec des collègues blogueurs étrangers de la tournure qu’a pris le débat. De la manière dont on l’a volontairement rendu stérile, comment on l’a détruit en le transformant, comme d’habitude, dans un conflit qui n’avait pas lieu d’être.

La musique et l’internet sont faits pour s’entendre mais les Français font l’autruche, incapable comme toujours d’avoir un débat constructif. Alors on fait une loi en vitesse en pensant que ça va régler le problème. Franchement, j’ai honte.

J’ai pas envie de faire celle qui donne des leçons car je suis loin d’être exempte de reproches, que je n’ai pas la carrure pour donner de leçons à qui que ce soit (sauf peut-être à ceux en charge du dossier Création et Internet, j’y reviendrai), et parce qu’en plus ça ne servirait strictement à rien.

Je préfère vous parler de quelqu’un…

… un punk-rocker du nom de Jay Reatard

Ce type possède la vérité, les amis. Il a tout compris.

Il travaille deux fois plus que tout le monde, enregistre dix fois plus que tout le monde, fait cent fois plus de concerts que tout le monde (j’exagère à peine). Il vend ou offre lui-même tout ce qu’il fait via Shattered Records, son propre label, et son site (qu’il a vraisemblablement créé lui-même) qui lui sert de magasin en ligne. À force de bosser sans chercher à se faire des couilles en or, il a acquis une réputation légendaire dans l’underground musical américain.

Des gens comme ça forcent l’admiration.

Des gens comme Radiohead, qui vendent leurs places de concert à plus de 50€, mais tentent en même temps d’apporter leur contribution au débat, ils forcent à la fois l’énervement et l’admiration.

L’énervement car leur initiative de proposer leur album à un prix fixé par l’acheteur est mauvaise. Mauvaise car même si ça paraît génial et innovant au premier abord, c’est une solution qui ne peut pas marcher à long terme, sauf pour des groupes qui font payer leurs places de concerts à des prix qui frisent l’indécence. Bref, pour des groupes qui ont déjà des couilles en or. Alors oui c’est sympa, mais faire passer ça pour une solution, c’est vraiment mauvais.

L’admiration car c’est le groupe le plus important de ces vingt dernières années, qu’ils en sont conscients, et qu’ils essayent comme ils peuvent de faire avancer le schmilblick.

Il n’y a aucun message revendicatif sur le site de Jay Reatard, il n’a pas la prétention de dire qu’il a la solution, ou même une partie de la solution.

Ce type est tout simplement parfait. Un véritable exemple (même si ses concerts dégénèrent souvent ; c’est un punk-rocker, hein !). Il est à la fois la représentation idéale de l’artiste et la représentation idéale du disquaire du coin. Il n’a jamais eu envie de faire de la musique pour faire de l’argent et il vend sa musique dans le seul et unique but de récolter assez, juste assez, pour continuer à en faire dans les conditions qui lui plaisent.

Le genre de mec qui ne peut que vous faire dire que la musique et Internet sont faits pour s’entendre. Le genre mec qu’il faudrait inviter à un dîner avec Madame Christine Albanel et son équipe de ploucs pour leur expliquer le rapport entre création et Internet.

Comme toujours, le problème, c’est le pognon. L’argent est la plus effroyable des ironies. On ne peut pas s’en passer, mais c’est ce qui nous mène à notre perte. Je ne vais pas vous faire une conclusion philosophique (même si j’en crève d’envie), simplement vous dire qu’il ne faut pas désespérer de la relation entre la musique et Internet. Ce n’est pas parce qu’une bande d’abrutis n’a trouvé comme idée que de “surveiller et punir” qu’il n’existe pas des modèles économiques pour que les intérêts des créateurs, intermédiaires et consommateurs se rencontrent sur la Toile.

Jay Reatard a visiblement trouvé la solution qui lui convient et faites-moi confiance, le bonhomme baigne dans le bonheur :

Création et Internet : pourquoi Jay Reatard a tout compris

Liens :

Le site de Jay Reatard
Le magasin de Jay Reatard
Jay Reatard sur le Choix

PS : J’espère avoir été mesurée dans mes propos. J’ai aucune solution à apporter, juste de l’optimisme !


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LES COMMENTAIRES (1)

Par Ténia
posté le 28 août à 16:26
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je trouve ton analyse bien écrite et super intéressante. bravo!

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