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L'étrange album de Monsieur Lacombe : Interview

Par Fred Ricou

La semaine dernière le réalisateur américain Tim Burton recevait un Lion d'Or a la Mostra de Venise pour l'ensemble de son oeuvre. Aujourd'hui, Benjamin Lacombe sort chez Sarbacane La Funeste nuit d'Ernest. Le lien entre les deux ? Si l'un n'avait pas fait rêver l'autre, l'univers de ce dernier n'aurait jamais été pareil. Rencontre.


Les Histoires Sans Fin : Bonjour Benjamin, est-ce que tu peux te présenter ?
Benjamin Lacombe : Je m’appelle Benjamin Lacombe, je suis illustrateur, j’ai 25 ans. Je fais de l’illustration jeunesse et de la bande dessinée.
L.H.S.F : Tes premières parutions sortent en 2003, un album de BD et un d’illustration. Tu as toujours travaillé les deux ou tu ne sais pas te décider ?
B.L : Non, en fait j’ai commencé par la bande dessinée et c’est quand j’ai fait mon premier album BD que juste après, j’ai réalisé mon premier album jeunesse. Au départ, je voulais vraiment faire de la bande dessinée et petit à petit, en suivant mon cursus aux arts déco, j’ai réellement découvert ce qu’est l’illustration jeunesse. C’est vrai que maintenant, je ne veux pas choisir et pouvoir faire librement les deux.
L.H.S.F : C’est compatible ?
B.L : En termes de travail, je pense déjà que l’un peut nourrir l’autre. Moi, j’ai beaucoup appris dans chacune des « disciplines », en revanche, les problèmes d’incompatibilité se trouvent plutôt au niveau du temps.
Une bande dessinée prend vraiment beaucoup de temps, beaucoup d’investissement, ce n’est pas quelque chose que l’on peut mettre de côté, un ou deux mois, et reprendre par la suite. C’est vraiment un marathon.
En revanche, cela m’a permis d’aborder dans le livre jeunesse un système narratif différent de ce que l’on peut trouver, beaucoup plus cinématographique et ça, ça vient vraiment de la bande dessinée et de ses codes narratifs. Ce sont des actions beaucoup plus découpées et qui permettent de travailler des plans que l’on n’a pas l’habitude forcément de voir, pour la narration. A contrario, en BD, la jeunesse m’a apporté une sensibilité en couleur, un travail de la matière, plus important.
L.H.S.F : Entre textes et illustrations, comment t’y prends-tu ?
B.L : Je commence toujours par le texte, par l’idée, par ce que je veux évoquer : Les thématiques. En général, je me réfère toujours à ma vie personnelle, il y a toujours des éléments de ma vie dans ce que j’écris. Par exemple, mon chien est omniprésent. Donc voilà, le thème, le texte, viennent ensuite les images…
L.H.S.F : Quelles sont tes inspirations dans ton travail ?
B.L : Assez multiples en fait. Dans tous les domaines : cinéma, peinture, illustration. Je suis extrêmement ouvert graphiquement, mais c’est vrai que principalement, j’aime beaucoup l’« école américaine » : Edward Gorey, Tim Burton, Marc Ryden… Chez les Français : Rebecca Dautremer, Pierre Mornet, François Roca… ça c’est pour l’illustration. En peinture, je suis fanatique des primitifs flamands, du XIXe siècle aussi, de la sécession viennoise, de la peinture française… je suis très éclectique dans mes choix. J’aime aussi beaucoup la photo qui m’inspire peut-être plus encore que toute les autres disciplines. Sinon au cinéma, j’aime le cinéma d’auteur et parfois, également, j’aime un cinéma plus ouvert avec plus d’effets visuels.
L.H.S.F : En début d’année avec Sébastien Perez, vous sortez Destin de chiens aux Editions MaxMilo, un petit livre plein d’humour noir sur le deuil des chiens de compagnie. Comment est venue l’idée ?
B.L : C’est la directrice éditoriale de MaxMilo, Jeannine de Cardaillac, qui est venue me rencontrer parce qu’elle voulait travailler avec moi. Elle commençait une collection (Destins de Chiens est le premier) dont le thème est « J’veux pas ! ».
L’idée était de travailler avec une problématique d’enfant et la traiter avec sa dimension d’auteur. Elle avait déjà plusieurs thèmes dont « la perte du chien ». J’ai un chien, j’adore les animaux, c’est aussi quelque chose qui me turlupine le jour où il va partir et je sais qu’enfant chaque fois que j’ai perdu un animal, cela a été un moment très difficile…
C’est donc un sujet dont je suis proche et j’ai demandé à Sébastien, avec qui je faisais déjà La Funeste nuit d’Ernest, si cela l’intéressait. Il a accepté et a écrit les textes. Bourrés d’humour noir, pleins de références très variées. On ne le voulait pas trop « trash », c’est vraiment un album pour dédramatiser et accompagner la perte du chien de manière différente.
Les enfants à qui je l’ai montré ont très bien réagi, chacun avait son explication pour telle ou telle chose. La problématique de la mort est déjà très présente à six ans : Comment ça se passe ? Pourquoi ? Ou est-ce que l’on va après ? Jusque-là les albums sur le sujet étaient très mélancoliques, pleins de retenue.
L.H.S.F : Aujourd’hui (le 10 septembre), sort La Funeste nuit d’Ernest. Tu as fait les illustrations et coécrit une partie des textes. Ici aussi, comment est venue l’idée et comment se sont déroulées les phases de travail ?
B.L : En réalité, le thème, l’univers un peu fantastique avec une maison Victorienne, je voulais le traiter depuis longtemps…
L.H.S.F : Oui, on dirait un peu la maison de la Famille Addams !
B.L : C’est tout à fait ça, c’est vraiment le principe de cette « école » américaine gothique-rigolote : Addams, Burton, Gorey…
Pour la thématique, c’est celle de la mémoire. Dans tous mes livres (Destins de chiens, Cerise Griotte,…) je la traite. C’est aussi, en plus, une thématique que je partage avec le personnage, la perte de mon grand-père et la seule chose que je partage avec lui, mon prénom…
J’avais envie d’en parler d’une manière moins conventionnelle, un peu comme une littérature de genre, presque série B, avec des squelettes, des vampires, quelque chose d’assez drôle…
Quand j’étais enfant, j’ai reçu un choc graphique avec Tim Burton. Et, comme Burton n’a pas été très productif en animation, je me suis senti très seul. Il a fallu attendre 14 ans entre l’Etrange Noël de Monsieur Jack et les Noces Funèbres. J’ai donc voulu retranscrire à ma manière un peu de cet univers de genre, mais en livre jeunesse, avec des plans très cinématographiques, amusants, et avec toujours une thématique profonde cachée derrière les squelettes.
L.H.S.F : Avec ces deux livres, c’est un peu comme un hommage à tes inspirations ?
B.L : Tout à fait, c’est vraiment les univers dans lesquels je me sens bien. Ils me viennent naturellement. Ce sont vraiment les gens qui ont bercé mon enfance, qui ont été constitutifs de ce que je suis graphiquement. Quantité d’éléments de leurs œuvres se retrouvent dans chacun de mes livres.
L.H.S.F : Fin octobre, changement d’atmosphère, on se retrouve en plein Japon médiéval avec Les amants papillons au Seuil Jeunesse. Tu peux nous en parler ?
B.L : C’est mon deuxième album, seul aux commandes, au Seuil Jeunesse. Je suis parti d’une légende japonaise et chinoise très connue en Asie. C’est un Roméo et Juliette, c’est une histoire d’amour entre une jeune fille qui sort des conventions, qui n’a pas envie de rester dans sa position de jeune fille qui étudie l’art de servir le thé, de faire danser les éventails, de jouer du luth… Elle, ce qui l’intéresse, c’est la littérature, les haïkus, les mathématiques et donc elle va se déguiser en garçon pour aller étudier. Elle va tomber amoureuse d’un de ses partenaires, et là… je ne vais pas vous raconter toute l’histoire. C’est très romantique, c’est une vraie histoire d’amour en costume.
L.H.S.F : Tu peux nous dire quelques mots sur tes projets pour 2008 ?
B.L : Il y a une bande dessinée qui devrait sortir. Je l’ai faite avec Balac (scénariste des deux premiers « Sambre »). J’ai deux livres également au Seuil Jeunesse dont je ne vais pas parler tout de suite. Et chez MaxMilo, j’ai aussi un projet de livre à nouveau avec Sébastien Perez…

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