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L'éthique comme thermostat

Publié le 20 avril 2009 par Samiahurst @samiahurst
L'éthique comme thermostat'La bonté, mode d'emploi', le magnifique roman de Nick Hornby, commence ainsi: une femme médecin, sûre qu'elle est quelqu'un de bien parce qu'elle sauve des vies, constate stupéfaite qu'elle est capable de quitter son mari par téléphone. 'Ce genre de chose' se dit-elle, 'une fois que c'est fait on ne peut jamais se dire que ça ne vous ressemble pas.'
Ce qui est ainsi capturé de manière si saisissante, c'est le lien entre notre image de nous-même et notre comportement moral. Ce lien, des recherches ciblées en dessinent désormais les contours. Et il semble que nous soyons dotés d'une sorte de thermostat moral qui nous incite à mieux nous comporter...si notre image de nous-même est en souffrance.

Ed Young nous décrit l'exploration de ce difficile domaine dans son blog Not exactly rocket science: une psychologue américaine a demandé à 46 étudiants de copier une liste de mots qui étaient soit positifs ('généreux', 'soucieux des autres', 'bon'), négatifs ('déloyal', 'égoïste', 'âpre au gain'), ou neutres ('livre', 'clef', 'maison'). On leur expliquait qu'ils participaient à une étude sur la psychologie de l'écriture manuscrite, et qu'il leur fallait rédiger une histoire sur eux-mêmes contenant tous les mots fournis. Ensuite, ils passaient un test bref lors duquel on leur demandait s'ils voulaient faire un petit don à une bonne œuvre de leur choix.

Le résultat? Les étudiants qui se décrivaient en termes positifs donnaient la moitié de ceux qui avaient les mots neutres, et 1/5 de ce que donnaient ceux qui avaient reçu les mots négatifs.

En d'autres termes, si notre image de nous-même est menacée, nous avons davantage tendance à faire le bien, à être généreux, bref à faire en sorte d'améliorer notre opinion de nous-même. On se refait littéralement une conscience dans les bonnes œuvres. Par contre, si nous sommes plutôt contents de nous-mêmes, nous nous autoriserons plus de laxisme et de transgressions. Dans la vraie vie, cela donne des phénomènes eux aussi mesurables. Les personnes qui ont acquis la réputation de ne pas avoir de préjugés, par exemple en employant un membre d'une minorité ethnique, sont plus susceptibles de tenir des propos racistes.
Trois leçons à tirer de cela: premièrement, nous sommes moralement 'cablés' pour vivre dans les zones grises: comme dit Young, 'des bons pécheurs et des saints faillibles'. Deuxièmement, c'est l'insatisfaction qui est le moteur principal ici: même si une conclusion serait sans doute hâtive, on peut tout au moins émettre l'hypothèse que l'éducation joue ici en partie son rôle par l'établissement du curseur qui détermine quand nous sommes contents de nous. Plutôt que par l'apprentissage des règles que nous sommes censés suivre. Finalement, des 'règles de vie' qui n'auraient rien à voir avec le bien ou le mal que nous faisons autour de nous ne sont pas seulement superflues sur le plan moral, mais peuvent être carrément dangereuses. De quoi éclairer d'une nouvelle lumière ce lieu commun de la littérature qu'est le dévôt immoral, le Tartuffe, la mère supérieure au coeur sec, le 'juste' prêt à sacrifier des innocents à sa cause: peut-être ce type d'observance nous donne-t-il la mauvaise idée d'être trop vite satisfaits?

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