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102ème semaine de Sarkofrance : Sarkozy pédale mais n'avance plus

Publié le 18 avril 2009 par Juan
102ème semaine de Sarkofrance : Sarkozy pédale mais n'avance plus
Que s'est-il passé ? Depuis janvier et la fin de la présidence française de l'Union Européenne, Nicolas Sarkozy ne parvient plus à maîtriser l'agenda politique du pays, ni même ses propres troupes. Comme lors de l'hiver 2007/2008, avant la déroute des élections municipales, il tente bien de masquer ses difficultés par des annonces qui tombent à plat et un optimisme factice. Mais son comportement et ses échecs reviennent au centre des critiques.
Sarkozy ne se maîtrise plus
On savait que Nicolas Sarkozy serait quasiment absent toute cette semaine. Il est parti en week-end pascal dès vendredi 10 avril. Il avait pris soin d'utiliser un avion de ligne, et non son nouvel Airbus présidentiel. On a pu le voir photographié à vélo au milieu de quelques badauds. Il n'est revenu à Paris que mardi vers 18H... pour repartir dès le jeudi , après les funérailles de René Monory. Carla Bruni était resté au Cap Nègre. Après une intense activité diplomatique (G20, Otan), le Monarque trouvait donc légitime de se reposer une dizaine de jours. Certains ministres en profitèrent pour confier publiquement leurs envies de promotion gouvernementale, en vue du prochain remaniement en juin prochain. Le bal des petites ambitions a commencé depuis bien longtemps. Les rumeurs enflent. Nadine Morano, Claude Allègre, Hubert Falco, Jean-Louis Borloo, Alain Juppé... la liste est longue de ceux qui cherchent une place au soleil des caméras. Mercredi, revenu à Paris pour quelques heures, Sarkozy a lâché sa colère en conseil des ministres. Luc Chatel, le porte-parole du gouvernement, a confirmé : "le chef de l’Etat a considéré que les positionnements ou les états d'âme dans la presse ces derniers jours apparaissaient comme ridicules et décalés aux yeux des Français". Sarkozy donne une leçon d'humilité à ses ministres.... Un comble !
Le même jour, il déjeunait avec 24 parlementaires de tous bords. Ses "bons mots" à l'encontre des dirigeants Zapatero, Obama, Merkel et Barroso ont suscité de violentes réactions dans la presse étrangère. Des témoins ont rapporté que le président plaisantait. La parole diplomatique doit-elle être à ce point libre ? Sarkozy donne l'exemple : on peut donc se moquer d'un chef d'Etat. Citoyen(ne)s, ressortez vos poupées vaudous et autres pancartes "Casse-toi pov'con" ! Sarkozy a finalement de l'humour. Une bonne nouvelle pour les victimes de procès en délit d'outrage...
Le mythe de la sortie de crise
L'Elysée avait fait savoir que le Monarque en a assez du misérabilisme ambiant, des sujets à répétition sur la crise, les plans sociaux et les entreprises en faillite. Certains médias ont suivi avec application les consignes présidentielles. Voici que le Figaro, Le Monde, le Point et même Libération s'exécutent : ils nous gratifient d'articles lénifiants sur le thème de "la-croissance-est-au-bout-du-tunnel." "Et si on s'en sortait" nous explique LE POINT, photo d'un Sarkozy marchant sur des nuages souriant à l'appui . "Qui s'en sortira ?" réplique Bénédicte Charles. Il paraît qu'on peut enfin s'acheter un appartement à Paris pour pas cher, que les ménages sont de plus en plus solvables, que "Nicolas Sarkozy avait fait les bons choix, qui lui permettront de ramasser la mise d’ici à un an ou deux"
La réflexion est bien courte. Ces nouveaux optimistes ignorent la détresse sociale, le réchauffement climatique, l'épuisement des ressources. "Après la pluie, le beau temps". On guette les premiers rayons de soleil... C'est aussi simple que cela.
Aux Etats-Unis, quelques 19 millions d'Américains sont au chômage total, 9 millions au temps partiel; la déflation est là et la production industrielle a chuté de 13% à fin mars (en rythme annuel). En Europe, la déflation menace, et la chute de la production industrielle est historique. En France, les défaillances d'entreprises sont en hausse de 21,3 % au premier trimestre. Même la Caisse des Dépôts a affiché des pertes (-1,5 milliards d'euros), pour la première fois en deux cent ans ! Jeudi, Laurent Wauquiez, le mutique secrétaire d'Etat à l'Emploi, a prévenu que les chiffres du chômage pour le mois de mars seraient aussi mauvais qu'en janvier et février. On les attend pour le 27 avril. Avec 100 000 chômeurs de plus par mois en 2009, l'année promet d'être tendue. Et le climat social est toujours à l'orage. Vendredi, le tribunal de grande instance de Grenoble a condamné dix-neuf salariés de Caterpillar pour occupation illicite. La justice fait le ménage pour le compte de la direction. Les salariés risquent chacun 200 euros par jour de blocage des locaux de l'entreprise. A Pontonx, près de Bordeaux, ceux de Sony ont enterré symboliquement leur usine.En fin de semaine, François Fillon a cru bon de calmer cet optimisme médiatique: "on est tous assez convaincus que la reprise est pour le début de l'année 2010 en Europe. Simplement la question est de savoir, est-ce que ça va être une reprise forte ou une reprise un peu molle et longue. Moi, je pense qu'elle va être assez molle en 2010." Jean-Claude Trichet, le président de la Banque Centrale Européenne, a confirmé qu'il n'excluait pas une nouvelle baisse des taux directeurs. L'investissement ne redémarre pas. Claude Guéant renchérit: « A la fois Dominique Strauss-Kahn, Jean-Claude Trichet et nombre de banquiers américains estiment que le début de la reprise est pour l’année prochaine. Mais nous aurons encore d’ici là beaucoup de mauvaises nouvelles. L’évolution de l’emploi est très négative. » La Sarkofrance suit la voie tracée, dans les années 1930, par Herbert Hoover : « la prospérité est au bout de chemin » nous promet-on.
Incompétence sécuritaire
Cette semaine, Michèle Alliot-Marie a chipé une idée allemande vieille de 25 ans, comme si l'Allemagne de 1985 et la France de 2009 avaient ses similitudes: un décret "anti-cagoule". La ministre de l'intérieur a expliqué : "quand on va à une manifestation c’est pour exprimer des idées". Quand ce décret sera publié, porter un foulard ou une cagoule lors d'une manifestation équivaudra à porter une arme: "tout participant à une manifestation publique, en dissimulant volontairement son visage dans le but de ne pas être identifié, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de 5e classe: 1 500 euros". Le gouvernement a-t-il si peur que cela d'une radicalisation de la contestation ?
Deuxième projet, déjà annoncé il y a 3 semaines par le chef de l'Etat, le "délit de bandes" a fait parler de lui. Michèle Alliot-Marie a été interrogée sur ce gadget inutile. La loi sanctionne déjà l'association de malfaiteurs. A quoi bon une nouvelle mesure ? Nicolas Sarkozy cherche en fait à masquer, par une "incontinence législative", son incompétence sécuritaire. Les syndicats de policiers se plaignent, à juste titre, de la réduction de leurs moyens et de leurs effectifs (près de 5 000 postes en moins d'ici deux ans). Et les chiffres de la délinquance, n'en déplaisent aux supporters de l'ancien de l'intérieur, sont mauvais depuis 2002: la délinquance violente ne cesse de croître.
Sarkozy durcit le ton, réduit les moyens et casse la prévention. Comment voulez-vous qu'il réussisse ? Veut-il seulement réussir ? L'insécurité est une distraction électorale bien utile en Sarkofrance. C'est le seul socle idéologique d'une droite au pouvoir déboussolée. Depuis près de deux ans, on a tout entendu sur le sujet: les peines planchers, des sanctions d'adultes pour les mineurs de 16 à 18 ans, l'enfermement à vie "hors peine", la détection des comportements dangereux dès l'âge de 3 ans, de nouvelles cellules d'isolement dans les HP, l'abaissement à 12 ans de la majorité pénale, le "procès des fous", ou l'interdiction des "bandes" et des cagoules. Nicolas Sarkozy ne veut pas réduire l'insécurité. C'est son fond de commerce.
Comment expliquer que la vraie fraude, celle qui coûte et détruit, n'est pas aussi durement sanctionnée ? Comment expliquer que les effectifs de la police nationale et de la gendarmerie soient réduits si la cause est si grave ?
Les services de Roselyne Bachelot ont aussi joué leur partition dans ce climat répressif ambiant : le Quotidien du Medecin a dévoilé un autre projet de décret, qui vise à élargir le champ d'application de la lutte contre la fraude à l'assurance maladie, et les sanctions qui vont en découlent. Il créé des "peines plancher" contre les fraudeurs, 1/10e du plafond mensuel de la Sécu pour les assurés, la moitié du plafond pour les professionnels de santé. Un décret surprenant de sévérité tant la démarche gouvernementale semble déséquilibrée : la CNAM déclare moins de 200 millions d'euros de fraudes par an (160 en 2008). La fiscalité française souffre, elle, d'évasions de revenus qui se chiffrent en dizaine de milliards d'euros chaque année. Avez-vous entendu Nicolas Sarkozy annoncer un projet de décret contre les entreprises françaises qui placent tout ou partie de leurs bénéfices à l'abri du secret bancaire de banques complaisantes ? Non. C'est normal.
Bizarrement, le gouvernement envisage aussi de réduire les moyens de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Fichtre, la DGCCRF est censée lutter contre les ... fraudeurs. Or Nicolas Sarkozy, comme tout un chacun, n'aime pas les fraudeurs...
Incurie gouvernementale
Un journaliste curieux a demandé à Luc Chatel, ce mercredi, si les aides du nouveau Fonds Stratégique d'Investissement, installé par Nicolas Sarkozy fin 2008, seraient subordonnées à l'absence de plans sociaux. Réponse embarrassée du porte-parole de Sarkofrance : "ce n'est pas la règle générale". Quelques jours auparavant, le président français avait suggéré à sa ministre de l'Economie de plancher sur un allègement supplémentaire de l'Im^pôt de Solidarité sur la Fortune : l'ISF s'est déjà "dégonflé" de 600 millions d'euros en 2008 par rapport à 2007. Sarkozy aimerait relever son plafond de défiscalisation de 50 000 euros actuellement à 100 000 euros, si les foyers concernés investissent dans une PME. Aucun bilan chiffré n'est pourtant fourni pour justifier de l'efficacité de la niche fiscale existante.
Nicolas Sarkozy a aussi soigné son électorat "senior" en faisant annoncer qu'il maintiendrait jusqu’à la fin 2009, l’allocation équivalent retraite (AER). Cette dernière assure, jusqu'à 60 ans, un minimum de 968 euros par mois aux personnes (65 000 en 2008) qui, avant 60 ans, totalisent 160 trimestres d'assurance vieillesse. C'est un vrai renoncement, car le président français voulait "remettre les seniors" au travail en supprimant toutes les aides dont ils bénéficient avant leur retraite. Mais la chute dans les sondages est telle qu'il faut bien réagir. Il n'y a que Frédéric Lefebvre pour transformer un faire-part d'enterrement d'une promesse sarkozyenne en un communiqué de victoire...
Belle semaine pour la distraction répressive. Des journalistes, à Charlie Hebdo puis à Libération, sont à nouveau revenus sur la triste affaire Coupat. Plus de cinq mois après l'arrestation de la "cellule invisible" de Tarnac, ce groupe de doux rêveurs libertaires, tous sauf un ont été libérés. La justice a bien des soupçons, mais aucun ne semble justifier le maintien en prison, pour "terrorisme", de Julien Coupat. En novembre dernier, nous parlions de "Railway-Gate". L'affaire se confirme.
Le Président est coincé donc énervé, le gouvernement applique ses consignes faussement sécuritaires, la France s'enlise. Aux Etats-Unis, Barack Obama parle de "refondation", à base de politique énergétique, de protection sociale, et d'ouverture internationale. En France, on compte les jours de congés et les bons mots du président.
On a le président qu'on mérite.
Ami sarkozyste, où es-tu donc ?
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