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Björk - Adolescence : Homogenic, Vespertine

Publié le 19 avril 2009 par R0udy

Ce papier fait suite à celui-ci, qui décrivait la naissance de Björk en tant qu'artiste. Après un Debut tâtonnant et un Post bon mais désinvolte débarquait Homogenic, son premier chef d'oeuvre et l'un des piliers de la musique des années 90 ; là où j'optais pour une évolution sonore piste par piste lors des chroniques précédentes j'imagine qu'il est cette fois plus judicieux d'aborder ces albums de manière globale, en relatant ce qu'ils évoquent, leurs desseins plutôt que leurs sons.

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Son titre constitue la première clé de compréhension d'Homogenic. Cohérent, concentré, monolithique, cette collection de chansons n'a plus rien avoir avec la dispersion des précédentes. Méconnaissable sur la pochette, déshumanisée, kaléidoscopée, elle se présente d'entrée sur Hunter. Le rythme connote une marche militaire… une voix lointaine et trouble résonne : “If travel is searching and home has been found, I'm not stopping, I'm going hunting” puis tout à coup se rapproche, parfaitement claire : “I'm the hunter.” Puis s'éloigne, à nouveau. On le comprendra plus tard, toute l'oeuvre de Björk tourne autour du sexe ; pour le moment il semble raisonnable de la figurer comme une chasseuse de sons, d'atmosphères. Rappelons qu'avant sa sortie, Homogenic fut introduit au public à travers Bachelorette, un single aux antipodes des précédents : l'instrumentation était dantesque, la chanteuse clamait avec une fougue rare des paroles personnelles et lyriques qui traçaient les premières pistes de réelle compréhension : “I'm a fountain of blood, in the shape of a girl / You're the bird on the brim, hypnotised by the Whirl / Drink me, make me feel real, wet your beak in the stream / Game we're playing is life, love is a two way dream”, que l'auditeur le jour J rejoignait dès le second morceau : “All that no one sees, you see, what's inside of me / Every nerve that hurts, you heal, deep inside of me / You don't have to speak, I feel emotional / Landscapes, they puzzle me confuse”. Sa voix saccadée, imprécise et grandiose sublimait le déluge de cordes le long des cinq minutes, atteignant ce qu'on pourrait qualifier d'orgasme au refrain, le fameux “State of emergency.”

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L'islandaise n'hésitait toutefois pas à éparpiller l'écoute : le tryptique All Neon Like / 5 Years / Immature renvoyait aux sentiments conflictuels de ses albums précédents en confrontant aux paroles amoureuses, pures et romantiques de la première partie des impressions plus contrastés, plus adultes : à qui parle-t'elle sur la piste 5 ? A un homme, un enfant, à la musique elle-même ? Elle paraissait jusque là passionnée or se trouve désormais “bored of cowards [who] can't handle” : “How could I be so immature to think he could replace the missing elements in me” revient comme un leitmotiv sur le morceau éponyme et invite à une relecture des premiers, Joga en tête : “All the accidents that happen follow the dot / Coincidence makes sense only with you” et “All that no-one sees, you see, what's inside of me / Every nerve that hurts, you heal deep inside of me / You don't have to speak, I feel” ne représentent que deux des nombreux extraits rejoignant la théorie de la grossesse. Tel une nouvelle, Homogenic est un essai dense, atypique. Court, synthétisé en une citation : “I'm no fucking buddhist, but this is enlightenment”.
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Quatre ans sont passés depuis Homogenic. Björk a obtenu un prix au festival de Cannes pour son rôle dans Dancer In The Dark, où elle jouait une en femme en proie à de grandes difficultés financières et de santé et dont l'un des thèmes centraux était la vue ; une expérience qui n'aura pas manqué d'influencer Vespertine : là où son effort de 1997 sonnait gigantesque, saillant et glacial, celui-ci s'en situait aux antipodes : les instrumentaux y étaient choraux et organiques, minimalistes et intimes, empruntant schématiquement plus à Kid A qu'au Soft Bulletin. Ainsi la focale s'en retrouvait déplacée depuis l'imagerie vers la source de l'évocation, depuis le son vers la pensée.

A nouveau elle s'introduisait sur la première piste, Hidden Place : “Through the warmthest chord of care / Your love was sent to me”. Notez l'erreur “warmthest”, première révélatrice du surplus d'émotion qui glissera sur le disque le long des douze pistes. Sa voix vacille, se repose, chancelle et explose, “I'm so close to tears / And so close / To simply call you up”. Plus loin, toujours freinée par la pauvreté expressive des mots, elle prononce : “He's the beautifulest / Fragilest / Still strong / Dark and divine / And the littleness of his movements / Hides himself / […] In the hidden place”. Ce qui marque c'est la franchise des paroles, frontales, nues, elles aussi écartées des faux-fuyants d'Homogenic. Vespertine ressemble à une déclaration d'amour :

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Björk a créé une entité - le “he” - et la vénère pendant 55 minutes, parfois jusqu'à employer des formules extrêmement lyriques et explicites, par exemple sur Harm of Will, ode gazeuse et intense portée par un flot dramatique de violons et d'échos : “This way is as is she / And he placed her / Unclothed / Long long longlegged / On top of the family tree / And if he has chosen the point / While she is under him / Then leave her coily placed crouched sucking him / For it is I with her on knee”—la chanson atteignant d'ailleurs son sommet à ce point précis, où Björk comme instinctivement retourne à sa langue natale/primordiale. Honnêtement, nul ne sert de détailler mon affection envers ce second accomplissement, l'auteur elle même n'y parvient pas. Ce disque renferme la plus violente des beautés, la bestiale, poétique et évidente, résumée sur le Cocoon tombé : “He slides inside / Half awake, half asleep / We faint back Into sleephood / When I wake up, the second time / In his arms, gorgeousness / He's still inside me / Who would have known”.

Who would have known.

Björk est adulte.


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