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Chronique d'un vertige (Sidi) par Safi

Publié le 21 avril 2009 par Bababe

20 ans après les évènements de Mauritanie

Chronique d'un vertige (Sidi) par Safi

J’ai  écrit  plus haut que ma porte avait été marquée d’un sceau. Ce sceau, je l'ai vu de mes propres yeux. C'est un doigt qui le portait et ce doigt indexait deux portes. Ce doigt était celui de Sidi, le boutiquier du quartier.

  C'est toute surprise, que j’avais surpris mon boutiquier en train de désigner à un homme deux portes, celle d’un voisin et la mienne. L'homme  devait être un chasseur de wolofs devenu chasseur de Peuls. La haine est gourmande.

 Sidi le savait bien, il ne pouvait pas se tromper. Les deux  portes étaient bien celles de parleurs pulaar (peul).

C'était un moment d’intenses vertiges, toutefois, quand le doigt de Sidi indiqua les deux portes, un autre geste ne m’avait pas échappé: celui de son neveu, désignant presque en même temps, la main de Sidi tenant un chapelet qu’il égrenait.

 Ce jeune homme, c'était un neveu de Sidi, un étudiant venu de leur campagne qu'il logeait dans sa petite boutique. Sidi, saisi de tremblements, dû s'emmêler dans ses versets et le comptage de grains de son chapelet.

Mais il ne laissa rien échapper qui puisse traduire qu'il  en voulait à son neveu. Sidi avait une grande affection pour lui. Ce neveu qui par ailleurs faisait sa fierté, car malgré ses études poussées, il continuait de prier. Sidi lui reprochait simplement de prier sans faire ses ablutions. Le jeune homme s'en alla, laissant son oncle profondément troublé.

Pourquoi Sidi avait-il agi ainsi ? La question se pose car ses agissements concordent mal avec cet acte. Quelle manœuvre le chasseur avait utilisé pour conduire Sidi à cela ?  Sidi  qui hébergeait toute une « tribu » dans sa petite boutique, et partageait avec eux un repas pour deux ?

Mais quand le chasseur se frotta les mains, jubilant devant un être dont l’âme était ruiné de remords,  et devant ses gibiers débusqués, une autre scène surgit de ma mémoire : celle du temps où des hommes se bagarraient avec leurs mains pour seules forces.

J'éprouvai aussitôt un ardent désir de plonger là où les vivants ne rêvent pas d'aller, pour y ramener  un lutteur disparu : Gaye Ndiobo. Il aurait terrassé ce gringalet aux forces lâches. Et comme Ndiobo avait de la classe, il n'aurait sûrement pas manqué de donner la main à son adversaire pour l'aider à se relever. Et cet imbécile aurait refusé.  

 Si je vous disais que le chasseur était doté de tous les critères qui font qu’un homme soit à la fois beau et élégant !  Mais pourtant il était d’une incroyable laideur dans cette scène où un homme tremblait face à sa conscience et  face à Dieu, et d'autres en totale détresse.

 A présent, tout ce que je sais, c’est qu’au moment où un homme dénonçait des hommes à un autre homme, un jeune homme rappela cet homme à sa conscience et à sa foi.

Et moi, pourquoi l’image du jeune homme me rappela-t-elle celle de Gavroche ?

 Si le geste du neveu avait sans aucun doute profondément troublé l’oncle, pour moi ce geste fut une lueur que je tiendrai comme une torche durant mon errance dans les ténèbres. Un espoir qui  soufflera de temps en temps sur  ma détresse.

Extrait des Chameaux de la haine dans SAFI GRIOTTE


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