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Durban II et ma soirée documentaire niaiseux

Publié le 22 avril 2009 par H16

Une fois n'est pas coutume : hier soir, j'ai regardé la télé. Et parce que je l'ai fait dans un moment de grande détresse mentale, j'ai été jusqu'à choisir Arte. Bon, soyons franc : j'avais repéré le programme depuis quelques jours et je savais qu'il y aurait un reportage réalisé par Caroline Fourest. Vu le pédigrée de la réalisatrice, je m'attendais à beaucoup tripoter le bouton "Brightness" de ma télé en vue de compenser les sombres conneries du discours proposé. Je fus surpris.

Le sujet ?
Il porte essentiellement sur le Conseil des Droits de l'Homme à l'ONU et comment cette instance est devenue le lieu d'une bataille idéologique rangée. On notera le sens de l'a-propos d'Arte puisque la chaîne diffuse le reportage en plein pendant les débats dit de Durban II, dont on peut dire avec euphémisme qu'ils sont assez mouvementés actuellement.
Comme je l'ai dit, je fus assez surpris : je m'attendais à une attaque massive de moraline, avec les biais anticléricaux très marqués de la Fourest. Ce fut plus subtil, et, force est de le constater, le reportage met de façon relativement correcte en lumière les pratiques lamentables au sein de l'institution onusienne. J'irai même plus loin : l'analyse de la situation et l'historique dressé permet de rendre honnêtement certaines des raisons qui ont amené l'ensemble de l'édifice dans l'état de déliquescence exposé au cours du documentaire.
En substance, il est découpé en deux gros morceaux. Le premier expose la charge menée contre la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 par les pays non démocratiques. Le second volet montre l'utilisation concrète des tactiques d'intimidation basées sur la religion pour faire taire les principaux opposants des régimes dictatoriaux sur toute la planète.

Durban II et ma soirée documentaire niaiseux

Fidèle représentation du Machin
Ainsi, la première partie montre comment l'accession aux Nations-Unies d'une grande quantité d'états totalitaires aura permis à ceux-ci, par le simple jeu des votes tel qu'il est en place au sein de l'institution, de réduire à la portion congrue les pays démocratiques qui se sont de plus en plus souvent retrouvés à jouer sur la défensive devant des blocs animés par la Chine, la Russie, les états africains ou les pays musulmans. Lentement mais sûrement, les démocraties sont placés dans la position d'opposants plus ou moins virulents mais inutiles à un processus d'abâtardissement du texte fondateur.
Quant à la seconde partie, elle montre comment les alliances et les groupes noués au sein du Conseil auront permis l'émergence d'un véritable tabou sur la religion qui sert de prétexte à bien des censures. Le procédé rhétorique est relativement simple puisqu'il a été employé depuis longtemps pour faire taire les opposants gênants.
Soit les uns utilisent le Tu Quoque : après tout, puisque les USA ont mis en place Guantanamo, et qu'ils se disent pourtant officiellement du côté des démocraties vertueuses et défenderesses des Droits de l'Homme, la torture et l'emprisonnement arbitraire ne peuvent plus être dénoncés chez les autres. En somme, les actions ponctuelles mais catastrophiques des Américains à ce sujet servent de véritable blanc-seing aux pires raclures planétaires.
Soit les autres crient au son de l'islamophobie ou du racisme, muselant ainsi leurs opposants en leur renvoyant leurs erreurs passées et leurs intolérances historiques à la figure pour mieux camoufler leurs propres abominations et discriminations lamentables.
La Conférence sur les Droits de l'Homme devient alors rapidement un pur jeu politique et rhétorique où les uns et les autres comptent mollement les points, se regardant en chiens de faïence, en détricotant sereinement les maigres avancées juridiques au gré des humeurs.
Ceci étant posé, j'ai tout de même quelques critiques de taille à faire valoir sur ces constatations de Fourest.
D'une part, il y a une tendance dans ce documentaire, subtile mais décelable, à mettre assez facilement sur le dos des Etats-Unis l'amoindrissement du message universel porté par les démocraties. Il est assez peu montré comment l'auto-flagellation perpétuelle des sociales-démocraties actuelles auront précisément donné du grain à moudre aux totalitaires en leur fournissant tout cuit un angle d'attaque. Certes, les Américains n'ont pas été les derniers dans leur croisade du politiquement correct, mais force est de constater que les Européens en général et la France en particulier n'ont jamais hésité à se vautrer dedans non plus.
D'autre part, Fourest conclut son documentaire en disant en substance que si cet organe des Nations Unies n'est pas parfait, il a le mérite d'exister et de fournir un miroir de l'état du monde. J'avoue avoir été assez agacé par le manque de lucidité de cette conclusion gnangnan ; c'est voir l'arbre sans distinguer la forêt et c'est louper la caractéristique essentielle du machin onusien : il s'agit d'une représentation assez fidèle de la façon dont périssent lentement les démocraties, avec cette mise à égalité délétère des pays les moins invasifs sur le plan individuel et des pays les plus nauséabonds en matière de libertés et de droits humains.
A ce titre, la Conférence montre exactement tous les problèmes inhérents à la démocratie, qu'elle soit au niveau d'un pays et s'exerçant entre individus élus, ou qu'elle soit au niveau mondial et s'exerçant entre pays :

  • on retrouve ainsi la formation de groupes, de coalition, avec l'écrasement ou le gommage des individualités ou des spécificités des pays ; le Maroc se retrouve ainsi à abonder dans le sens du Soudan, de la même façon qu'on retrouve dans un même groupe des individus comme Frêche et Bianco...
  • comme dans toute démocratie "bien huilée", la conférence favorise la loi du plus fort et/ou du plus bruyant. Les groupes les plus forts numériquement ou ceux qui font le plus de bruit par tout moyen rhétorique utile, aussi nauséabondes soient leurs propositions, se retrouvent à prendre la parole et s'auto-congratuler dans une bonne humeur et une décontraction typique des meilleures assemblées législatives de fin de règne. On attend le jour où, comme régulièrement nos députés, ils s'auto-amnistieront pour leurs crimes de masse.


Bref. Non seulement tout ceci n'offre aucun rempart des individus contre les pires dictatures, mais en plus l'institution onusienne oscille entre le tremplin médiatique, la bouffonnerie internationale ou la pantalonnade indécente. Pire, et là, Fourest me paraît trop contente d'oublier cet aspect, la montée en puissance des dictatures au sein de la Commission aura eu pour effet de leur donner une apparence de légalité, une sorte de légitimité frappée du sceau onusien lorsqu'ils commettent leurs forfaits. En clair, tout montre qu'au contraire de donner une image fidèle du monde, l'institution onusienne se comporte véritablement comme une chambre d'enregistrement et une caisse de résonance pour les régimes les plus liberticides.
Encore une fois, au travers de cette volonté à peine cachée d'excuser la Commission pour ces dérapages de plus en plus grossiers, on sent percer l'inextinguible envie d'un "gouvernement mondial" qui, enfin, règlerait une bonne fois pour toutes tous les problèmes individuels, de la pauvreté à l'exclusion en passant par toutes les discriminations possibles et imaginables.
...
Le documentaire était suivi d'un débat impliquant notamment Cohn-Bendit, gage absolu qu'on allait explorer consciencieusement le niveau zéro des idées politiques à la mode. J'ai donc coupé.


Pour référence : le reportage d'arte sera disponible sur http://arte.tv/plus7.


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