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Ingérences

Par Moushette
Ingérences.
Premier post depuis mon retour en France....
Et bin je ne vais pas parler de notre adaptation suite à notre retour, ni de notre succulent premier repas français post avion (entrecôte juteuse et sa moutarde, frites et ptite salade de mâche, et fromage, plus français tu meurs !!!), ni de mes lessives qui restent sales, ni de de la joie de mes enfants de retrouver maison, chats et jouets (et devoirs et piano pour pov' Nish !).... Non, j'ai juste envie de parler de la vente échouée de Rubi, la p'tite actrice de Slumdog M', par son père (pasque quand même, mine de rien, le père est "allé voir" pour se renseigner, même si d'après lui il a fini par refuser...). Et aussi de la baffe qu'avait reçu l'autre acteur par son père devant les caméras, juste après que le gosse soit revenu des cérémonies de Oscars.
Comme tout le monde je pourrais dire, "ouaih dégueu de tabasser son gosse pour une broutille, surtout devant les caméras" et "encore plus dégueu de vendre sa fille à un émir pour un soit-disant "adoption" en vantant le fait que sa fille est un "Oscar girl" ".
Oui bien sur que c'est dégueu, je condamne ces faits. Mais je ne juge pas ces pères. Car je me mets à leur place, les pieds dans la crasse et le cafards de son slum, et avec le cerveau d'un indien de ces milieux là.
Imaginez ces chefs de famille qui gagnaient deux sous à force de sueur, et qui se retrouvent subitement avec des gosses millionnaires, grâce à qui ils auront les beaux apparts qu'ils n'auraient jamais eu autrement, et qui possèdent ce que eux pourraient gagner en 10 vies... Contrairement à eux, leurs gosses ont "facilement" gagné des fortunes, en quelques mois de tournage, sans trop d'efforts comme dans un jeu... Un peu comme l'émission de "qui veut gagner des millions" !!!
Y a de quoi déstabiliser un père de famille qui voit son rôle de chasseur-macho -ramenant-viande-à-tribu fortement écornée, les rôles dans la famille sont presque inversés ! Ces gars là étant peu intellos, ils ont sans doute voulu inconsciemment éliminer "le chasseur concurrent" par baffes et ventes à émir.
Alors j'ai presque envie de dire : "Quoi de plus naturel, c'était prévisible, ne leur jetons pas la pierre". Lorsqu'on connait la société indienne et leur mode de raisonnement, cela n'a rien de surprenant. Avoir du jour au lendemain, une poule aux oeufs d'or dans sa descendance, voilà de quoi déstabiliser un père de famille indienne pour qui une femme est une machine à gérer le foyer, et pour qui les enfants sont des sympathiques animaux de compagnie (et qui au terme peuvent lui couter un bras s'il s'agit de filles à doter pour le mariage).... Et en plus il ne peut rien toucher de ces oeufs, puisque tout est pour l'instant placé.De quoi péter un câble et faire n'importe quoi.
Danny Boyle, le réalisateur du film, en voulant "aider" des enfants de la rue (ou a-t-il voulu tout simplement les embaucher pour qu'ils soient plus crédibles que des petits riches ?) a perturbé l'équilibre fragile de ces familles pauvres, et ce genre de conséquence était plus que prévisible...
Moi ce qui m'inquiète le plus, c'est que ces petits millionnaires (aux yeux des autres habitants de leur slum) sont maintenant fragiles et vulnérables dans leur slum. Qui les protège des prédateurs ? Les autres familles doivent les regarder avec envie, et ils doivent susciter bien de la convoitise et de jalousies. Je prie qu'ils ne soient les futures victimes de mafieux (comme les "méchants" décrits dans le film) qui pourraient être tentés de les kidnapper pour récupérer en échange l'argent amassé grâce au film... Et vu le tollé médiatique autour de la vie de ces gosses, cela ne m'étonnerait qu'à moitié, surtout pour la petite fille ...
Pourvu que ce fric ne fasse pas plus de mal que de bien à ces enfants...
Et tout cela me ramène à un mot qui me revient souvent à l'esprit, lorsque j'entends parler d'actions humanitaires pour d'aider des hommes dans le besoin : l'ingérence.
A-t-on le droit de perturber la structure d'une société, remanier l'équilibre d'un village, d'une famille, ou pire violer les lois d'un pays, sous prétexte d'aider son prochain ?
Je me pose cette question très souvent, depuis que j'ai vu il ya des puits construits par les musulmans au Burkina Faso, en échange de quoi le village entier a dû se convertir à la religion musulmane (et missionnaires chrétiens en Afrique ou ailleurs, même pas mieux)...
(Et parenthèse, j'avais aussi vu de nombreux puits offerts par Unicef, laissés à l'abandon à la première panne, pasque l'ONG n 'avait pas sensibilisé et responsabilisé le village à son entretien et maintenance...)
Pour moi la définition de l'aide humanitaire idéale est la suivante : aider oui, à long terme avec participation des aidés, sans détruire l'équilibre existant, et sans imposer sa "culture occidentale"... C'est un difficile équilibre à trouver, car donner quelque chose de nouveau perturbe l'équilibre existant. Mais comme souvent l'humanitaire se fait dans l'urgence, cela est souvent loin d'être le cas. Mais est-ce une raison de ne pas y réfléchir systématiquement ? Car il y a l'action et son soulagement immédiat, mais ce qui reste, sont les conséquences à long terme.

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