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Complices malgré eux

Publié le 11 septembre 2007 par Roman Bernard
J'ai été sollicité récemment, en tant que blogueur "lyonnais" -alors que je suis sur Lyon moins d'un mois par an- pour participer au forum "Blogger's Club" de l'hebdomadaire Lyon Capitale, auquel j'ai contribué deux fois, sur un sujet qui n'est pourtant pas en tête de mes préoccupations : la prostitution.
La première intervention sur ce thème propice à toutes les polémiques était celle d'un partisan d'une prostitution réglementée, au nom de l'utilité sociale du "plus vieux métier du monde" et de la nécessaire dignité pour l'exercer.
Il en tirait la conclusion qu'il faudrait rouvrir les "maisons closes", comme cela a été envisagé récemment en France, proposition en partie fondée sur l'exemple de certains de nos voisins européens, telles l'Espagne ou l'Allemagne. Cette dernière avait d'ailleurs mis en place un réseau très rationnalisé de bordels -appelons les choses par leur nom- durant la Coupe du monde de football, l'an dernier. Les Allemands ont ainsi intégré la nécessité de canaliser la prostitution en lui donnant une place bien précise dans la société, dans laquelle l'hygiène, la sécurité et la dignité des prostituées comme des clients peuvent être strictement contrôlées.
Cette approche, évidemment pragmatique, qui considère comme acquis que la prostitution, malgré l'interdiction du proxénétisme et du racollage, est une donnée de la vie sociale, est à mon avis la plus sage, car la plus transparente, ce que j'ai d'ailleurs fait savoir sur ce même forum. L'encadrement de la prostitution, tout en considérant que celle-ci est un triste commerce, permet d'en limiter les excès, ainsi que de ne pas rejeter les prostituées, qui sont avant tout des victimes, en marge de la société, où elles dépendent de réseaux mafieux qui prospèrent sur le commerce du sexe.
La dernière réaction, en revanche, était celle d'une militante féministe, pour laquelle il faut abolir la prostitution en poursuivant les proxénètes -ce qui est déjà le cas- mais aussi les clients. Cette dame, Michèle Vianès, présidente de l'association Regards de Femmes, et qui confond allègrement prostitution des mineures et des majeures, avance l'idée fallacieuse selon laquelle la poursuite des clients serait le seul moyen de faire disparaître la prostitution et du même coup le proxénétisme, alors que c'est tout le contraire qui est vrai.
Pour le prouver, j'ai comparé l'interdiction de la prostitution avec la Prohibition (de l'alcool), dans les Etats-Unis des années 1920. Le puritanisme des élites politiques américaines, qui n'avaient pas envisagé que la demande d'alcool allait subsister malgré l'interdiction, avait alors conduit au quasi-monopole de la production clandestine d'alcool par la mafia, laquelle a pu accumuler grâce à cela des fortunes scandaleuses et ainsi gangrener davantage la société américaine.
Le proxénétisme constitue déjà une forme d'économie parallèle aujourd'hui, mais, évidemment, cela serait bien pire si la prostitution venait à être sanctionnée, non seulement du côté du "maquereau" mais aussi du client. Exemple supplémentaire de ce que la méconnaissance de l'être humain par certaines belles âmes peut amener aux pires alliances.
Les anti-prostitution sont donc, en dépit de leurs bons sentiments, les meilleurs complices des proxénètes. De la même manière que les pacifistes -de droite comme de gauche- des années 1930, qui comme Jean Giono préféraient être des Allemands vivants que des Français morts, furent malgré eux les meilleurs alliés d'Hitler. Alors que les "bellicistes", que l'on accusait de pousser à l'affrontement, auraient peut-être pu, s'ils avaient infléchi la politique d'armement de la France, préparer celle-ci à un conflit qui pouvait être gagné en 1938 mais plus en 1940.
C'est, après les honteux Accords de Munich, ce qui avait fait dire à Churchill, ce vrai pacifiste qui savait que la paix ne se gagne que les armes à la main : "Vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre."
J'arrête là cette comparaison, que d'aucuns vont encore qualifier d'"amalgame" alors que la correspondance est parfaite. Je tiens juste à dire, en guise de conclusion, que lorsqu'un problème est structurel, il ne peut être résolu, ou du moins limité, qu'en le traitant à la racine. Les Munichois de l'anti-prostitution ne comprennent pas que la prositution, comme l'alcoolisme, la toxicomanie, le hooliganisme ou encore l'addiction aux jeux d'argent, est une maladie du corps social. On ne peut pas la faire disparaître en décrétant qu'elle n'existe pas. Il faut l'accepter, pour la circonscrire et la réduire. Sans cette exigence, une politique aurait un effet similaire à une épilation au rasoir : couper le duvet pour faire repousser un poil gros, dru et tenace. Métaphore répugnante, j'en conviens, mais qui illustre bien le mal dont il est question.
Roman B.
PS : quant au nécessaire encadrement des vices de notre société, je ne suis pas loin de penser la même chose que sur la prostitution au sujet de la consommation de cannabis, débat dans lequel je m'oppose aux personnes proches de mes idées politiques.
Le débat est à retrouver sur le site Internet de l'Institut national de la prostitution.

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