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Maîtres et possesseurs de la nature

Publié le 24 août 2007 par Roman Bernard
Pourquoi titrer ce billet avec une citation de Descartes ? Oui, pourquoi, sinon pour exprimer mon sentiment devant la haine du progrès qui semble s'être emparée de nos contemporains ? Cette haine, on le sait, prend sa source à la fois dans les horreurs du XXe siècle, en partie permises par le progrès technologique -la bombe atomique en est l'exemple le plus spectaculaire-, et la menace que fait peser l'exploitation inconsidérée de la nature sur l'avenir des générations qui nous succèderont.
Cette aversion au progrès procède donc d'une méfiance tout à fait respectable devant la toute-puissance acquise par le genre humain depuis la Révolution industrielle.
Ce qui est moins respectable, en revanche, c'est l'opposition systématique à toute avancée technologique, observable dans les pays occidentaux qui, paradoxalement, sont les plus grands bénéficiaires du progrès scientifique et technologique. Bien que n'étant pas, au contraire du Kiwi Banquise tropicale, un fervent partisan des OGM -il s'agit quand même de transformer le génome d'une espèce, donc d'en faire une espèce mutante, ce qui doit nous inciter à la plus grande prudence-, j'ai été particulièrement choqué par les récents fauchages de champs de maïs transgénique, surtout par celui d'Ardèche perpétré mardi soir dernier. Ce qui m'a le plus scandalisé, c'est moins le fauchage en lui-même que le message infamant laissé par les vandales à l'agriculteur :
La terre n'appartient pas à l'homme.

Comme la plupart des personnes qui ont eu vent de cette affaire, j'ai appris à cette occasion que cette phrase était en fait la moitié d'une citation de Sitting Bull (Taureau assis), chef sioux qui commanda les armées sioue et cheyenne lors de la fameuse bataille de Little Big Horn, en 1876, au cours de laquelle le général Custer et ses 263 soldats périrent, dans ce qui constitua la seule victoire jamais remportée par les Indiens d'Amérique du Nord contre les "tuniques bleues".
Cette citation n'a sans doute pas été choisie au hasard : le génocide des Amérindiens, l'un des plus grands crimes de l'Histoire il est vrai, est souvent instrumentalisé par les écologistes pour exprimer leur nostalgie des tribus amérindiennes, censées avoir vécu en harmonie avec la nature, au contraire des "Yankees", qui l'auraient asservie. En réalité, l'historien, ethnologue et anthropologue lyonnais Philippe Jacquin, spécialiste des tribus d'Amérique du Nord, a prouvé que "L'Indien "écologiste" [était] une invention de l'homme blanc". Par la pratique du brûli de forêts et de prairies, les razzias de bisons ou, à partir de l'arrivée des Européens, le commerce des fourrures, les Amérindiens, certes dans une moins grande proportion que leurs vainqueurs, ont été des prédateurs de la nature.
Ce mythe des tribus amérindiennes écologistes véhiculé par certains Occidentaux relève, il faut bien le dire, d'une mythologie plus large, celle du "bon sauvage", sorte de racisme à l'envers qui forme l'un des trois piliers de l'"antiracisme" avec le dénigrement de la culture judéo-chrétienne occidentale et la haine du progrès.
Les écologistes occidentaux qui regrettent de n'avoir pas vécu dans un tipi sous les étoiles au lieu d'habiter dans une mansarde sous les tôles ne sont pas de doux rêveurs, contrairement à l'image édulcorée qu'en donnent les médias. Le concept à la base de leur vision du monde est l'écocentrisme, selon lequel l'homme n'est qu'un élément du monde et qu'il n'a donc aucun droit particulier sur ce dernier, pas même celui de le modeler pour lui permettre d'améliorer son existence. Le progrès est par conséquent interdit par une telle approche, mais, plus grave, l'homme n'a dans ce système de pensée pas plus de valeur qu'un animal ou même qu'un végétal. L'écocentrisme est résumé par la citation complète de Sitting Bull : "La terre n'appartient pas à l'homme, c'est l'homme qui appartient à la terre."
Etant l'égal de tout autre être vivant, quel peut être le but de l'homme sur cette planète, sinon de revenir avant la découverte du feu, qui lui avait permis de prendre peu à peu possession de la nature ? On peut trouver que je force le trait, et on aura sans doute raison. Mon but ici est de dénoncer une idéologie qui, n'étant pas appliquée dans les faits, n'a pas pu démontrer toute sa nocivité. Mais je tiens à alerter les quelques internautes qui auront la patience de lire cet article du fait que l'écocentrisme, qui n'est rien de plus qu'une haine de tout ce que l'esprit humain a conçu de grand -l'art, la science, l'architecture, etc.- représente une tentation pour nombre de nos contemporains, désemparés devant le vertige de la modernité. Je vais tenter, par certains exemples pertinents, d'illustrer mon propos :
En même temps que certains de nos compatriotes fauchent des champs de maïs transgénique au mépris de la loi, d'autres militent pour la réintroduction de l'ours dans les Pyrénées. La mort de l'ourse Franska, hier matin, a constitué une tragédie pour les "pro-ours". J'ai a priori une certaine sympathie pour ces gens. Commme beaucoup d'enfants de la génération "Club Dorothée", j'ai collectionné des images WWF pour sauver les pandas menacés de disparition. Ce premier acte citoyen m'avait sensibilisé à la disparition d'un autre ursidé, l'ours des Pyrénées, au beau pelage noisette. Le compte-à-rebours avait commencé : quand j'avais quatre ans, il n'y avait plus que 13 spécimens -les écologistes diraient "individus"-, puis, au début des années 1990, il n'y en avait plus aucun. Certes, c'est tragique, et les chasseurs qui voulaient "protéger le bétail" tout en revendant la fourrure étaient des imbéciles. Mais pendant que l'on s'affairait -et on s'affaire encore, artificiellement- à sauver l'ours des Pyrénées, les Pygmées se mouraient. A ma connaissance, aucun album d'images autocollantes n'a été imaginé à leur intention. Est-ce à dire que pour certains écologistes, la vie d'animaux a plus de valeur que celle des êtres humains? A les entendre, on pourrait parfois le croire. Il faut dire que cette préférence accordée aux animaux a son pendant beaufesque, avec tous ces Français retranchés derrière leurs pancartes "Attention : chien méchant".
Autre transcription de l'écocentrisme dans la vie courante, la mode végétarienne ou pire, végétalienne. On refuse de manger de la viande, voire tout produit animal, parce que l'on a dû mettre à mort un animal ou l'exploiter à des fins productives. Eh oui, l'homme, comme certains autres primates, est omnivore. Comble de malchance, au contraire des ruminants dont il a fait son péché mignon, il ne digère pas la cellulose. Pour se nourrir convenablement, il lui est donc recommandé de manger des animaux qui ont assimilé des végétaux à sa place. Bien sûr, à condition d'équilibrer ses apports en acides aminés (constitutifs des protéines), il peut se contenter de se nourrir de fruits, de légumes et de céréales. Mais dans la plupart des cas, un complément de protéine B-12 sera nécessaire, soit dans le lait de vache, soit, pour ceux que l'exploitation d'un autre mammifère répugne, dans des comprimés pharmaceutiques. La consommation d'oeuf, qui contient de l'albumine, est également conseillée à ceux, grands seigneurs, qui ne voudraient pas consommer de cadavres. Question : en quoi la mise à mort ou l'exploitation d'un animal sont-elles plus graves que celles d'un végétal ? Pas sûrs que les végétar(l)iens puissent y répondre.
L'opposition d'une bonne partie de l'opinion publique, bien au-delà de l'étroite communauté écologiste, à l'utilisation de rongeurs lors de tests scientifiques ou pharmaceutiques est également consternante. Grâce à ces tests, l'homme a été en mesure de trouver des remèdes à de nombreuses maladies. Difficile d'imaginer l'éradication de la rage ou de la variole, en attendant celle du sida, sans utiliser des souris, des rats et autres lapins dans l'élaboration de vaccins. Certes, ces animaux -nés de la main de l'homme- souffrent et meurent. Mais qu'y a-t-il de choquant à ce que l'espèce humaine cherche avant tout à assurer sa propre pérennité ?
Sujet brûlant, irradiant même, celui du nucléaire, dont les écologistes, Verts en tête, veulent "sortir", tout en voulant réduire les émissions de gaz à effet de serre et promouvoir à la fois une société libertaire -comme si l'écologie politique était possible sans contraintes- et l'ouverture totale -ou presque- des frontières, qui s'accompagne nécessairement d'une augmentation des transports, et donc de la pollution. Une incohérence assez adolescente, qui refuse d'intégrer le principe de réalité à l'élaboration d'une pensée vraiment écologiste. Sur ce sujet dont je ne suis pas spécialiste, je laisse la parole à mon ami GP, jeune ingénieur, sur son blog Nobium. Où l'on comprend, après tant de dénigrements véhiculés par nos médias complices, les bienfaits du nucléaire.
Je pourrais multiplier les exemples à l'envi, mais ma démonstration en perdrait de sa force. Je me contenterai donc de donner celui du rejet de la corrida et de ce qu'il révèle de la bien-pensance de ses auteurs. Ce sujet a déjà été évoqué avec acuité par un autre Kiwi, Seb de Ca réagit, qui voulait sans doute, inconsciemment, dire en défendant la corrida toute son admiration pour Toréador, maître-à-penser de la blogosphère et à plus forte raison de notre modeste réseau. Pourquoi, au fond, être opposé à la corrida ? On parle souvent de la souffrance de l'animal, mais en quoi un taureau de combat, bien nourri, vivant dans un champ et certes tué par l'épée, souffrirait-il davantage qu'une vache de batterie, vivant enfermée dans un box et nourrie jusqu'à il y a peu des restes recyclés de ses congénères, avant d'être tuée par un cylindre de métal projeté dans son cerveau ? C'est tout simplement que l'on n'accepte pas que l'homme, comme les autres êtres vivants se repaissant de chair, doit tuer, ce qui lui permet au passage d'assouvir sa pulsion de mort, qualifiée par Freud de thanatos. Les anti-corrida refusent de voir l'homme tel qu'il est.
D'une manière générale, les écocentristes n'acceptent pas de reconnaître que leur idéologie n'est, au fond, qu'un caprice d'Occidental, bourgeois et névrosé. Les paysans des Andes n'ont que faire de la nostalgie de l'araire par ceux qui croient les défendre. Si on donnait à chacun des agriculteurs quechuas un tracteur pour faciliter la culture du maïs et ainsi lui permettre de nourrir convenablement sa famille, il serait repu, et n'entendrait même plus les cris hystériques des détracteurs -jeu de mots facile, j'en conviens- de la mécanisation de l'agriculture.
J'arrête là ce tour d'horizon, en disant, comme Descartes mais avec certes moins de talent, que les hommes doivent se rendre maîtres et possesseurs de la nature, à condition bien sûr que cela se fasse avec le souci d'un développement durable, absent de l'exploitation forcenée de la forêt amazonienne. Vous souvenez-vous de mon ex-ami bobo parisien, qui refuse de m'adresser la parole depuis que j'ai voté pour Nicolas Sarkozy (bel exemple de tolérance de gauche) ? La rédaction du présent article me ramène en souvenir au dernier réveillon du Jour de l'An, passé dans son loft bohème des Lilas, où sa copine, vivrensembliste notoire, m'avait dit, devant ma défense passionnée de la civilisation occidentale, qu'elle préférerait vivre chez les Papous, vantant leur "harmonie avec la nature". Je lui ai fait remarquer que les Papous n'avaient jamais envoyé d'hommes dans l'espace, ce à quoi elle m'a rétorqué que cela ne "servait à rien". Pourtant, comme tout astre, la Terre est mortelle... il faudra un jour penser à la quitter. Oh, pas tout de suite, mais dans quelques milliards d'années, ce sera une nécessité. En attendant de trouver la fusée miraculeuse qui pourra envoyer toute l'Humanité à quelques dizaines d'années-lumière de la Planète bleue, il n'est peut-être pas inutile d'avoir foi dans la Raison et le Progrès.
Roman B.
Maîtres et possesseurs de la nature


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