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Alors...on se met au vert ? (première partie)

Publié le 27 avril 2009 par Christophe Foraison
Alors...on se met au vert ? (première partie) En ce moment, je n'arrête pas de jardiner.
Vous le savez, si vous êtes fidèle lecteur de SOS...SES, c'est l'une de mes passions (en pur amateur évidemment).

Pour ce faire, je me suis équipé (achat d'outils, d'arbustes, livres, revues...). Le budget est conséquent lorsqu'on part de rien (ce qui était mon cas puisque j'ai toujours habité en ville).
Avec environ 1000 m2, j'ai de quoi m'occuper: supprimer les vieilles haies de thuyas (beurk), créer un petit potager, tondre, faire des boutures, tailler...En ce moment, cela n'arrête pas (d'autant plus qu'il fait beau).

Claude Monet Jardin de Vétheuil


Pourquoi je vous raconte tout cela ?
Ben...c'est le sujet de cet article: il a été inspiré par ma propre expérience. Mais, comme ce n'est pas un blog de jardinier, j'ai évidemment choisi de vous traiter à la façon des Sciences Economiques et Sociales  de cette activité.

Alors, on se met au vert ?

A Auxerre (situé dans l'Yonne, département rural ^^), deux grandes entreprises de jardinerie sont présentes: Botanic et Serres de bon pain.
En m'y rendant fréquemment depuis plusieurs années, j'ai remarqué deux grandes tendances:
=> la mise en avant de nouvelles pratiques de jardinage (liées au développement durable)
=> l'importance grandissante de tout ce qui est décoration (meubles, accessoires...).

Ces tendances locales sont-elles des stratégies de croissance économique plus globales ?

Comment expliquer ces changements relativement récents (ils ont moins de 10 ans) ?

Ce secteur économique est en train de vivre, comme on peut s'en douter, de profondes mutations liées aux transformations économiques et sociales.

  Dans ce premier article, je vais essayer de synthètiser les évolutions du côté de la demande.

-1-  des contraintes particulières du côté des consommateurs:

Le marché de la jardinerie est saturé (les ventes ne progressent plus de façon dynamique).
On peut avancer plusieurs raisons.

La demande est très liée aux conditions climatiques (or les deux dernières saisons 2007 et 2008 n'ont pas été marquées par une météo favorable). 50 % du chiffre d'affaires des jardinerie est ainsi réalisé au printemps et à l'automne.

De plus, avec la crise, les dépenses de loisirs (donc de jardinerie) vont être les premières à faire les frais de l'évolution ralentie du pouvoir d'achat. On se doute que l'élasticité de la demande par rapport aux prix doit être conséquente.

D'autant plus que les prix ont progressé. Voir ici pour l'indice des prix des fleurs,  graines


- Mais il y a des opportunités à saisir.

Du côté de l'évolution de l'habitat, 89% des foyers disposent d’un espace de jardinage lié à leur habitat principal : 61% ont un jardin, 43% ont une terrasse, 30% un balcon, 49% un rebord de fenêtre fleurissable, 77% des jardins ont une pelouse et 38% un coin potager (source: promojardin étude 2007).

Avoir un jardin est ainsi un critère important dans l'appréciation de la qualité d'un logement.

Alors...on se met au vert ? (première partie)

De plus, la taille médiane des jardins a augmenté: de 1949 à 1974, la superficie médiane des jardins pour les maisons individuelles était de 510 m2, après 1999, elle passe à 720 m2 (source INSEE).

J'ai trouvé sur le site de l'INRA des tableaux intéressantx (même s'ils datent de 1995^^).

 
Alors...on se met au vert ? (première partie)

On s'aperçoit que le milieu social exerce une influence certaine.

Les cadres sont ceux qui passent le moins de temps mais ils ont le plus grand jardin et y dépensent le plus ^^.

Le passage à l'âge de la retraite induit une augmentation du temps consacré à cette activité (et même du budget sauf pour les ouvriers).


Essayons d'être un peu plus précis pour comprendre le sens que l'on peut donner au jardinage.

Si l'on remonte un peu dans le temps, la pratique du jardinage est liée à l'économie de subsistance des classes populaires au XIXeme siècle.

Ce loisir "productif" avait une double fonction:

   - permettre aux ménages ouvriers de produire eux-mêmes leurs biens   alimentaires,

   - occuper les ouvriers (c'était un loisir essentiellement masculin) afin qu'ils ne soient pas oisifs (le sport avait cette méme utilité).
C'est pourquoi une certaine partie de la bourgeoisie a encouragé les classes laborieuses à pratiquer le jardinage.


Qu'en est-il aujourd'hui ?

Premier élément de réponse:

Alors...on se met au vert ? (première partie)


Même si le document date un peu (1995), ce qui peut nourrir quelques réserves, on s'aperçoit qu'avoir un jardin potager est loin d'être une pratique "populaire": plus le niveau de revenu augmente (jusqu'à 200 000 francs annuels de 1995), plus le pourcentage de ménage ayant un potager augmente.

Deuxieme élément de réponse
Alors...on se met au vert ? (première partie)
On remarque que chez ceux qui ont un jardin potager, plus leur revenu s'élève, et plus la place occupée par leur potager dans leur jardin diminue (au profit du jardin d'ornement). Chez moi, le potager n'occupe que 5 % de la surface du jardin ^^.


La thèse de Pierre Bourdieu dans son ouvrage célèbre "La Distinction" semble être confirmée: les classes populaires développent un habitus lié à l'éthique de la nécessité (pour simplifier, on peut dire que pour elles, le jardin, comme le bricolage, l'art, le sport ont une fonction "utile": se nourrir, acquérir des meubles, représenter la nature ou entretenir son corps), alors que les classes favorisées développent un habitus lié à l'esthétique, au formalisme (ces loisirs sont valorisés non pour leur "utilité matérielle", mais comme une forme d'épanouissement personnel).


Sauf que depuis plusieurs années, la tendance est à mêler l'utile à l'agréable: on plante des fleurs d'ornement dans le potager qui devient lui-aussi un élément décoratif.
De plus, on assiste à une certaine uniformisation esthétique des jardins Toutes ces évolutions ne peuvent que renvoyer aux mutations sociologiques liées à l'individuation dont j'ai déjà parlé. Il n'empêche, on ne donne pas le même sens au jardinage selon les milieux sociaux.


Enfin, du côté des demandes des consommateurs, une large majorité estime que le bio est une voie d'avenir,et est prête à privilégier l'achat de produits plus respectueux de l'environnement

La réduction du temps de travail
est également un autre facteur de dynamisme de la demande dans ce secteur.

Alors, pourquoi depuis le début des années 2000,
le marché n'a-t-il pas été plus dynamique malgré ces opportunités ?

La suite dans le prochain billet...

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