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Un autre jour se lève sur la planète France

Publié le 13 septembre 2007 par Frednetick

C’est devenu le dernier refrain à la mode (et le thème de posts chez criticus notamment mais bientôt chez d’autres Kiwis), les délinologues se heurtent de plein fouet aux anti-déclinistes. Le choc cérébral est massif, chacun avançant les arguments les plus lourds pour démontrer que oui (ou non) la France décline, n’est plus que l’ombre d’elle même, n’est plus qu’un avorton au niveau mondial et que nous sommes au bord du gouffre mais que nous y courront avec le sourire aux lèvres et le short à fleurs.

Le manichéisme d’une telle réflexion ne peut qu’émouvoir tous ceux qui tentent de réfléchir un minimum, et tentent de mettre de côté les idéologies partisanes.

Dans la situation actuelle de la France, il faut tout d’abord déterminer de quoi nous parlons. S’agit-il de la situation économique? sociale? de l’influence française dans le monde? de notre aura militaire? de la cueillette des champignons? de l’enculage de mouche?

Car à vouloir trop démontrer on en fini par caricaturer, lissant ainsi la finesse de l’analyse au profit d’un remugle intellectuel qui est à la réflexion ce que le crépis est à la peinture.

Alors oui la situation française peut soulever diverses interrogations concernant sa vitalité.

D’un point de vue économique, puisque c’est là le grand sujet de passion désormais, la France n’est plus cette patrie phare du 19ème siècle qui se taillait la part du lion avec la perfide Albion. Elle n’est effectivement plus que la 7ème puissance économique du monde en terme de PIB global (au coude à coude avec le RU) et la 21ème en terme de PIB/hab.

Soit. D’où les cris d’orfraie des déclinologues…mon dieu mon dieu nous coulons! La réalité est évidemment bien plus nuancée, l’Inde, la Chine et même le Japon bénéficient d’une population bien plus importante que nous, tandis que nombre de pays devant nous au PIB/Hab bénéficient de circonstances particulières. Le Luxembourg et l’Irlande d’un régime fiscal des plus attractif qui fait localiser les bénéfices dans ces pays alors même qu’ils ne sont pas la base de la production, Danemark, Pays-bas, Finlande, Suède d’une population très réduite par rapport à nous ce qui permet une spécialisation et des expérimentations plus aisées… L’italie, l’Allemagne, et même le RU sont très proches de nous ce qui relativise quelque peu le décrochage dont nous serions victime.

De plus la richesse ne vaut, selon moi, que que si elle est partagée par tous. Le PIB/Hab n’est donc une mesure “valable” que si elle est corrélée à un idicateur de dispersion des revenus. C’est globalement ce que détermine le coefficient de Gini. Or si l’on poursuit notre déroulé, le RU et les EU sont globalement moins bien classés que nous (0.32 pour la France, 0.36 pour le RU et 0.41 pour les EU). Le rapport entre le 1er décile et le 9ème en terme de revenus est aussi largement favorable à la France (2.9 en France, presque 4 aux EU après transferts sociaux).

En terme de dette, bien qu’elle pèse de tout son poids sur les finances publiques, elle reste inférieure à la moyenne de UE15 et reste attractive pour les investisseurs (dont la part d’étranger est légèrement supérieure à 55%). De plus comme l’avait souligné Laurent Guerby, parler de dette sans en évoquer le porteur ne rime à rien. Là encore les différences fondamentales de choix politiques rendent extrèmement compliqués toutes comparaisons “à l’instinct”.Entre privé et public le choix de celui qui investit est dirimant pour comprendre la réelle étendue des besoins de financement. En pariant sur le privé, les pays anglo-saxons provoquent mécaniquement une moindre progression de la dette publique, le désavantage étant de confier à des partenaires soucieux de profits des domaines qui devraient ne pas devoir rentrer dans cette logique pour maintenir un semblant de cohésion sociale (voir les hopitaux US ou anglais, le rail britannique aussi)

Il existe aussi de naturelles raisons de bomber le torse. En matière économique, la France est le 3ème pays au monde pour les IDE, qui sont des investissements directs (et non pas des investissements de portefeuille) bien que souvent peu créateurs d’emploi (plus des reprises que des créations ex-nihilo), et le volume de projets d’implantations sur le sol français est le second plus important d’Europe, sur les talons de la perfide Albion.
D’autre part, et c’est bien souvent tu par les médias et nos hommes politiques, la France accueille plus de diplomés étrangers qu’elle n’en laisse partir, autant pour la fuite des cerveaux. Une fuite qui donne cependant ses lettres de noblesse à des institutions montrées en exemple. Joseph Stiglitz rapporte par exemple que dans les prestigieuses universités américaines, la plus value n’est pas dûe aux étudiants US mais bien aux étudiants étrangers. Leurs méthodes de financement et le maillage qu’elles tissent avec les appareils productifs génèrent d’importants gains pour l’industrie US (en terme de brevet ou de d’innovations). Modifier notre enseignement supérieur pourrait donc à terme de rattraper ce “modèle”.

Enfin le système de santé français est le meilleur du monde selon l’OMS.

Sans vouloir ni pouvoir être exhaustif, la France possède des atouts, conserve une voix au niveau international (qui porterait plus si l’UE voulait bien se mettre un peu d’equerre). Elle ne peut que difficilement lutter avec la Chine ou les EU, elle aura bien du mal dans nombre de domaines, c’est certain.

Mais dénigrer constamment le “modèle” français n’apporte qu’une chose, on le fragilise. On se demande parfois pourquoi l’on parle de modèle français alors que personne ne l’imite. Aurait-on l’outrecuidance de croire que nous sommes si supérieurs que les autres ne le perçoivent pas?
Pas forcément.

La france a fait un choix de société, encore relativement solidaire. En voulant, sur la base d’un hasardeux et spécieux benchmarking international, modifier cet équilibre instable, nous risquons surtout de provoquer une montée massive de l’individualisme.

Saint Exupéry disait que l’amour ce n’est pas se regarder l’un l’autre mais de regarder ensemble dans la même direction. Faire vivre une société solidaire relève de la même logique.

En privilégiant les plus aisés, en oppressant (le terme est pesé) les plus faibles, les politiques dites de droite ne font qu’une chose. Elles poussent chacun, pauvre comme riche à ne plus regarder dans la même direction. Chacun sur son chemin, chacun pour sa gueule. Et le contrat social dans tout ça?

Faire société c’est vouloir vivre ensemble, pas vivre l’un à côté de l’autre.


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