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Médiateurs scolaire, pour quelle réussite ?

Publié le 30 avril 2009 par Leoweb

Si je devais synthétiser la cause de tous les problèmes de l'école, je dirai qu'elle peut se résumer à sa servitude envers le politique, disons plutôt à son asservissement. Je ne développerai pas ici les raisons qui m'ont amené à cette conclusion mais je voudrais en donner un petit exemple à titre d'illustration.

Récemment, Xavier Darcos nous a fait part de sa décision d'embaucher 5000 "médiateurs" dont la mission est de ramener des élèves absentéistes au collège ou au lycée. On peut se demander si notre ministre est bien informé des profils habituels de ces absentéistes que l'on trouve dans tous les collèges. Ce sont des élèves qui sont sur les listes mais qu'on ne voit que très rarement, parfois même seulement les jours de rentrée, en début ou en fin de trimestre. Bien souvent, ils viennent d'arriver dans l'établissement et on découvre qu'ils étaient également très absentéistes dans leur précédent collège  où, justement, ils ne sont restés que peu de temps : un an, deux trimestres, parfois un seul. J'en ai régulièrement dans mes classes. Cette année, deux garçons en troisième, une fille en quatrième et l'année dernière, une en cinquième et un en troisième. Tous ont un point commun : un niveau si faible qu’il ne leur permet pas de suivre des cours. Ce qui les distingue des quelques vingt pour cent autres qui n'ont pas davantage un niveau acceptable et pas davantage de capacité à travailler, c'est une sorte de clairvoyance, de conscience de leur situation. Ils savent parfaitement que leur présence n'apporte rien de bon à personne, qu'ils ne sont pas en mesure de suivre, qu'ils ont accumulé trop de lacunes depuis trop longtemps. Parfois, ils savent aussi qu'ils n'ont pas les capacités intellectuelles pour comprendre ce qu'on leur demande et assimiler ce qu'on leur donne. Alors ils se protègent contre les mauvaises notes, contre les railleries, contre une image épouvantable que les enseignants leur donnent d'eux-mêmes durant chaque heure de cours tous les jours de la semaine de toute l'année.

La violence qu'on leur inflige est terrible, c'est une sorte de conditionnement à penser qu'ils ne sont que des bons à rien. Quand ils sont là, ils peuvent parfois rester une heure sans bouger, malheureux, faisant même semblant de dormir. Mais le plus souvent, pour tenter de résister à l'humiliation, ils détruisent les cours et déploient toute leur énergie à empêcher de travailler ceux qui le veulent. Pour ces enfants, ne pas venir à l’école, c'est la seule façon de tenter de se protéger contre leur propre destruction. Comme il n'existe qu'un collège unique, leur choix se limite à détruire ou se laisser détruire. Mais les ministres sont des gens importants et ils ne se soucient pas de tout ces détails. Ils veulent des résultats : "S'il y a des absents, il faut aller les chercher car tout le monde doit aller à la même école".

Ici, l'école est bien au service du politique, et à deux titres: d'une part, le politique lui applique des principes contre nature, niant les réalités d'enfants doués de capacités très variables, d'autre part il déploie des moyens disproportionnés (5000 personnes pour faire "revenir" combien d'élèves?) pour obtenir de meilleurs chiffres sur le papier qu'il pourra mettre à l'actif de son bilan. Et je n'ose pas parler de ces pauvres gamins, les autres, bien plus nombreux, présents et désireux de travailler, qui se verront punis par l’école parce que "privés de cours normal" lorsque les absents seront de retour...

Michel SEGAL, professeur


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