Le courrier des mots

On dit que c'est une chaîne, lorsqu'on la regarde.
Oui, une chaîne, mais une chaîne de quoi ? Alors qu'en réalité, ce n'est qu'une ficelle, ou pire encore, une cordelette, toute mince, toute fine, toute frêle, comme cette jeune fille dans le train ce soir.
Elle avait les jambes en X, squelettique, ou plutôt, non, même la cordelette était plus fine.
Elle se brise, s'éffeuille, s'effrite, à force de tirer dessus, elle va céder, tantôt, peut-être.
Et puis, elle s'est perdue.
Je ne sais plus où, au départ, elle se trouvait dans ma poche, puis je l'ai mise dans mon sac, et puis, je ne sais plus.
Elle a filé, entre les doigts, entre mes doigts, entraînant tout son colis, tout ce qu'elle tenait ensemble, la cordelette.
Et elle est si fine, si petite, que je n'arrive plus à la retrouver, j'ai tout retourné.
Alors, je me suis résignée.
J'ai perdu les mots, mes mots, pour le moment, depuis quelques temps.
Si vous les voyez, si vous les retrouvez, alors, s'il vous plaît, avertissez-moi, ils se sont envolés, je ne sais où, comme s'ils m'avaient fui, comme si je les avais blessés, à trop les écorcher dans ma bouche, sous ma plume, sur les touches de mon clavier.