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Valls - Royal : une fausse rupture ?

Publié le 03 mai 2009 par Lozsoc
Manuel Valls

Manuel Valls

Sur le plateau de l’émission de Ruquier – On n’est pas couché – diffusée ce samedi 2 mai, Manuel Valls a donc pris quelque peu ses distances avec Ségolène Royal. Comme les Coulisses de Sarkofrance le relevaient, il y a quelques jours :

« L’éternel « jeune » socialiste frise les 50 ans. Il pense à 2012. Il a défendu avec obstination et violence la candidature de Ségolène Royal à la tête du Parti Socialiste en novembre 2008. Aujourd’hui, il pense à lui et s’en explique. L’ex-candidate à l’élection présidentielle portait un projet de rénovation. Elle aurait secoué le PS. Voilà pourquoi, et uniquement pourquoi Manuel Valls l’a soutenu. Depuis, il pense à la suite, et à son propre destin. Ce n’est pas indigne. Mieux vaut un homme politique (ou une femme politique) qui assume son destin, qu’un(e) hypocrite qui nous explique vouloir simplement don de sa personne au pays.

Mais Manuel Valls reste illisible. Il semble davantage préoccupé par sa problématique personnelle. Il critique son Parti quand ce dernier s’oppose à la réforme des institutions, au redécoupage électoral ou au plan de relance. Il fustige l’anti-sarkozysme obsessionnel. »

Il est un fait que Valls s’est particulièrement impliqué dans les débats du Congrès de Reims et qu’il a été un infatigable animateur des meetings de la motion E. On a notamment pu apprécier ses talents d’orateur lors de sa venue à Nîmes, en compagnie de Royal, Collomb, et Peillon, le 4 novembre dernier. Il a contribué à mettre un peu d’entrain et de verve militante lors de la réunion.

Ce faisant, malgré ses qualités, nous avons toujours éprouvé une certaine gêne vis-à-vis de son positionnement politique qui, à bien des égards, a manqué cruellement de clarté durant une majeure partie de l’année 2008. Cette gêne, on ne s’est pas privé de l’exprimer, en juillet dernier, en des termes assez vigoureux lors des débats relatifs à la réforme de la Constitution :

« Valls est donc le prototype du faux rebelle et du vrai conformiste. Il critique l’antisarkozisme pavlovien de la direction, mais on notera qu’il s’est bien gardé de voter en faveur de la réforme constitutionnelle, alors même qu’il la trouvait à son goût, il y un mois et demi, au point d’avoir tenté de fomenter une fronde au sein du groupe parlementaire socialiste. »

Quand on l’avait interrogé à Nîmes sur son comportement équivoque et notamment sur la tribune publiée dans Le Monde, en mai 2008, qu’il avait signée avec seize autres députés socialistes et apparentés socialistes, Valls s’était défendu en indiquant que cette prise de position avait eu pour objectif de créer un électrochoc au sein d’un groupe parlementaire PS atone et réticent à tout débat interne. Objectif atteint. Et bordel garanti. Mais Valls s’est bien gardé de joindre son vote à celui de Jack Lang. Courageux mais pas téméraire.

Dans son interview sur le plateau de Ruquier, deux points ont particulièrement retenu notre attention.

Le premier point est que Valls s’est désolidarisé des mouvements de colère de salariés ayant abouti à des séquestrations de chefs d’entreprises. Valls a jugé ces méthodes injustifiables et a exprimé son désaccord avec Royal (et accessoirement Aubry) sur ce sujet. On rappellera que Royal n’avait certainement pas appelé à l’insurrection sociale mais tout simplement insisté sur une évidence à propos de laquelle de très nombreux Français sont sensibles :

« Les salariés doivent forcer le barrage de l’injustice absolue : ce discours dominant qui demande aux salariés de subir, et de disparaître en se taisant, d’être licenciés sans faire d’histoire ni de bruit… »

Faut-il en déduire alors que, pour Valls, il est plus indiqué de subir, de disparaître en se taisant et d’être licencié sans faire d’histoire et de bruit ? Est-ce donc cela la modernité en politique, la modernité telle que la voudraient certains socialistes ?

Valls serait bien inspiré de lire l’excellent billet de Marc Cohen :

« Les ouvriers qui séquestrent des patrons ou des cadres dirigeants ont-ils raison ? Oui, bien sûr. Pour une raison simple : que diable pourraient-ils faire d’autre ? Voilà des gens qui normalement n’embêtent personne. Qui fabriquent des pneus, des cartes à puces ou des têtes de delco huit heures par jour. Qui sont payés 1200 euros net au bout de quinze ans d’ancienneté. Des gens qui le samedi bricolent dans leur pavillon et organisent des merguez-parties le dimanche, quand il fait beau, ou qui vont tenir un stand au vide-grenier du club de natation. En temps normal, on n’entend jamais parler d’eux, et ça leur convient parfaitement. Et puis un jour, un mec leur annonce que tout ça, c’est fini. Au mieux, on leur a préparé un plan social en béton. En clair un reclassement bidon, une formation bidon, un autre connard en costume qui vient leur expliquer comment ils peuvent se mettre à leur compte, monter une micro-entreprise de toilettage canin ou un gîte rural gay-friendly avant d’aller grossir les statistiques du RMI. »

Royal et Valls : un désamour... durable ou circonstanciel ?

Royal et Valls : un désamour... durable ou circonstanciel ?

Le second point de rupture que l’on a relevé concerne l’alignement supposé de Royal sur les positions du syndicat LKP en Guadeloupe. Valls est à nouveau en désaccord. Or, qu’a bien pu dire Royal de si terrible pour justifier aujourd’hui cette prise de distance ?

Le 23 avril 2009, Ségolène Royal écrivait :

« Comment ne pas être inquiet de ce qui se passe aujourd’hui en Guadeloupe? La presse n’en parle plus – ou presque. Le gouvernement reste silencieux. Mais le conflit social qui a secoué l’archipel en février dernier n’est pas apaisé, car les promesses n’ont pas été tenues.

N’attendons pas les prochaines révoltes.

Yves Jégo s’est permis de dire hier que je suis rentrée piteuse des Antilles.

Plutôt que de faire des commentaires politiciens méprisants, il ferait mieux de se hisser à la hauteur des problèmes auxquels font face les Antillais

Je l’informe – puisqu’il ne se rend plus sur place – que la tension est toujours vive en Guadeloupe. Les 200 euros promis dans le protocole d’accord n’ont toujours pas été versés aux salariés, comme me l’a confirmé Elie Domota hier au téléphone. […] »

On le constate, le soutien de Royal au LKP concerne les promesses non tenues par le gouvernement UMP. Ce soutien reste donc au cadre strict du protocole d’accord.

Si les deux points de divergence que Manuel Valls a indiqués sont sincères (en clair, s’ils n’obéissent pas à un simple positionnement personnel stratégique au sein du PS) et s’ils sont réellement insurmontables, alors la rupture risque de ne pas être un simple épiphénomène.

Car la modernité, que revendique Valls, c’est celle qui réduit en fait le faible à l’impuissance et à l’acceptation résignée de son sort.

Ces deux points de désaccord ne sont pas éloignés l’un de l’autre. Dans sa lettre du 23 avril 2009, Royal, une fois de plus, a eu l’occasion de mettre en parallèle les conflits sociaux en Métropole et dans les Antilles  :

« Comme pour Continental, il ne faudrait pas que, par son silence, le pouvoir soit responsable de la violence, puis fasse mine ensuite de s’en étonner pour s’en indigner et, enfin, réprimer. Dans le cas des salariés de l’équipementier automobile, il a quand même fallu en arriver à des actes extrêmes pour que le gouvernement accorde une réunion tripartite. Pourquoi, alors que les salariés le réclament depuis des semaines, le dialogue ne s’est-il pas tenu ?

En Guadeloupe, des mouvements sociaux continuent d’éclater ici et là. Ce qui ne présage rien de bon.

Nicolas Sarkozy vientd’annoncer le report de son voyage outre-mer. Je lui conseille pourtant de s’y rendre rapidement afin de se rendre compte que les accords conclus ne sont pas appliqués.

Il doit prendre les décisions préventives qui s’imposent. Pour que la paix sociale soit définitivement rétablie en Guadeloupe.

Ils ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas. »

Valls ne le sait-il pas non plus ou bien fait-il semblant de ne pas le savoir ?


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