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Santé : deux lettres qui énèrvent le ministère

Par Docrica

La première lettre vient de l'Union généraliste, a été citée par l'AFP, ce qui fait grincer des dents au ministère. En revoici une couche Mme la Ministre.

Madame la Ministre,
La grippe mobilise à juste titre tous les systèmes de santé et leurs responsables.
On sent bien que devant le danger de la contagion vous allez redécouvrir la place des médecins généralistes libéraux auprès des leurs patients sur tout le territoire français. Peut-être à cette occasion vous apparaîtra pleinement la médiocrité des moyens mis à leur disposition pour accomplir leurs tâches au quotidien.
Avec 2.9% des 200 milliards d’euro consacrés à la santé ils sont les pivots du système de santé et ont la charge de la permanence des soins sur tout le territoire. Pour comparaison, la gestion de la sécurité sociale consomme à elle seule le double de cette somme.
Plus grave encore : tant au niveau de la permanence des soins que dans toute autre mission de service public où ils sont conviés de gré ou de force, ces médecins ne sont couverts par aucune assurance réelle et identifiable. Dans le même temps ils encourent un risque médico-légal maximal et sont l’objet de violence parce que seuls et vulnérables.
Avec, en moyenne, un tiers temps d’aide en personnel (agent d’entretien ou secrétariat), ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour accomplir l’ensemble des missions que vous leur avez confiées encore tout récemment.
Dommage que les journées de travail ne comptent que 24 heures, car cette main d’œuvre hautement qualifiée et bon marché est exploitable par réquisition préfectorale, éventuellement, en dehors de toute contrainte horaire contrairement à la main d’œuvre salariale protégée par le code du travail.
Par ailleurs le maintien d’un revenu deux fois moindre que dans les pays européens à niveau de vie comparable, peut entraîner, chez ces médecins une certaine tendance à accepter les « petits boulots » même mal rémunérés comme les CAPI que vous venez de laisser publier au journal officiel.
Madame la ministre de la santé, pour vous la tentation va sans doute être grande, tout à l’heure ou demain matin de remettre à l’honneur la visite à domicile que vous avez jusqu’ici combattue pour des raisons économiques.
Vous savez sans doute que les petits soldats généralistes sont armés d’un kit grippe aviaire périmé et n’ont même pas accès, dans la pharmacie la plus proche, à une boîte d’antiviral.
Ils savent que vous avez dans vos cartons de grands plans de mobilisation dont ils ont été et sont toujours tenus soigneusement éloignés.
On pense pour eux en haut lieu. Cette situation symbolise la place des médecins généralistes dans le projet santé du ministère, mais aussi témoigne de l’estime de des pouvoirs publics à leur égard.
Comment allez vous mobiliser de nouveau ces petites mains du monde de la Santé ? Allez-vous leur rappeler leurs devoirs de médecin ? Leur relire le serment d’Hippocrate ? Allez-vous lancer à leur trousses les procédures CPAM des contrôles punitifs ? Allez-vous lâcher les réquisitions préfectorales ? Peut-être un C à 22.50 dès le mois de juillet 2010 ?
Madame la ministre, l’époque est propice à une mise en lumière de l’atrophie conceptuelle dont souffre le futur de cette profession. Le monde hospitalier se taille la part du lion dans un budget santé à enveloppe constante avec un argumentaire électoral sans faille.
Ce soir, demain; après demain, vous voulez des médecins généralistes disponibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, infatigables, économes et n’ayant besoin de rien pour continuer à répondre aux questions de santé des électeurs. Le mouvement perpétuel remis à l’honneur dans le maillage territorial pseudo libéral de la santé.
Madame la Ministre de la santé, le récent rapport de l’OMS demande aux politiques un investissement massif sur les soins primaires. La loi HPST semble ignorer la réalité économique de la médecine générale et se contente d'inscrire ses missions sans aucun moyens.
Les médecins généralistes ne veulent pas disparaître. Cette épidémie va démontrer leur nécessité vitale. Vous avez une occasion de valoriser la médecine générale.
Madame la Ministre ne la ratez pas.

La deuxième, en provenance d'une consoeur généraliste , installé en campagne, qui n'a d'autre issue que rejoindre la ville.

Quand le préfet impose au médecin de quitter la campagne
Médecin de campagne, une activité chargée la journée et une garde qui revient toutes les semaines. Pour une femme médecin, avec 5 enfants à la maison on apprend à jongler avec les secondes. Tout roule jusqu’à ce que la fatigue s’insinue du matin au soir. Tout va bien jusqu’à ce que le manque de sommeil se fasse sentir à n’importe quelle heure du jour. Tout semble normal jusqu’à ce qu’elle ne réussisse plus à garder les yeux ouverts au cours des consultations. Pas besoin d’être médecin pour reconnaître les signes d’un épuisement. Alors il devient impossible de faire quelques kilomètres sans s’endormir au volant et nécessaire de réagir.
Mais à la campagne, les remplaçants ne se bousculent pas. Elle essaie alors de récupérer le dimanche quand elle n’est pas de garde, en dormant. Les enfants ont appris à patienter et à s’occuper seuls. Puis commencent les soucis de santé, les maux de tête, l’hypertension, les anomalies à l’ECG et les radios perturbées.
Tout cela n’est pas nommé comme maladie, donc impossible d’obtenir une dispense de garde. Pire cette demande est mal perçue par les collègues et les responsables ordinaux qui refusent une exemption ne voyant dans ces symptômes que des manifestations d’une certaine nonchalance déculpabilisée.
Puis la loi permet bientôt de se déclarer non volontaire pour la garde. Pouvoir dormir chaque nuit après une journée trop chargée en heures de travail, un luxe, un vrai plaisir, une aubaine.
Mais les autorités préfectorales guidées par le conseil de l’ordre infligent l’humiliation de la réquisition préfectorale. Les gendarmes en uniforme surgissent au milieu d’une consultation pour déposer un ordre de travail pour la nuit et le week end. Et là commence une vraie galère, le sentiment d’être instrumentalisée, d’être contrainte, alors  que le sommeil manque, à se relever la nuit, dans un état second pour gérer des consultations hautement risquées sur le plan médicolégal. Cerise sur le gâteau, la réquisition annule toutes les assurances du médecin qui se retrouve complètement exposé et livré aux aléas d’évènements qui lui échappent. Crier justice ne rime à rien. Pourtant avec l’aide de confrères confrontés aux mêmes problèmes le médecin s’engage dans des actions en justice pour tenter de faire respecter ses droits de citoyenne : droit de  refuser un travail imposé, droit à la liberté. Des droits constitutionnels.
Il faut vite déchanter. Le droit de réquisition sur le médecin généraliste est un droit de contrainte par corps. Normalement il devrait être rattaché à une situation d’urgence, de catastrophe naturelle, de guerre, mais finalement pour combler les vides du service public, on n’est pas trop regardant. Les juges ne voient donc rien à redire à une liste de réquisitions qui s’égrènent de mois en mois allant de 12h à 44h consécutives, les nuits et les week ends. Ils ne trouvent pas non plus répréhensible que ces réquisitions ne s’accompagnent pas du versement de l’astreinte normalement due au médecin de garde. Bref, la procédure en appel confirme le jugement initial :le médecin est corvéable au gré des lacunes du service public. On n’est plus là dans l’urgence ni dans l’exceptionnel de la réquisition mais dans le quotidien d’une gestion du service public par ordre de travail sous menace pour le professionnel de santé libéral, assujetti, lui,  à toutes les taxes du médecin libéral mais chargé là de répondre, sous la contrainte, des carences de l’Etat. Pourtant lors de ces réquisitions, elle travaille encore dans la plus parfaite illégalité sur plusieurs points

-L’absence d’assurance qui peut être dommageable tant pour le professionnel que pour les patients qu’il reçoit et qui est interdite depuis la loi du  4 mars 2002
-L’état de fatigue avéré dans lequel elle se trouve et cette fois, de jour comme de nuit quand il devient impossible de se reposer autant que nécessaire pour pouvoir exercer en toute sécurité.
Mais l’argumentaire administratif, le nom d’un médecin dans la case correspondante, prime sur toute autre considération.
Le préfet a donc raison de réquisitionner. Les juges le confortent dans cette procédure. C’est au médecin de s’adapter. Le médecin n’a aucune envie de se voir condamné au pénal pour une faute grave, pas plus qu’elle ne souhaite rencontrer un platane sur la route en s’endormant au volant, ni aller jusqu’à de graves problèmes de santé comme l’infarctus ou le cancer du sein. Il ne lui reste donc qu’une solution, déménager.
Le déménagement est donc programmé cette fois-ci.
Le médecin va s’installer en ville, dans une petite ville du midi où le préfet,  lui,  a été condamné pour réquisition abusive et n’a pas fait appel.
Le médecin sollicite le conseil départemental de l’ordre des médecins  et le préfet de son  précédent département  pour qu’ils expliquent à ses patients, en particulier ceux dont elle était le médecin traitant depuis plus de 25 ans, pourquoi elle ne pourra plus assurer leur suivi. Elle demande aussi à madame le ministre de la Santé de rendre compte aux parlementaires de toute l’attention que son ministère  porte au problème de la désertification médicale.

Source : le-toubib-est-généraliste avec son autorisation


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