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“VERSIONS ORIGINALES NON CENSUREES” n°2

Par Censure

couvertureProchaines séances du film “LE BEAU SERGE” de Claude Chabrol :

En matinée au MK2 Quai de Loire : le dimanche 3, le samedi 9, le samedi 16, le dimanche 24 et le samedi 30 mai

Alors critique aux Cahiers du Cinéma, Claude Chabrol réalise son premier long métrage “LE BEAU SERGE” en 1958 et devient donc un précurseur dans l’émergence de la Nouvelle Vague il y a cinquante ans. 

Dans ce film que Chabrol a tourné dans son village natal, François (Jean-Claude Brialy) retourne au village de son enfance et retrouve un ancien ami Serge (Gérard Blain) après 10 ans d’absence. Serge auquel un brillant avenir était promis est resté à Sardent dans la Creuse tout ce temps. Il est devenu ivrogne et, conscient de cette déchéance, il cherche à se justifier aux yeux de François qui prend pitié de lui et tente de le tirer d’affaire. 

A l’époque, les producteurs français pouvaient soumettre les scenari de leurs projets de films à la censure pour savoir à quoi il s’exposait et pour éviter d’avoir à pratiquer des coupures une fois le film terminé. Par ce système de précensure, la commission consultée pour examen du scénario du film de Claude Chabrol le 4 décembre 1957 met en cause l’atmosphère générale qui se dégage du film. Jacques Flaud, directeur général du CNC,conseilla à Claude Chabrol« de traiter avec tact ce sujet pour lequel la Commission de Contrôle des Films cinématographiques vous a fait part des risques que peut encourir le film terminé pour son exploitation commerciale. » 

La majorité des membres de la commission pense que le film, une fois réalisé, encourt le risque certain de faire l’objet d’une proposition d’interdiction aux mineurs en raison notamment de l’atmosphère qui s’en dégage, les scènes d’ivrognerie, du personnage de Marie qui finit par être la maîtresse de son père légal. Certains pensent que cette représentation de la population d’un village français ne peut que desservir la France dans les territoires d’outre-mer et à l’étranger.

Le Président de la commission de contrôle estime ce film intolérable à des moins de seize ans « en raison des scènes d’ivrognerie, multiples en ce qui concerne Glomand, du personnage de Marie, qui devient la maîtresse de François, puis sans doute de son beau-frère et enfin de l’homme qui est légalement son père. Cette dernière attitude est admise par l’auteur qui peut justifier Cloumaud par ces paroles de sage : il s’est retenu pendant trois ans. La joie que procure la naissance de l’enfant ne suffit pas à annoncer tout cet étalage peu honorable de vices et de complaisances des habitants d’un bourg français. »

Le représentant du ministère de l’industrie et du commerce est lapidaire :

Pas d’objection. Mais … Mais … Mais …

Le représentant du ministère des Affaires Etrangères ne fait pas d’objection à la réalisation lui non plus mais met en garde le producteur et, à travers lui, le réalisateur du risque d’interdiction aux moins de 16 ans « en raison de l’atmosphère morbide de l’histoire (scènes d’ivresse, père couchant avec sa fille etc.) »

Le représentant du ministère de la  France d’Outre-mer émet un avis défavorable pour les territoires d’Outre-mer.

Celui de l’Education Nationale ne considère pas que le film puisse éviter l’interdiction aux mineurs qui, selon lui, « paraît devoir résulter de l’ensemble du film plus que de détails, notamment réalisme de la description des ivrognes habituels, personnages de Marie, de Glomand »

D’après le représentant du ministère de la Santé Publique et Population, ce type de film anéantit leurs efforts en matière de lutte contre l’alcoolisme. Son avis ne peut donc qu’être « nettement défavorable ».

Même au sein du collège des représentants de la profession, quelques-uns comme le représentant des exploitants considèrent que le film qui sera réalisé à partir du scénario qu’ils ont lu risque d’être interdit aux moins de 16 ans. Celui des Ciné-clubs se distingue par un « avis favorable sans restriction ».

Le représentant de l’Union Nationale des Associations Familiales prévient que le producteur doit savoir qu’il court un « risque sérieux de coupures et d’interdiction aux mineurs. »

Celui de la Pensée française : « Pas d’objection mais risque d’interdiction aux moins de 16 ans. »

Le 11 mars 1959, le jury du Prix Jean-Vigo distingue ce film, ce qui ne se fait pas sans susciter des mécontents chez des “professionnels de la profession” qui n’apprécient guère l’intrusion d’un jeune cinéaste qui se produit lui-même sans jamais avoir été assistant.

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Sources et bibliographie :

Geneviève Sellier : La Nouvelle vague, un cinéma au masculin singulier, CNRS Editions, Collection Cinéma & audiovisuel, Paris, 2005

DVD “Le Beau Serge“/”Les Cousins, édition “Les films de ma vie”


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