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Larita, folle du manoir…

Publié le 10 mai 2009 par Boustoune


« Easy virtue » est une pièce écrite en 1924 par le dramaturge anglais Noel Coward, où l’auteur raillait, non sans un certain cynisme, la rigidité morale et l’hypocrisie de certains de ses compatriotes.
Elle a été portée une première fois à l’écran en 1928, par Alfred Hitchcock. Bien que le film laissait entrevoir le talent du cinéaste, dont c’était l’une des œuvres de jeunesse, il présentait le défaut d’être muet et ne pouvait donc restituer la férocité des joutes verbales écrites par Coward.
Il a étrangement fallu attendre quatre-vingts ans pour que la pièce soit à nouveau adaptée au cinéma. Rebaptisée assez stupidement Un mariage de rêve pour l’exploitation française, cette nouvelle adaptation est signée par Stephen Elliott, réalisateur du déjanté Priscilla, folle du désert, et reprend assez fidèlement l’intrigue de la pièce.
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L’action se passe après la première guerre mondiale. John Whittaker, jeune anglais de bonne famille rencontre Larita, une américaine divinement belle, intelligente et dotée d’un courage à toute épreuve, puisqu’elle vient de remporter… le grand prix de Monaco. La course étant réservée aux hommes, elle est disqualifiée, mais se console en gagnant l’amour du jeune homme, qui l’épouse sur le champ. Avant de s’installer tous deux à Londres, ils partent rendre visite aux parents de John, dans leur manoir à la campagne.
C’est là que ça se corse, car si le courant passe bien entre Mr Whitaker et sa belle-fille, la relation est bien plus tendue avec les autres membres de la famille. Marion et Hilda, les sœurs de John manifestent une certaine hostilité ou du moins une certaine méfiance. Quand aux sourires de façade de Mrs Whittaker, ils dissimulent très mal la haine qu’elle voue instantanément à la jeune américaine… Commence une guerre de petites piques et de provocations que va exacerber la révélation du passé de l’héroïne…
C’est d’ailleurs là la seule modification apportée à l’œuvre originale, mais elle est de taille puisqu’elle en rend un peu absurde le titre « Easy Virtue » (« petite vertu ») : Larita n’est plus divorcée, mais veuve. Comme le divorce est aujourd’hui un peu rentré dans les mœurs, le cinéaste a préféré laisser de côté cet aspect du récit, pourtant nœud de discorde essentiel entre Larita et Veronica Whittaker. A la place, il a transformé le secret qui pèse sur le passé de la jeune américaine en sujet de société très actuel…
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Mais ce qui importe ici, c’est la drôlerie et la férocité des dialogues et le contraste entre cette femme moderne brisant les tabous et la haute société anglaise très coincée, ridiculement prude, où derrière les apparences d’une morale à toute épreuve se cachent sentiments inavouables et frustrations amères.
On appréciera donc les répliques assassines que se lancent les membres de cette famille en train de se disloquer, surtout quand elles sont déclamées par d’excellents comédiens britanniques qui semblent beaucoup s’amuser. Colin Firth évolue dans son registre de prédilection, tout en flegme et en élégance. Kristin Scott Thomas, elle, est brillante dans ce rôle de matriarche dominatrice et acariâtre, qui ne semble aimer personne si ce n’est son minuscule toutou…
En revanche, Ben Barnes est d’une fadeur regrettable – le rôle l’exigeait sans doute un peu, mais bon… - et si Jessica Biel fait preuve de charme et d’abattage, elle ne possède pas la classe d’une Katharine Hepburn, qui aurait fait merveille dans le rôle.
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La mise en scène de Stephan Elliott se contente de mettre en valeur les performances des acteurs, mais s’autorise quand même, ça et là, quelques audacieux mouvements de caméra, comme lors de cette partie de billard où la caméra suit le parcours d’une bille qui vient refléter le visage plein de haine de Mrs Whittaker, ou de la rencontre entre Larita et John, filmée avec un grain d’image proche des actualités d’époque.
L’ensemble est donc assez plaisant à regarder, mais il manque quand même quelque chose pour que le film nous touche vraiment. Sans doute un peu plus de rythme et de fantaisie dans la partie comédie, et un peu plus d’émotion dans la partie dramatique.
Un mariage de rêve n’est donc pas vraiment le « film de rêve » qu’il aurait pu être. Juste un divertissement sympathique rythmé, comme il se doit, par des chansons écrites par Noel Coward, (« Mad about the boy », « I’ll see you again » ou « Mad dogs & englishmen »)…
Note : ÉtoileÉtoileÉtoileÉtoile
Larita, folle du manoir…

Tags : Un mariage de rêve,Easy virtue,Stephan Elliott,Jessica Biel,Colin Firth,Kristin Scott-Thomas,
   Noel Coward,austérité,féminisme,hypocrisie

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