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Pardonnons-lui, car elle ne sait pas ce qu'elle dit

Publié le 17 septembre 2007 par Roman Bernard
Ceux qui regrettent que le Parti socialiste manque de courage et d'ambition face à Nicolas Sarkozy auront au moins pu apprécier toute l'énergie et la détermination que ses figures les plus éminentes emploient à se combattre entre elles.
Ce matin, Libération publiait quelques "bonnes feuilles" -selon le mot de Jean-Louis Bianco- du pamphlet de Lionel Jospin à paraître lundi prochain, L'Impasse, dans lequel l'ex-Premier ministre attribue la défaite de 2007 au défaut de "qualités humaines (...) et de capacités politiques" de Ségolène Royal.
Il est vrai qu'à la lecture de quelques citations croustillantes, on ne peut qu'être d'accord -une fois n'est pas coutume- avec le quotidien de gauche qui a fait sa "une" en titrant "Jospin flingue Royal".
Comme s'en est amusé Plantu dans Le Monde, la mise en garde de Lionel Jospin est anachronique. En tant que candidat aux élections présidentielles de 1995 et 2002, premier secrétaire du PS de 1995 à 1997 et Premier ministre de cette date jusqu'au naufrage du 21 avril, Jospin a eu sa chance, qu'il n'a pas su -ou pas pu- convertir.
Le Chafouin, premier Kiwi à se saisir du sujet, pointait dans son titre les contradictions navrantes de l'ancien maître de la rue de Solférino : lui qui ne cesse de crier à la rénovation, ne compromet-il pas celle-ci en livrant un combat d'arrière-garde comme l'est la rédaction de son réquisitoire ? Car à présent, tous les leaders actuels du parti de la Rose doivent se positionner par rapport à l'attaque de l'ancien locataire de Matignon... souvent pour l'enfoncer d'ailleurs.
Evidemment, les commentateurs politiques les plus avisés, comme Laurent Joffrin aujourd'hui dans Libé et probablement Alain Duhamel demain sur RTL, cherchent les raisons de cet étonnant casus belli, de la part d'un homme qui n'a plus rien à espérer ni rien à craindre, s'étant mis hors-jeu en retirant sa candidature à l'investiture l'an dernier.
Le directeur de Libération estime qu'il s'agit d'une démarche pour "promouvoir Bertrand Delanoë" à la succession de François Hollande lors du Congrès du PS l'an prochain, où l'actuel maire de Paris pourrait arriver en position de force s'il conserve la mairie.
On peut espérer pour le Parti socialiste lui-même que c'est ce dernier qui réussira à se placer pour 2012, à juger de la réaction de Ségolène Royal depuis l'Hôtel de Ville de Québec. Avec un certain retard sur les ténors socialistes dû au décalage horaire, Mme Royal a lancé aux journalistes qui la questionnaient sur le livre de Lionel Jospin :
"Pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font". Le point positif d'une telle référence littéraire -chose fort rare chez une femme politique guère plus cultivée que son adversaire du 6 mai dernier- est que Royal s'est rappelée qu'ils s'agissait d'une "parole de la Bible" (sic).
Si Jean-Louis Bianco avait été là, il aurait pu la briefer pour lui dire qu'il s'agit même des mots prononcés par le Christ sur la Croix. De quoi décontenancer les journalistes de Libé, toujours prompts à renier l'héritage chrétien de l'Europe.
Et tous les socialistes, lorsque Ségolène affirme en guise de conclusion : "Je crois aussi malheureusement qu'il y a, et peut-être est-ce aussi inconscient, dans toutes ces attaques, du sexisme et à le voir à ce point aussi fort, j'en suis moi-même surprise, je pense qu'il s'apparente au racisme" (...) J'ai l'impression en lisant tous ces ouvrages que si j'étais Jeanne d'Arc, j'aurais déjà été brûlée vive. Heureusement que nous sommes à cette époque».. (re-sic). Du "sexisme"... ne peut-on pas critiquer une femme incompétente sans être taxé de "machisme" ou de "phallocratie" ? Quant au "racisme", je ne sais pas à quelle "race" elle fait référence... l'inculture notoire de Mme Royal l'amène à parler de racisme là où il n'y a, au fond, qu'une critique teintée d'amertume et d'aigreur... d'"aigritude", comme l'a qualifiée Gaétan Gorce.
Les détracteurs de Ségolène Royal l'avaient déjà comparée à la Pucelle d'Orléans, lorsqu'elle était partie en croisade en Chine et au Liban, où ses bourdes diplomatiques avaient compromis la crédibilité de sa candidature aussi bien que celle de la France dans le monde. Voilà qu'elle leur donne raison en reprenant cette comparaison trop flatteuse -pour la présidente de Poitou-Charentes- à son compte. Et qu'elle donne également raison à Lionel Jospin pour ses critiques excessives.
Ségolène Royal, à défaut d'avoir remplacé François Mitterrand dans le coeur des socialistes, aura réussi à faire oublier Lionel Jospin, ce qui n'est pas rien. D'abord en faisant mieux que lui à une élection présidentielle, ensuite en occultant par ses déclarations hystériques et incantatoires celles guère plus amènes de Jospin. Ce dernier a peut-être réussi son coup : démontrer, en lui faisant commettre une enième bourde, que Ségolène Royal "n’a pas les qualités humaines ni les capacités politiques (...) nécessaires pour remettre le Parti socialiste en ordre de marche et (...) espérer gagner la prochaine présidentielle".
Roman B.

A lire aussi, sur ce sujet, l'article de Rose Noire d'Incandescences.

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