Au deuxième étage du Centre d’art contemporain Lab-labanque à Béthune, installé dans une succursale, aujourd’hui fermée, de la Banque de France, à cet étage moins noble que celui où Bertille Bak expose, je découvre les installations d’un couple de jeunes artistes lillois, Cléa Coudsi et Eric Herbin. L’une est un mur blanc, fait de plus de deux cents enveloppes collées bord à bord, titrée Où maintenant. On voudrait les ouvrir, y rechercher les mots d’amour qu’elles renferment, mais à peine les effleure-t-on qu’on entend, sortie des tréfonds de l’enveloppe, une voix synthétique proférer un de ces messages dénués de sens dont notre monde est friand : messages banals, phrases de localisation, voix impersonnelles. Mais, au moment où on touche l’enveloppe, il y a une légère vibration, une douce chaleur qui se diffuse en même temps que le son, venant des petits hauts-parleurs dissimulés dans le mur (comme les chants des grillons d’Estefania Peñafiel). L’interactivité enchante et fascine; quand j’ai visité l’exposition, tout était encore propre, immaculé : c’est une pièce qui, depuis, a dû vivre, avec, je l’espère, des empreintes de doigts ici ou là, une marque physique de l’interaction. Ces deux artistes avaient fait une installation similaire en 2006 au Fresnoy, mais avec des cartes postales où chacun pouvait lire la correspondance envoyée.
Le travail de ces deux artistes, d’après la brochure que j’ai pu voir, interroge ainsi le sens et la mémoire : fragments de disques vinyle arrangés en un circuit que parcourt une petite voiture équipée d’un saphir grâce auquel une musique improbable peut jaillir, corps nus des deux artistes alors séparés, photographiés sur un fond d’images de la ville où habitait l’être aimé absent, ou gestes d’échange essentiels détourés de leur contexte. Envie d’en voir davantage (jusqu’au 12 juillet).
Photos 1 et 2 courtoisie Lab-labanque; photos 3 et 4 de l’auteur.