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Détour du monde

Publié le 16 mai 2009 par Yiannis

 

J’ai bu tant de canons

Dans ces troquets

Que j’en ai oublié mon nom ;

L’alcool poisseux comblait

Le vide

Qu’elle avait laissé en moi

En s’en allant

Si

Vite.

J’ai pris des cuites chimériques

Dans ces bordels bordant Bordeaux,

Et, dans un bistrot d’Amérique

Je suis resté cloîtré

Quarante jours, autant de nuits,

Le vent cognait aux vitres,

Ivrogne, infâme, famélique,

J’ai claqué tout mon fric

Dans le slibard de deux putains.

Je m’en suis sorti en morceaux.

Quand, de retour en France,

J’ai craché tout mon saoul

Dans les ruelles de Toulon,

Je n’avais plus le sou.

Pendant deux ans, j’ai vécu sous

Les hallebardes de ma peine,

Brocantant mes souliers

Mes hardes, mes livres, mes fredaines

Pour un’ soupe au pistou.

Rares réminiscences

D’un rat urbain.

La folie était proche,

Je l’ai dit,

Je n’avais plus un sou en poche,

Dans une vieille souche

J’ai déniché

Des pensées sèches, faisandées,

Des mots ridés couverts de crasse.

Là, j’ai bu l’illusion livide

Que contiennent les livres,

Mais, sans m’identifier

A ces personnages larvesques

Qui rongent les feuillets de la poésie,

Et de la prose romanesque.

Tous les livres ne sont qu’un livre,

D’une surnuméraire,

Et éphémère humanité,

L’oeuvre de regrets rances et splendides

Qui en mourant

Vivifie notre soif.

J’ai lu l’oeuvre du Monde,

Ce stock de stuc nacré

Des strophes artistiques,

Les rythmes grassouillets

De l’indomptable alexandrin,

La mimésis métisse de l’antiquité ;

Et, les déchets tachés de sang

De Babylone m’ont guidé

Dans la tête de l’art.

Dès lors,

Je n’ai cessé d’écrire

Que pour gommer

Les gammes endormies

Des écrivains crevés,

Qu’on a trop écoutés.


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