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Verdict de la CJCE : la santé aux professionnels!

Publié le 19 mai 2009 par Tnlavie

Le 19 mai 2009, la Cour de Justice des Communautés Européennes a clôturé deux séries d’affaires relatives au régime de propriété des pharmacies et s’est finalement prononcée :

 “LA DÉTENTION ET L’EXPLOITATION D’UNE PHARMACIE PEUVENT ÊTRE RÉSERVÉES AUX SEULS PHARMACIENS”

Ce verdict fait suite à une procédure initiée après l’autorisation accordée par le ministère d’un land allemand à la SA néerlandaise DocMorris d’exploiter à partir du 1er juillet 2006 une pharmacie à  Sarrebruck en tant que succursale. Cette autorisation fut contestée devant le tribunal administratif du Land de la Sarre par plusieurs pharmaciens et leurs associations professionnelles pour non-conformité avec la législation allemande. En effet, celle ci réserve, comme dans de nombreux autres pays, aux seuls pharmaciens le droit de détenir et d’exploiter une pharmacie, cette restriction étant justifiée par l’objectif visant à assurer un approvisionnement en médicaments sûr et de qualité à la population.

Parallèlement, sur le même contentieux, une seconde affaire opposait la Commission Européenne à l’Italie, cette dernière ayant de la même manière manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit communautaire en excluant les non-pharmaciens de la possibilité d’exploiter une pharmacie ou d’acquérir des participations dans des sociétés d’exploitation de Pharmacies. Interprété par la CE comme une entrave à la liberté d’établissement et à la libre circulation des capitaux, ces principes fondateurs du traité CE sont l’angle d’attaque retenu par certains fonds d’investissement financier pour initier la marchandisation des soins et appliquer sa logique dans l’Europe entière.

 La CJCE  a mis en avant que lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à l’importance de risques pour la santé des personnes, il importe que l’État membre puisse prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité de ces risques soit pleinement démontrée.

La cour a en outre réaffirmé toute la valeur de l’article 152 en permettant à l’État membre de prendre les mesures qui réduisent un risque pour la santé publique et de décider du niveau de protection de la santé publique.

Il n’a pas non plus été établi qu’une mesure moins restrictive que l’exclusion des non-pharmaciens permettrait d’assurer, de manière aussi efficace, le niveau de sûreté et de qualité d’approvisionnement en médicaments de la population qui résulte de l’application de cette règle.

 Dans ce contexte, la Cour a souligné le caractère très particulier et sensible des médicaments, les effets thérapeutiques potentiellement dangereux pour la santé humaine de ceux-ci les distinguant substantiellement des autres marchandises

Sur le chapitre de « l’indépendance réelle » des professions de santé concernée par le risque de subordination à un pouvoir tierce, la CJCE a admis que si des règles moins restrictives pouvaient assurer l’indépendance professionnelle des pharmaciens telles qu’un système de contrôles et de sanctions, elle ne se substituerait complètement à la déontologie et à l’éthique professionnelle, l’intérêt d’un non-pharmacien à la réalisation de bénéfices n’étant pas équivalent à celui de pharmaciens indépendants. La subordination de pharmaciens, en tant que salariés, à un exploitant pourrait rendre difficile pour ceux-ci de s’opposer aux instructions données par cet exploitant.

Pour distinguer la pharmacie du commerce, la Cour a fait valoir qu’il ne saurait être nié qu’un pharmacien poursuit, à l’instar d’autres personnes, l’objectif de la recherche de bénéfices. Cependant, la profession de pharmacien est censée exploiter la pharmacie non pas dans un objectif purement économique, mais également dans une optique professionnelle. Son intérêt privé lié à la réalisation de bénéfices se trouve ainsi tempéré par sa formation, par son expérience professionnelle et par la responsabilité qui lui incombe, étant donné qu’une éventuelle violation des règles légales ou déontologiques fragilise non seulement la valeur de son investissement, mais également sa propre existence professionnelle. À la différence des pharmaciens, les non-pharmaciens n’ont pas, par définition, une formation, une expérience et une responsabilité équivalentes à celles des pharmaciens. Dans ces conditions, il convient de constater qu’ils ne présentent pas les mêmes garanties que celles fournies par les pharmaciens.

 La Cour a donc conclu que les libertés d’établissement et de circulation des capitaux ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui empêche des personnes n’ayant pas la qualité de pharmaciens de détenir et d’exploiter des pharmacies, rejetant par la même également le recours en manquement introduit par la Commission à l’encontre de l’Italie.

Le marché de la santé, objet de toutes les convoitises en ces temps d’errance financière, se trouve temporairement protégé par ce verdict et il s’agit sans nul doute d’abord d’une grande victoire pour les peuple des différentes nations d’Europe.

Néanmoins, la détention du capital des laboratoires d’analyses médicales français fait l’objet de la même procédure d’infraction suite au dépôt d’une plainte par un opérateur financier auprès de la Communauté Européenne. 

Délivrance de médicaments comme analyses médicales relèvent du même champ de compétence pour un Etat membre à savoir la Santé. La liberté d’interprétation du droit communautaire par les Etats Membres vient d’être réaffirmée par le biais de cette décision de Justice Européenne.

Par crainte des conséquences d’une condamnation de la CJCE, la France s’apprête à réformer radicalement sa biologie médicale au travers de l’article 20 de la loi HPST.

Le SJBM, par le biais du dépôt d’un ensemble d’amendements et grâce au soutien de plusieurs sénateurs, appelle le gouvernement français à agir dans l’intérêt général des patients français en maintenant les conditions nécessaires à l’exercice d’une biologie à taille humaine, médicalisée et responsable.

 Rendez vous pour le « verdict » du Sénat dans quelques jours.


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