Magazine Humeur

Abolition de l’esclavage au coin de ta rue

Publié le 22 mai 2009 par Innommables

Sens-tu, lecteur, cette vague d’émotion qui, telle une bonne giclée de crack consommée lors d’une chaleureuse soirée entre amis dans un squat à Stalingrad, remonte le long de ton échine pour envahir subitement tes synapses et venir baigner ton encéphale dans un océan de félicité mâtinée de fierté?

Sens-tu bien qu’aujourd’hui, vendredi 22 mai, nous célébrons l’abolition de l’esclavage en Martinique?

Sentais-tu déjà, il y a quelques jours, le puissant et incontrôlable tsunami affectif qui emportait sur son passage ton gros intestin et ton côlon transverse tandis que les plus hautes instances de l’état commémoraient, de façon plus générale, l’abolition de la Traite Négrière?

A cette occasion, ne t’es-tu pas senti littéralement transporté par le discours de notre merveilleuse Ministre de l’Intérieur, la bienveillante et fort loyale Michèle Alliot-Marie, qui n’avait pas hésité à déclarer "on se grandit à regarder son passé en face, en assumant ses parts d’ombres et ses aspérités, en rejetant la tentation de l’oubli" ?

Madame Alliot-Marie, qui par l’abnégation dont elle fait preuve en servant les Français et le dévouement constant qu’elle manifeste au Bien Public, participe activement à entretenir l’honneur de la France et à préserver son rôle de phare civilisationnel auprès des populations qui ne sont pas suffisamment entrées dans l’Histoire, madame Alliot-Marie disais-je, savait bien de quoi elle parlait, elle qui dans l’avenir aura sans doute tout le loisir de se grandir elle-même en regardant son passé en face et en assument ses parts d’ombre et ses aspérités, lorsqu’elle repensera avec émotion à ses services de police, mondialement réputés pour leur sens de la mesure et leur impartialité, qui n’hésitèrent point à envoyer pas moins de six agents en uniforme devant une école primaire afin d’interpeller un dangereux délinquant potentiel âgé de six ans et soupçonné d’avoir dérobé une bicyclette.

Mais je m’égare, mon propos n’étant bien évidemment pas de soulever quelque polémique partisane et stérile en ce jour de grande réjouissance collective (d’autant que mon atavisme m’a, par le fruit du hasard, dotée d’un certain nombre d’ancêtres malchanceux que la République commémore régulièrement à grands coups de discours et de trompettes).

Commémorons aujourd’hui, donc, l’abolition de l’esclavage en Martinique, comme nous avons commémoré en avril le Yom Hashoah, et comme nous évoquerons sans doute bientôt la mémoire des Arméniens, celle des Cambodgiens ou des Tutsis en première page de Elle et du Figaro Magazine (Jean-Pierre Pernault nous fera peut-être même l’honneur d’évoquer, entre deux reportages sur la fabrication du saucisson de poulet dans le marais Poidevin, le souvenir émouvant des Aborigènes d’Australie ou même, soyons fous, des Tziganes déportés par Hitler).

Sais-tu?

La commémoration officielle est plus que nécessaire, elle est vitale.
La commémoration officielle des tragédies d’hier, c’est le cache-sexe idéal des drames officieux d’aujourd’hui.

En attendant, lecteur, commémorons, célébrons et réjouissons-nous avec le bon peuple de la disparition définitive de cette pratique inhumaine et barbare que l’on nommait, jadis, l’esclavage.
Hosanna, bonheur, Noël, joie dans les coeurs et paix sur toi.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Innommables 1 partage Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine