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Les droits de l’Homme au-delà de l’identité : l’exemple du transsexualisme par E. KAMINSKI

Publié le 23 mai 2009 par Combatsdh

L’identité individuelle est une invention récente qui a connu un développement formidable avec le romantisme. L’individualisme contemporain en est l’héritier direct. Pourtant, cet individualisme romantique n’est pas, associé au concept d’identité, une doctrine de la libération. Ou plus précisément, un individualisme respectueux des droits d’autrui est encore à naître ; il est nécessaire pour cela de replacer le concept d’identité dans son contexte et relativiser son contenu.J’avais écrit dans un précédent article (cf. “Des politiques de la diversité contre les droits de l’Homme ?” ) que certaines politiques de la diversité, fondées sur l’identité, pouvaient être contraires aux droits de l’Homme. Je voudrais m’appuyer sur l’exemple du transsexualisme, et montrer à quel point l’être humain doit être compris comme une réalité dynamique ; le respect des droits fondamentaux doit permettre à cette réalité d’advenir sans cesse.

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Un nouveau billet d’Erick Kaminski qu’on peut retrouver sur son blog Dignité et droits: pour une refondation sociétale. 

L’individu est identifiable par un réseau complexe de signes. Aucun de ces signes n’est exclusif et ils évoluent avec le temps ou les conditions d’existence. Il n’en demeure pas moins à nos - et à ses - yeux la même personne, quelque soit les changements intervenus. La physique quantique tend à confirmer la célèbre affirmation d’Héraclite, selon laquelle, contrairement aux apparences, on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve.

Je propose dès lors, à la suite de Nietsche, de considérer l’identité comme une erreur-utile, qui permet de nous orienter. L’anomalie - le danger - proviendrait du caractère absolu conféré à un type d’identité, nécessairement partiel, fondé sur certains signes choisis - par soi-même ou par autrui - arbitrairement (couleur de peau, religion, niveau d’étude, orientation sexuelle, longueur des dents etc.), ou plus précisément de manière nécessairement subjective. Une erreur-utile placée au rang d’absolu peut justifier le pire, quand on sait que le moi se constitue en opposition à autrui.

En réponse à cette pensée radicale peut se poser la question de l’existence d’une limite au caractère relatif de l’identité. N’existe-t-il réellement aucun élément, propre à un individu, qui permette de le catégoriser de manière absolue, malgré le flux qui emporte son existence ? Le sexe ne constituerait-il pas une caractéristique indépassable ? Rien n’est moins sûr. Je veux insister ici sur le fait que le sexe n’est qu’un accident indépendant du genre (sentiment d’appartenance à un sexe) de la personne. Au risque de choquer même les personnes transgenre et transsexuelles, le genre n’est peut-être qu’une simple croyance relevant de la vie privée, qu’il conviendrait de protéger au même titre que l’on protège l’opinion ou la conviction religieuse.

Imagine-t-on la souffrance d’une personne transgenre - dont le genre intime n’est pas conforme à son sexe biologique - confrontée dans ses démarches quotidiennes à une identité non souhaitée ? Ces signes que sont le sexe et le genre, ne devraient-ils pas être relativisés, au même titre que l’appartenance ethnique ou religieuse ? Ne s’offusque-t-on pas en France de l’inscription de la religion sur les cartes d’identité égyptiennes ? Quel est l’intérêt d’indiquer sur nos papiers d’identité le genre d’une personne, dont le sexe biologique est par ailleurs rarement (heureusement) vérifié lors d’un contrôle d’identité ? Un numéro, une photo, un nom et un prénom ne sont-ils pas suffisants ?

L’argument qui souligne les difficultés administratives qu’entrainerait l’abandon du critère sexuel pour identifier une personne ne tient pas. Ce même type d’argument était invoqué par les opposants au divorce (situation des enfants, héritage) et l’est encore pour justifier le maintien de la peine de mort (réévaluation de l’échelle des peines, requalificaton des condamnés à mort en attente d’exécution et donc révision générale de la politique pénale). Aucun obstacle administratif ne tient quand la volonté politique de faire évoluer l’état des choses existe. Pour ce qui concerne le genre, la seule institution qui pourrait être remise en cause est le mariage. Dont acte, permettons alors le mariage de deux individus indépendamment de leurs sexes !

Ne craignons pas l’abus du libre choix du genre et de la libre expression qui y est associée (la normalisation du transsexualisme devrait s’accompagner d’un soutien de l’Etat au changement de sexe), il est difficile d’imaginer qu’un individu change de sexe sur un coup de tête ou à répétition.

L’enjeu de cette discussion, n’est pas uniquement la normalisation de notre rapport au transsexualisme, dont la déclassification comme maladie mentale devrait intervenir sous peu en France (l’organisation mondiale de la santé le considère toujours comme une patologie mentale). L’enjeu est plutôt la conception que l’on a de l’être humain et de sa dignité. Cette-ci repose sur la liberté, définie comme une certaine capacité à peser sur l’environnement et la conscience de cette capacité (dont découle la responsabilité). Les droits de l’Homme doivent permettre à l’être humain de se réaliser dans le flux continu de l’existence. De se développer au-delà de ses conditions de vie initiales. Rien, dans la relation avec autrui, ne semble justifier l’assignation à vie d’un sexe à un individu, dont l’identité n’est qu’une convention lui permettant d’établir des échanges avec ses semblables. Mais en rien un absolu, porteur, au XXème siècle, des catastrophes que l’on sait.


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