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Non à l’Europe des marchands, oui à une nouvelle Europe des Lumières

Publié le 25 mai 2009 par Hmoreigne

 Elections européennes, morne plaine. La campagne officielle des élections européennes qui débute ce lundi est marquée par une saisissante absence de mobilisation. Cette absence interpelle. Elle atteste que l’Europe des boutiquiers, celle d’une simple zone de libre échange, ne saurait constituer une fin en soi. Les grands bouleversements actuels ne doivent pas contraindre à la résignation mais au contraire, à ouvrir un débat essentiel. Celui de l’identité de la construction européenne et, par là même, de renouer avec les valeurs portées par l’Europe des Lumières.

Il n’y a plus aujourd’hui de Français, d’Allemands, d’Espagnols, d’Anglais même, quoi qu’on en dise ; il n’y a que des Européens.” Le propos ne relève pas d’un contemporain mais de Jean-Jacques Rousseau, en 1771. L’Europe n’est donc pas une idée neuve. Dés le XVIIIème siècle les Lumières étaient porteuses de l’idée d’unité européenne. Pas à travers celle d’une pasteurisation des particularismes nationaux mais au contraire d’une reconnaissance et d’une valorisation des Etats qui la constituent.

“Quand on a le droit de voter on s’en sert” proclame Jean-Dominique Giuliani le président de la fondation Robert Schuman. Certes mais dans quelle finalité ? Elire une assemblée dont l’essentiel du travail porte sur l’élaboration de normes communes entre taille du concombre et dimensions des prises électriques n’est pas des plus séduisant. Derrière le trait caricatural, chacun sait que l’Union Européenne, ce n’est pas que ça. Le Parlement européen et ses 736 députés offre un joli paravent démocratique, mais constitue-t-il le vrai lieu de décision ?

Chat échaudé craint l’eau froide. Le désintérêt à l’égard du scrutin du 7 juin provient aussi du fait que les citoyens ont le sentiment que le cours de l’UE est hors contrôle démocratique. La bataille référendaire de 2005 défavorable à l’adoption du Traité Constitutionnel de 2005 s’est traduite par un passage en force suscitant une défiance naturelle à l’égard des institutions.

La crise actuelle constitue une opportunité pour remettre en cause l’orientation européenne. Diderot invitait à secouer le joug de l’autorité et à “oser penser par soi-même”.  Kant à se servir de son propre entendement. Faisons-le !

L’Union Européenne a pour socle un espace commercial arbitrairement délimité. Le marché seulement le marché, avec pour seule devise une concurrence libre et non faussée. Elle n’est porteuse d’aucune conception de l’homme et de la société. La conjonction des crises économique, alimentaire, environnementale atteste pourtant du caractère suicidaire d’un système dont la viabilité ne repose que sur la croissance. Dans cette course folle, tout arrêt, comme pour un cycliste à l’arrêt, se traduit par une chute.

Parler d’Europe, c’est parler de la place de celle-ci dans le monde et de son rapport avec lui. L’universalisme, ce n’est pas une globalisation limitée à une mise en concurrence des peuples entre eux. C’est la mondialisation au sens noble, celle du partage des savoirs et des richesses. Le problème de la mondialisation c’est qu’elle constitue une machine incontrôlable, un avion sans pilote.

L’universalisme porté par les Lumières, considère que les hommes, appartenant à la même espèce, possèdent des droits inaliénables. Il vacille aujourd’hui sous les coups de boutoirs d’une xénophobie rampante quand L’UE conforte sa richesse par ses exportations mais laisse mourir sur ses côtes ou ses plages les candidats à l’immigration qu’elle n’a pas choisi. “Je suis nécessairement homme et je ne suis Français que par hasard” écrivait pourtant Montesquieu.

Les orientations posées par les pères fondateurs de l’Europe doivent être revues. A contexte différent, postulats différents. On ne fera pas émerger une conscience européenne par un vaste marché intérieur harmonisé mais par une culture ou une éducation communes. Le mercantilisme, le consumérisme, la dictature de l’audimat constituent de nouvelles chaînes au moment où ici en France, le système éducatif et la méritocratie républicaine sont à la peine. Or, pour les philosophes des Lumières, l’éducation est essentielle. Car, c’est par la connaissance que chacun peut devenir maître de lui-même et de son existence.

Les dérives du système capitaliste rappellent que l’intérêt général n’est pas constitué par la somme des intérêts particuliers. C’est donc à la Loi de le corriger. Au pouvoir politique d’arrêter le pouvoir économique et de redéfinir les contours d’un nouveau contrat social pour une économie au service des hommes et non le contraire. Rallumer les Lumières pour dessiner un avenir meilleur et entrer selon le mot de Kant, dans “une époque en voie d’éclairement”.


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