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Mes gamins sont des génies (mais j'y suis pour rien)

Par Theclelescinqt

Mes gamins sont des génies (mais j'y suis pour rien)

Après quatre enfants faits en six ans et donc dix ans de maternage à haute dose , mes neurones remontent peu à peu la pente, mais ce n'est pas encore ça.

Il faut dire que je suis une pure littéraire, une ancienne parfaite élève moyenne ayant passé sans souci dans chaque classe supérieure avec 17 de moyenne dans les matières littéraires...et 3 dans les scientifiques. Ca fait à peu près 10 partout, quand on y réfléchit bien. Et comment recaler cette petite peste trop mûre pour son âge charmante jeune fille appliquée nulle en logico-mathématique, mais qui cachait bien son jeu? J'ai toujours planqué ma dyscalculie derrière une  façade de je m'en foutisme, puis comme je ne comprenais rien tout en travaillant, ai décidé de ne plus travailler, ce qui n'a pas arrangé les choses. Mais en restant calme et posée, et toujours cette moyenne de folie en matières littéraires qui m'a toujours sauvée la mise.

Mon niveau en maths doit avoisiner celui de mes fils actuel qui sont en CE1 et CE2 (mais je ne ferais pas de test avec eux!) Que voulez-vous, c'est comme ça, je suis dyscalculique, mon père l'était aussi... Qu'y faire?

C'est très étrange, cette affection. Même moi j'ai du mal à comprendre les dyslexiques, ces personnes trop nulles en compréhension de lecture, qui n'arrivent pas à prendre des notes, et qui sont pourtant parfaitement intelligentes, jusqu'à parfois faire de grandes études avec leur dictaphone.

Pourtant je devrais être bien placée pour, puisqu'alors que j'arrivais à torcher sans problème et dans les temps des devoirs de philo avec thèse, antithèse et synthèse sans l'ombre d'une égratignure, et un 16 à l'arrivée, mon cerveau se fermait dès que l'on parlait chiffres. Quand je sortais de cours de maths et de physique, je n'aurais même pu dire à la rigueur le sujet du cours. Mais je m'appliquais, et c'est le pire...travaillais! Parfois je demandais à des copines de me réexpliquer avec leurs mots; je comprenais, puis deux heures plus tard...plus rien.

Au bac "Littérature et Arts Plastiques", où j'arrivais avec 30 points d'avance grâce au français, j'avais une épreuve de maths orale, coef. 1. Damned! J'y suis allée à reculons, et grâce au Ciel suis tombée sur un type sympa qui avait l'air de comprendre les êtres étranges venus d'ailleurs comme moi. Il avait en main mon livret scolaire, y a jeté un coup d'oeil, puis m'a interrogée. Graphiques, stats, que sais-je... Dix minutes plus tard il me dessinait des dauphins sautant au-dessus d'un axe pour me faire comprendre je ne savais quoi, et me faire répondre on n'aurait su dire. Puis il a regardé mon livret, et on aurait cru l'entendre penser : "Putain, 14 de moyenne en philo toute l'année! 14 en histoire, 16 en français...! "

"Mademoiselle, m'a-t-il demandé très gentiment; avez-vous ce problème avec les maths depuis longtemps?

- Euh, oui, docteur, ai-je répondu, depuis la maternelle je crois. Et il n'y a pas que les maths, en physique-chimie je suis nulle aussi, et de manière générale j'ai du mal avec les règles. De latin par exemple, ou de sport..."

A 17 ans et demi je ne savais pas vraiment me vendre (et interdiction de dire que ça n'a pas changé!) Ce brave monsieur m'a considérée calmement, et m'a mis 8 sur 20 (!) pour ne pas trop détruire ma mention.

Tout cela pour vous parler de mes mômes (eh oui, c'est un parent's blog, ici, pas mes souvenirs de jeune fille, quoique...) Car m'est arrivé ce qui devait arriver : mes mômes, eux, ont le cerveau bien accroché.

Déjà Eudes semblait avoir de bonnes dispositions, et tout chiant qu'il soit en privé, est un charmant garçon en public, "bien élevé", et apprenant tout ce qu'il veut sans le moindre effort. Puis l'offensive a pris le visage de mon beau-fils préféré, Archibald, qui me demande, à 13 ans, des nouvelles de la maison de ma grand-mère "proposée à la vente", qui annonce qu'il va "retirer" ses chaussures, puis, à brûle-pourpoint et pour se foutre de ma gueule sûrement, me demande combien il y a de zéros dans un milliard.

- Euh... Alors un million y'en a 6, ça je sais...

- Oui mais un milliard....?

- Euh...

- Eh ben y'en a 9!

Et devant ma mine déconfite :

- Cherche pas, mon père a été prof de maths."

Ce petit va-nus-pieds pourrait se souvenir que ce père prof de maths, c'est mon mari, nom d'un chien, mais l'offensive ne s'arrête pas là. Il y a Elie qui me rappelle des trucs, puisque sa mère n'a pas de tête des trucs utiles en plus, genre une course de la plus haute importance ou bien un rendez-vous à ne pas manquer. Je le félicite à chaque fois, et les exemples sont innombrables. En plus j'ai un agenda. Il y a la petite de même pas 3 ans qui s'y met aussi, par exemple en triturant le ciment pendant nos travaux du week-end (en ce moment nous construisons un mur), et qui malgré mes hurlements approche sa truelle pleine de ciment pour la secouer sur ma taloche. Elle est venue m'apporter du ciment quoi. C'est bien ma chérie, c'est comme ça qu'il faut faire.

Pour finir, cette semaine j'ai récupé un énorme tas de magazines "Elle à table" à l'état neuf, qu'un voisin voulait jeter et que nous avons rapporté à la maison dans les hurlements de joie des enfants (Elie veut être boulanger-patissier depuis qu'il a 3 ans et Andréa veut être cuisinier pour bosser avec son frère. Bonne initiative : deux de moins à 18 ans!)

Pendant que je préparais, justement, le dîner et que je gueulais après tout le monde, les gamins ont éparpillé les magazines absolument partout. Fait chier.

"Tu ramasseras tout ça!" hurlais-je sur Eudes, mon fils de 9 ans très occupé à faire des confettis avec les fiches cuisine, et ayant pris la direction des opérations spécial bordel partout. Puis je me suis réfugiée dans ma kitchenette, pour éviter d'avoir à donner les bains avec les résultats que l'on me connait, tout en répondant distraitement par intermittence à Eudes qui posait des questions. Qu'est-ce qui était le plus facile, "assez difficile" ou "difficile"? Assez difficile...Qu'est-ce qu'un condiment? Qu'est-ce que de la cardamone?

"Mais vas-tu me laisser tranquille avec tes questions? " C'est vrai quoi, ne pouvais-je transférer des aliments d'un congel à un micro-ondes tranquille sans que mes dépiauteurs de papier ne m'alertent à chaque mot inconnu? Moi je sais ce que c'est que de la cardamone, alors qu'en ai-je à faire, nom d'une casserole tordue?

Je jetai un coup d'oeil de temps en temps quand même, des moins de 5 ans complétant l'effectif, jusqu'à ce que je voie Eudes en train de fourrer des fiches cuisine dans un petit album photos que je leur avais acheté pour quand ils iraient en vacances sans moi grâce à Dieu. Et merde. Il allait le déchirer et les billets de 5 euros ne poussaient pas derrière mes placards (eh non.)

Le dîner a été fait. Leur père est rentré. J'ai rangé les magazines et jeté chaque confetti. Les enfants ont été censés se coucher tandis que j'étais censée avoir un peu de temps libre devant l'ordinateur. Eudes est venu, et avant que je ne lui crie dessus afin qu'il dégage et me laisse tranquille (le sommeil leur fait beaucoup de bien, à cet âge), il m'a tendu le petit album photo.

"C'est pour t'aider à faire la cuisine."

J'ouvris la chose, goguenarde, m'attendant à trouver un joyeux bordel, les fiches à l'envers, bourrées n'importe comment, des confettis pendouillant entre chaque feuillet.

"Et tu les as classées par plat, j'imagine?"fis-je toujours en me marrant. Je m'arrêtai net. Je feuilletai : l'album photo pourrave était devenu un recueil de recettes classées par entrées, plats et desserts. J'alertai mon mari pour qu'il vienne constater que cet enfant n'avait hérité d'aucun gène de ses deux grands-mères. Mes yeux bondirent : les recettes étaient reclassées à l'intérieur de chaque rubrique par degré de "facilité" : très facile, facile, assez difficile, difficile,...

Très pro, mon fils! me montra comment, si j'avais un doute, je pouvais sortir une fiche pour regarder derrière la tête du plat en photo. Je criai au prix Nobel tandis que le génie faisait des cabrioles sur mon lit.

"C'est génial! Super! Très intelligent!" hurlais-je. Mon mari était enfin là.

"Nous avons un futur ingénieur en électronique, un prix Nobel de fiches cuisine Physique, un trader!!!"

Mon fils ! était aux anges et souriait de toutes ses dents de lapin.

"Bon ben c'est bien, mon chéri, continue à réfléchir : n'écoute pas ta mère."

Mes gamins sont des génies (mais j'y suis pour rien)


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