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Le contrôle direct des parlementaires par les internautes-citoyens : contrepoids démocratique ou vindicte populaire ?

Publié le 28 mai 2009 par Delits

controle-parlementaireM. Christian Paul, Mme Sylvia Pinel, ou encore M. Jean Dionis du Séjour : depuis quelques temps, certains députés français sortent de l’ombre et connaissent une gloire médiatique (ou une infamie…) inhabituelle. C’est que, prenant appui sur les possibilités offertes par le web, des citoyens ont décidé de s’organiser pour contrôler à leur tour le travail des parlementaires, et mettre ces informations à disposition du public.

Activité en séance, niveau de contribution aux groupes, commissions ou autres organes de travail, présence lors des votes, etc. : les indicateurs d’activité de chaque député sont passés au crible, et une fiche de synthèse nominative est publiée sur un site web. Deux sites en particulier connaissent un franc succès : le site Parlorama, qui décortique l’activité des députés européens, et le site Députés Godillots, créé à l’occasion du débat à l’Assemblée Nationale sur la loi HADOPI.

Ces initiatives soulèvent pourtant de nombreuses questions. Sur le fond de la démarche, ces sites doivent faire attention à garder une démarche intègre, non partisane, bien intentionnée, et à ne pas alimenter plus encore la défiance et le discours du « tous pourris ». Sur la forme (d’ailleurs indissociable du fond), il est notamment indispensable pour les animateurs de ces sites de garantir l’exactitude des informations recueillies et publiées, et de s’assurer du choix des bons critères dans l’évaluation du travail des élus.

Or, cela représente un travail important, gourmand en temps d’enquête et en connaissances de la vie politique, des institutions, des textes de lois, etc. Un obstacle partiellement levé par la mise en commun des ressources et des expertises bénévoles permise par Internet, mais qui fait naître un autre doute : qui sont justement ces contributeurs ? Qui anime le site, et qui participe à la mise en ligne des informations ? Et dans quel esprit, selon quels principes directeurs ? Autant de questions auxquelles les animateurs de ces sites essaient d’apporter le maximum de réponses, afin de lever tout doute sur l’intégrité de leur démarche.

Faire en sorte que cette « note de participation » échappe au syndrome de la « note de gueule », bien connue des anciens écoliers que nous sommes tous, est un premier écueil. Un déploiement de moyens adaptés pourrait permettre de le contourner. Mais ce principe d’évaluation, louable en soi, se heurte à un second écueil, plus fondamental.

En effet, le principe d’évaluation directe par les citoyens ne tient que par une exigence de transparence maximale, où chacun doit être en mesure, à tout moment, de contrôler la contribution de chacun. Ainsi l’élu est contrôlé par le citoyen-internaute, lui-même contrôlé par ses pairs… Et gare à l’élu qui ne voudrait pas jouer le jeu, comme cette députée qui cherche à faire retirer sa fiche du site Députés Godillots. Elle se retrouve ainsi, contrairement à son souhait initial, pleinement exposée sous les feux de la rampe ! Voir à ce propos le fameux « effet Streisand » : parfois, le meilleur moyen d’attiser une polémique est de vouloir y mettre un terme discrètement…

Dans cet exemple, la ligne d’argumentation développée par les animateurs de Députés Godillots est éclairante : suite à la rédaction de sa fiche, le débat s’instaure sur l’activité de la députée (via les commentaires du site), et elle est donc invitée à venir participer à ce débat, plutôt que de recourir à des moyens juridiques pour tenter d’y mettre un terme.

Encore une fois, l’idée à l’origine de ces sites est novatrice et digne d’intérêt. Mais un malaise subsiste cependant. Des citoyens se rassemblent et créent, de leur propre initiative, un espace dont ils ont eux-mêmes posé les grands principes. Ils y exposent, selon leurs règles, le détail de l’activité d’une personne publique qui, si elle y trouve à redire, est en quelque sorte « sommée » de se plier au jeu et d’accepter de répondre en faisant elle-même usage de ces outils…

Il y a donc, à la base de cette bonne idée, quelque chose de l’ordre de la sommation, de l’injonction un peu brutale à comparaître et à venir débattre dans une arène choisie, et même conçue, par d’autres, selon des règles et un ton qui leur est propre. En dehors de la valeur de provocation et d’exemple de ces initiatives, s’agit-il vraiment de la meilleure façon de lutter contre l’absentéisme parlementaire, et de réconcilier les citoyens avec leurs élus ? Il est permis d’en douter…


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