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Poésie et art de la photo québecois : "DORMANCE ET METAMORPHOSE DE L'OEIL" de Denis SAMSON et Michael FLOMEN.

Par Ananda
Denis Samson et Michaël Flomen : "Dormance et Métamorphose de l'oeil", éditions "J"ai vu" (Québec), 2005.


Ce recueil de 56 pages, qui m'a été offert ce printemps par un couple de sympathiques amis québecois de passage à Paris, a un premier grand mérite : celui d'associer poésie et photographie que, pour ma part, j'estime être des arts hautement complémentaires.
L'auteur des poèmes, Denis Samson, est une valeur sûre de la poésie québecoise actuelle (je cite sa notice bibliographique : "poète accompli et respecté", "Son esthétique conjugue évocations naturelles et urbaines").
L'auteur des photographies, toutes en noir et blanc, très étonnantes, est quant à lui Michaël Flomen, dont il est dit que "Son approche concrète de la photographie nous offre des oeuvres situées à la limite de la représentation, proche de l'abstraction".
De la poésie de Denis Samson, je dirai qu'elle est incisive, volontiers fulgurante, comme juchée sur "des pilotis de lumière".
On y devine la présence de la nature canadienne rude, âpre, glacée, sans concession.
Le gel y a "des plaies ouvertes", des "puits profonds / comme du vin sombre" se signalent à notre attention ( en vis à vis d'une photo qui fait fortement penser à un grouillement d'étoiles sur fond d'obscurité cosmique), les "forêts jamais éteintes" n'y sont que "fumée", "les goélands" y "volent en cercle / cabalistique protection / contre la chute des astres". Images audacieuses, on le constate, qui se plantent presque brutalement en vous, comme le feraient des lames.
Cette poésie est puissante, aiguisée, toujours en éveil. Elle sait aussi célébrer le charme ambigu, dangereux, "destroyed" de l'univers urbain, où "les grafittis soutiennent les murs" et où "les messages d'amour / ont des couteaux pour initiales".
"Couteau", voilà, peut-être, le fin mot. Ce verbe-là a dents de "fauves aux plaies".
Les vers ont quelque chose d'abrupt, ils tombent un peu comme couperets, ils se détachent quasi cruellement, ils possèdent la beauté nette, le dépouillement cru, farouche du gel. Ainsi, "Tout reste inexpliqué", "ton corps et le mien seuls / nous séparent", cependant que "germent des semences nouvelles / de révolte" et que "les ombres [...] nouent / la lumière à la peau".
Le but du jeu ? Rechercher une "clarté profonde" (celle que réverbèrent les photos, peut-être, certainement même) qui transcende ce qui est "seulement / la surface des choses".
Ici, tout "craque" à la façon de la glace qui se romp au dégel, jusques et y compris "la soie bleue de l'air".  Le poète, d'instinct, sait que "l'eau rêve des rêves de pénombre".
Cette écriture n'est pas exempte d'influences surréalistes. Mais il s'agit d'un surréalisme soigneusement pesé, maîtrisé.
A ces textes déchirés et comme marqués d'une colère affleurante répondent les photographies qui, pour leur part, sont franchement impressionnantes.
Ce que M.Flomen nous propose là est bel et bien une "métamorphose de l'oeil". Où sommes-nous ? Dans le cosmos infini ou au fond le plus secret d'un étang ? Au coeur d' une colonie de cellules organiques ou entre des plaques de schiste ? En présence d'une aurore boréale ou bien d'une explosion, d'un incendie, de quelque "big-bang" primordial ?
Certes, ces clichés ont quelque chose d'inquiétant, qui déstabilise. Leur force (minérale ou organique ?) ne laisse pas de place à l'indifférence.
Leurs fulgurances accompagnent à merveille la démarche du poète intransigeant, "sauvage".
Un ensemble bien attirant...

Patricia Laranco.

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