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La Déchronique du Déchronologue. Fragment I

Publié le 01 juin 2009 par Transhumain
dechro_couverture.jpg Illustration : Corinne Billon

Publié à la Volte comme les précédents livres de son auteur, Le Déchronologue est, pour beaucoup (dont votre humble serviteur) l'une des œuvres les plus marquantes de l'année dans le domaine de l'imaginaire français. Mais s'il fallait en croire Pascal Patoz de la Noosfere, comme Alice Abdaloff de la Salle 101, Le Déchronologue serait « avant tout une histoire de pirates ». Et pour le chroniqueur « W », la piraterie serait même « le vrai sujet du roman »... L'on nous permettra de trouver ces formules un peu péremptoires : si Stéphane Beauverger avait eu l'intention d'écrire avant tout une histoire de pirates, ou d'écrire avant tout  « sur » la piraterie pourquoi se serait-il compliqué la tâche avec des désordres uchroniques d'ampleur cosmique, des brèches temporelles dignes des Voies d'Anubis et, pire encore, avec une déconstruction narrative aussi sophistiquée ?... Il l'a pourtant répété sans ambiguïté dans ses interviews, à qui voulait l'entendre : son projet, son livre, c'était l'histoire d' « un équipage de pirates pris dans des déchirures temporelles ». Voilà donc avant tout ce qu'est Le Déchronologue : le souffle du récit maritime et le vertige de la science-fiction. Et, bien que le roman ait déjà reçu nombre d'éloges dans les officines spécialisées comme dans les alcôves des tavernes bien fréquentées (pas le Rat-qui-pette, hélas, désintégré par une violente explosion), personne n'a encore exprimé l'évidence, comme s'il fallait absolument la taire, par crainte peut-être d'effaroucher des lecteurs qu'on s'imagine sans doute en quête de divertissements purs – d'une littérature émolliente, nette de tout matériau susceptible d'être interprété... Certes, nos pertinents laudateurs devinent sans aucun doute que l'intérêt des aventures picarocambolesques du capitaine Villon ne tient pas qu'au charme de la reconstitution historique et au savoir-faire de l'auteur. Mais ils n'en font pas état. Cette évidence, il nous faut donc maintenant l'annoncer : Le Déchronologue, c'est le récit – à la première personne – d'un flibustier tellement hanté par la culpabilité (la sienne, comme celle des autres) que la stabilité de son monde s'en trouve dangereusement menacée. Et nous verrons que tous les éléments essentiels du roman (les maravillas ; la révolution des Itzas ; le George Washington ; les fusions permutantes qui résultent des temps conflictuels) sont étroitement liés à l'être-au-monde du capitaine Henri Villon. En bouleversant l'ordre des chapitres, Stéphane Beauverger ne cherche pas seulement à susciter l'effet de réel : la déchronologie, qui n'est jamais vraiment justifiée par les événements, témoigne aussi, à mon sens, de la volonté manifeste (et, disons-le, désespérée) du narrateur – Villon – de résoudre un tragique problème métaphysique...


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