Magazine Régions du monde

Djerba la Belle, Djerba la Douce

Publié le 12 décembre 2005 par Marc Chartier

De retour de la guerre de Troie, Ulysse fut sans doute le premier touriste à apprécier les charmes de cette île nichée au creux de la Petite Syrte, aujourd'hui golfe de Gabès.
«Nous fûmes entraînés, pendant neuf jours, par le vents contraires sur la mer poissonneuse. Puis, le dixième jour, nous abordâmes la terre des Lotophages qui se nourrissent d'une fleur. Là, étant montés sur le rivage et ayant puisé de l'eau, mes compagnons prirent leur repas auprès des nefs rapides. Je choisis alors deux d'entre eux et un troisième comme héraut. Je les envoyai avec la mission d'apprendre qui étaient les habitants qui vivaient sur cette terre.
C'est ainsi qu'ils rencontrèrent les Lotophages et ceux-ci ne leur firent aucun mal. Au contraire, ils leur offrirent à manger le "lotos". Dès qu'ils eurent goûté à cette fleur, ils oublièrent leur mission et ne pensèrent plus à revenir.»
La terre des Lotophages citée dans cette relation d'Ulysse, sous la plume d'Homère (Odyssée, chant IX), est traditionnellement reconnue comme étant l'île de Djerba.
Quant aux effets magiques du "lotos" (ou lotus), ils furent ainsi décrits par Baudelaire dans ses Petits poèmes en prose: «[...] on y respirait [dans ce repaire] une béatitude sombre, analogue à celle que durent éprouver les mangeurs de lotus quand, débarquant dans une île enchantée éclairée des lueurs d'une éternelle après-midi, ils sentirent naître en eux, aux sons assoupissants des mélodieuses cascades, le désir de ne jamais revoir leurs pénates, leurs femmes, leurs enfants, et de ne jamais remonter sur leurs hautes lames de la mer.»
Nous voici avertis! L'incomparable beauté de Djerba risque de nous envoûter au point de laisser en suspens un quelconque retour aux occupations habituelles...
Qu'on n'en oublie pas pour autant que cette «Polynésie au coeur de la Méditerranée» doit aussi son renom à d'autres attraits: son histoire, son architecture, ses villages typiques, ses traditions, sa situation géographique aux portes du désert et sa joie de vivre communicative qui ressemble fort à des trésors d'amitié à partager.
Voici un mode d'emploi de cette destination touristique classique, mais toujours aussi séduisante.
Ajim
C'est le port principal de l'île. Un bac assure la liaison avec le continent. On pêche encore l'éponge dans les eaux du large de manière traditionnelle: sans masque, lesté d'une pierre, muni d'une boîte à fond vitré et d'un trident, le plongeur explore les fonds sous-marins jusqu'à une profondeur de 10-15 mètres.
Dromadaire
Il risque fort d'être, pour quelque temps, votre compagnon de balade à Djerba. La forme de ses pattes lui permet de se déplacer facilement sur le sable.
Ce grand habitué des déserts peut rester plus de quinze jours sans boire et pendant ce temps, il perdra jusqu'à 150 kg. Par contre, en quelques minutes, il rattrapera le temps perdu puisqu'il est capable d'absorber jusqu'à 120 litres d'eau.
Reste l'inévitable question à 10 dinars: a-t-il une ou deux bosses? Réponse: mettez-le à côté d'un chameau et vous verrez la différence.
Eau
Les pluies sont peu abondantes à Djerba. Elles ne tombent que très irrégulièrement durant la saison hivernale.
Du fait de l'absence de sources et de rivières, le manque d'eau est un facteur très important de la vie et de l'économie locales. Aujourd'hui, l'eau est acheminée par une canalisation depuis le continent, via l'ancienne chaussée romaine aboutissant à El-Qantara. L'eau extraite des puits est généralement saumâtre, donc impropre à la consommation. Elle est utilisée surtout pour l'irrigation des vergers et autres terres cultivées.
Émigration
Les petites épiceries "arabes" de nos quartiers (bien utiles le dimanche après-midi!) sont souvent tenues par des Djerbiens.
Le déclin de l'agriculture et le rapide bouleversement de l'économie locale sur Djerba, avec le développement plus ou moins maîtrisé du tourisme, ont amené de nombreux habitants de l'île à émigrer vers d'autres cieux, notamment en France où ils exercent le métier qui leur colle à la peau: le commerce. De 1956 à 1966, 16 500 hommes ont ainsi quitté leur terre pour n'y revenir que pour les congés annuels.
Flamants roses (île des)
Une destination en pleine mer à inscrire sur son programme. On risque fort de ne pas apercevoir la moindre trace du sympathique volatile ayant donné son nom à l'île. Mais la balade vaut le coup. Ce coin désert ne l'est plus tout à fait (autres touristes à l'horizon!), mais il laisse une impression de «bout du monde» dixit le ra'îs Ali dont le bateau assure le transfert.
Guellala
C'est l'endroit où il faut aller pour tout savoir sur la poterie made in Djerba.
Depuis de nombreux siècles, les artisans potiers se sont alimentés en argile (marnes grises avec cristaux de gypse) dans le sous-sol de cette localité. Ils sont aujourd'hui une quarantaine à exercer encore le métier. Ils fabriquent entre autres les grandes jarres pour stocker l'huile et les provisions, ainsi que la poterie utilitaire non vernissée.
Histoire
Djerba est une île sans défense naturelle, mais d'une position stratégique majeure en Méditerranée. Elle a donc vu passer de nombreux envahisseurs au cours des siècles: Phéniciens, Romains, Vandales, Byzantins, Arabes, Normands, Aragonais, Espagnols, Turcs, etc., sans oublier les corsaires de tous poils qui écumèrent ses côtes du XIVe au XVIIIe siècle.
Il serait ici malvenu, en tout cas trop facile, d'avancer tout de go que le tourisme est, dans cette histoire mouvementée, la dernière invasion à laquelle doivent faire face les habitants de l'île, même si une association pour la sauvegarde de Djerba a vu le jour en 1976, apparemment sans difficulté pour justifier sa raison d'être. On peut néanmoins espérer que cette manne économique ne débouche pas sur des excès de bétonnisation de l'espace. Il semblerait de prime abord que l'île ait fait le plein d'hôtels, en tout premier sur la côte nord-est. Mais les aménageurs n'ont apparemment pas dit leur dernier mot!
Houmt-Souk
C'est la ville la plus importante de l'île: 40 000 habitants.
À voir: la vieille ville et ses souks, quelques beaux caravansérails, le petit mais très intéressant musée des arts et traditions populaires, le marché libyen et le borj Ghazi Mustapha ("fort espagnol") construit sous le règne de l'émir Abou Farès al-Hafsî pour repousser les attaques espagnoles.
Juifs
La communauté juive serait arrivée à Djerba en 586 av. J.-C. Jusqu'à ce jour, elle est présente dans les villages de Hara Kbira et Erriadh. La synagogue de la Ghriba est un haut lieu du judaïsme en Afrique du Nord, attirant de nombreux pèlerins chaque 33ème jour de la Pâque juive. Elle renferme l'une des plus anciennes Torah du monde.
Menzel
C'est l'habitat traditionnel sur l'île. Il s'agit d'une grande ferme regroupant une maison et un jardin irrigué. À partir d'un puits, de petits canaux alimentent en eau les parcelles du jardin. Des levées de terre battue, surmontées de haies de cactus, relient entre eux les menzel.
Mer
C'est évidemment l'attrait principal de Djerba. Une très faible profondeur des fonds marins et une amplitude de marée plutôt exceptionnelle pour la Méditerranée (de 1,5 à 2 mètres) favorisent la pêche, soit au filet, soit à la gargoulette (petite amphore), soit dans des pêcheries fixes consistant à diriger les poissons vers des nasses à l'aide de branches de palmier plantées dans la vase et orientées dans le sens du courant.
Midoun
Marché très pittoresque (textiles, poteries) le vendredi.
Palmier
Un palmier dattier vit de 150 à 200 ans. Adulte, il produit jusqu'à 120 kg de dattes par an. Les deglet en-nour ("doigts de lumière") sont les plus réputées: elles sont surtout destinées à l'exportation.
La sève du palmier est appréciée du Djerbien. Elle peut fermenter rapidement et son goût rappelle celui du jus d'ananas. On la récolte dans des gargoulettes d'avril à octobre.

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