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Catherine MAUNOURY : les ailes du succès

Par Marc Chartier
Hôtesse de l’air, puis chef de cabine à Air France, Catherine Maunoury est aussi une sportive de "haut" niveau: elle pratique depuis 1980 la voltige aérienne, discipline dans laquelle elle s'est illustrée maintes fois. Son palmarès comporte notamment deux titres de championne du monde et onze titres de championne de France. Elle vole actuellement sur un CAP 232.

En 1993, elle a créé le Centre passion Catherine Maunoury (CPCM), où elle forme à la voltige 150 pilotes par an.
Cette interview date de début 1989. Catherine venait de conquérir son sixième titre de championne de France et son premier titre de championne du monde, exploit qu'elle a renouvelé en 2000.


MC: Comment avez-vous découvert la voltige aérienne?
C. Maunoury: Mon père a été le premier à me donner le goût de l'aviation. À l'aéro-club de Saint-Malo qu'il fréquentait comme pilote amateur et où il m'emmenait régulièrement, je me suis prise de passion pour ce loisir qui allait devenir pour moi un sport.
À quinze ans, je savais déjà piloter et étais "lâchée" aux commandes d'un avion. Mais j'ai dû attendre, conformément à la réglementation, l'âge de dix-sept ans pour obtenir mon brevet de pilote.
Puis, après une parenthèse correspondant à mes années d'études universitaires et aux débuts de mon activité professionnelle, j'ai décidé de me réinscrire à un aéro-clubs. J'ai constaté alors que je n'étais pas très à l'aise en avion. J'avais peur! Il me fallait donc choisir entre arrêter définitivement, ou bien me perfectionner avec l'aide d'un moniteur.
C'est cette seconde solution que j'ai choisie. Et rapidement, on a remarqué que j'étais méticuleuse et sans doute pas trop maladroite aux commandes d'un avion. On m'a alors proposé d'essayer la voltige sur un biplace-biplan. Après quelques essais, j'ai été prise au jeu et ai retrouvé pleinement confiance en mes moyens.
En l'espace de quatre-cinq ans, j'ai gravi tous les échelons de la préparation et, en 1978, je participais à mon premier championnat du monde à Ceske-Budejovice, en Tchécoslovaquie, après avoir remporté mon premier titre de championne de France à Amiens.

MC: Avez-vous maintenant un statut de pilote professionnelle?

C. Maunoury: Pas du tout! Je ne suis que pilote privée. Certes, j'ai une grande expérience du pilotage et ma situation est un peu particulière du fait que je participe chaque année à de nombreux meetings pour des compétitions ou des démonstrations.
Professionnellement, je suis hôtesse long courrier à Air France. Mais depuis trois ans maintenant, j'ai un statut de sportif de haut niveau, ce qui me permet de n'être liée à mon emploi que par un mi-temps, le reste étant consacré à l'entraînement.

MC: N'avez-vous jamais été tentée par le métier de pilote de ligne?
C. Maunoury: Jusqu'à une époque encore très récente, cette profession était difficilement envisageable pour une femme. En fait, si elle m'avait été accessible, il est probable que j'aurais choisi cette voie. Mais il en a été autrement et ma vie actuelle me comble pleinement.
La voltige me demande de nombreux entraînements et une grande disponibilité à la belle saison. Mais l'hiver, je peux me consacrer totalement à ma vie de famille. Je fais alors le vide et ai tout le temps, pendant cette période de répit, de m'occuper de mes enfants qui ne me voient qu'épisodiquement les week-ends du reste de l'année.

MC: Sur quelles figures est établi le classement des compétitions de voltige aérienne?
C. Maunoury: Une compétition comprend tout d'abord trois programmes de sept à huit minutes chacun, faisant appel à des techniques extrêmement précises de pilotage académique: un programme connu qui est le même pour tous les concurrents, un programme libre à base d'évolutions choisies dans les grandes familles de figures (cloches, vrilles, etc.) et un programme original grâce auquel chaque pilote espère se démarquer des autres concurrents.
Toutes ces figures doivent être exécutées sans entraînement le jour de la compétition. Le cumul des points obtenus détermine évidemment le classement.
Il existe finalement une épreuve très différente qui fait l'objet d'un classement à part: le libre intégral. Chaque pilote essaie, pendant quatre minutes, d'exécuter les figures les plus originales et les plus difficiles. Une seule limite: le temps à respecter.

MC: Quels sont les maîtres de la voltige aérienne?
C.Maunoury: Les Russes et les Américains ont une solide réputation dans cette discipline. Mais à présent, la France a rejoint le top niveau. Les médailles qu'elle a obtenues lors du dernier championnat du monde sont là pour l'attester. Nous sommes pratiquement à égalité, avec toutefois des styles très différents.

MC: Comment inventez-vous vos figures? Est-ce à partir de plans conçus d'abord sur le papier?
C. Maunoury: Même s'il est aujourd'hui très difficile d'inventer des figures inédites, il m'arrive en effet d'imaginer certains enchaînements. Il s'agit souvent, au départ, d'un mélange d'imagination et de hasard. Je peux partir, par exemple, d'une figure que j'ai ratée au cours d'un entraînement. Après coup, j'essaie de recréer la même situation en l'aménageant et en la perfectionnant. Dans le même temps, je soumets mes essais à la critique soit de mon mari (qui est lui-même pilote de voltige), soit de l'entraîneur de l'équipe de France, soit d'amis qui me secondent bénévolement dans ma préparation aux compétitions.


Deux contraintes s'imposent alors à moi. L'esthétique tout d'abord, car je cherche à donner à mes figures un caractère gracieux qui les fasse ressembler à un ballet aérien. Ensuite, la sécurité: la prudence est primordiale et j'entends bien ne pas prendre de risques inutiles.
En voltige aérienne, on est toujours un peu en situation limite. Le véritable danger est de casser l'appareil. Tout comme le pilote, l'avion subit les contrecoups des rapides accélérations.
La voltige est un sport extrêmement violent. Il fait souffrir autant la mécanique que l'organisme humain. En cours d'évolution, on entend souvent des craquements qui prouvent à quel point l'appareil peut atteindre lui aussi ses limites. Il faut donc être très attentif à ne pas outrepasser ses capacités.

MC: Vous servez-vous d'un aide-mémoire pour l'enchaînement des figures que vous effectuez?
C.Maunoury: J'ai effectivement un pense-bête, très schématique. Mais je n'y ai recours que très rarement, pour ne pas dire jamais. Tout se passe très vite et aucune hésitation n'est permise.
Je compare personnellement cette situation à celle du chef d'orchestre. La partition sur le pupitre ne lui est utile qu'exceptionnellement. Un rapide coup d'oeil suffit et c'est au seul mécanisme de la mémoire de continuer à jouer son rôle.

MC: La voltige aérienne apparaît comme un sport particulièrement inconfortable.
C.Maunoury: Ce sont surtout les effets de la pesanteur qui sont désagréables. Parfois, on est comme éjecté de l'appareil. Puis, immédiatement après, on peut être écrasé sur son siège sous l'effet d'une force pouvant atteindre 10 G, soit dix fois le poids de son propre corps.
De nombreux pilotes sont arrêtés par la violence de telles évolutions. Et pourtant, la voltige aérienne est un sport dans lequel on peut durer. Cinquante ans est un âge qui n'a rien d'exceptionnel dans cette discipline.

MC: Certains accidents très graves ont pu ternir l'image de l'aviation-spectacle. En subissez-vous les contre-effets?

C.Maunoury: Actuellement, la réglementation concernant nos exhibitions fait l'objet d'un examen approfondi et elle risque de subir d'importantes modifications. Pour ma part, je crains surtout qu'on en arrive à déconsidérer globalement notre sport, avec toute la part d'émotions et de rêve qu'il procure à de très nombreux spectateurs. Nul ne peut nier qu'il y ait un certain risque. Mais des risques existent aussi dans d'autres sports. Les courses automobiles, par exemple, et même le Tour de France avec la caravane publicitaire ou les voitures suiveuses. On ne peut quand même pas enfermer tous les gens devant leur poste de télé sous prétexte d'une réglementation paranoïaque qui nous interdirait de produire notre spectacle en présence d'une foule de spectateurs! Les accidents doivent servir, certes, de leçons. La meilleure solution serait peut-être de labelliser les pilotes en fonction de leurs compétences reconnues: un tel n'aurait pas le droit de descendre au-dessous de 150 mètres; tel autre, par contre, pour la beauté du spectacle et parce qu'il est un pilote particulièrement chevronné, serait autorisé à descendre plus bas encore. Certaines trajectoires, d'ailleurs, ne présentent aucun risque particulier et, en descente, un pilote doit se garder une réserve de vitesse suffisante qui lui permette de se poser sur la piste, même moteur arrêté.

MC: La voltige aérienne a-t-elle une incidence pratique sur les techniques de l'aéronautique?


C.Maunoury: Notre sport sert sans aucun doute à faire évoluer certaines techniques liées par exemple à la légèreté des appareils ou à la résistance des matériaux. Quoi qu'il en soit, les exhibitions et les compétitions de voltige ont surtout comme effet de susciter chez certains jeunes le désir de devenir pilotes, y compris professionnels.
J'en veux pour preuve mon exemple personnel. Je pratique l'aviation et la voltige parce que j'y trouve un immense plaisir. Mais je n'aurais jamais connu cette passion si je n'avais commencé, dès l'âge de dix ans, par recueillir sur mon carnet les autographes des pilotes que j'admirais et que je rencontrais à l'aéro-club de mon père.


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