Magazine Beaux Arts

A quoi sert une biennale ? (Lyon 2)

Publié le 22 septembre 2007 par Marc Lenot

Une biennale d’art contemporain a plusieurs buts, assez bien hiérarchisés, me semble-t-il.

Elle a avant tout un rôle politique : faire exister une ville sur la scène mondiale, lui donner du poids, de la visibilité. C’est sans doute la raison principale pour laquelle il y a aujourd’hui plus de cent manifestations de ce type, y compris dans des endroits aussi fameux que Cetinje et Gyumri, voire même Sélestat. Une ville sans biennale existe-t-elle vraiment ? Peut-elle prétendre participer au concert des nations ? C’est là ce qui motive édiles et mécènes locaux. Les retombées touristiques ne sont pas négligeables, mais l’essentiel est bien la visibilité. Dans ce grand jeu des biennales, que sommes-nous, artistes, galeristes, commissaires, collectionneurs, critiques, sinon des pions sur un échiquier ? Nous croyons avoir du poids, jouer un rôle, mais en coulisses, nous sommes au service d’intérêts bien autres, non ?

Une biennale a ensuite un rôle économique : c’est un des mécanismes de l’établissement de la cote des artistes. Les transactions se réalisent ailleurs, voire à côté : ainsi de la présence de la foire Docks aux portes même du principal lieu de la Biennale de Lyon. Autrefois, à Venise, la Biennale était marchande; une telle connivence serait mal vue aujourd’hui, mais le marché de l’art s’alimente de ce tourbillon de biennales, de leurs révélations et de leurs confirmations (ou l’inverse).

Une biennale a aussi un rôle social, quasi mondain : on s’y rencontre, on y échange, on y prend contact. Il suffit de voir , lors des journées professionnelles et des vernissages, l’intérêt que la plupart des invités portent à autrui, plutôt qu’aux oeuvres exposées, devenues, sinon invisibles, en tout cas simples sujets de conversation. L’important est d’être vu, de montrer qu’on est là, de trouver sa place dans ce microcosme, de comprendre ses codes et de s’y insérer.

Et enfin, une biennale a un rôle artistique : il peut aller de la simple exposition d’oeuvres disparates au choix délibéré d’un commissaire. Sur ce plan, Lyon a eu un parti pris différent cette année : les deux commissaires ont, pour l’essentiel, fait appel à une cinquantaine de commissaires en leur demandant de désigner l’artiste de la décennie. Cette démarche a plusieurs effets induits : une (trop) grande diversité avec peu de cohérence globale (”à l’image de notre monde” est la réponse classique), mais aussi un poids, à mon sens disproportionné, donné à la parole du commissaire d’exposition au détriment de l’artiste. Le discours curatorial obscurcit parfois la démarche de l’artiste, au lieu de la mettre en valeur. J’y reviendrai dans les prochains jours, en vous parlant davantage des oeuvres vues à Lyon. 

Photos : Chéri, de Zoulikha Bouabdellah, (mots d’amour calligraphiés), courtoisie galerie La B.A.N.K.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Marc Lenot 482 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte