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There is no place like Home

Publié le 07 juin 2009 par H16

Le dimanche, surtout lorsqu'on a prévu glandouille à la maison, c'est l'occasion rêvée de faire un peu de ménage, de rangement. Et pour ce blog et si l'on ajoute la dernière éjaculation cinématographique fluffyesque, c'est l'occasion de créer une nouvelle catégorie "Vert & Fluffly" dans laquelle iront se ranger un petit paquet de billets verts (pas des dollars, des chroniques) centrés autour de cette étonnante maladie qu'est le verdisme.

Dès que j'ai eu quelques minutes à perdre - c'est rare, mais ça arrive - , je me suis donc jeté sur le monument cinématographique de Yann Arthus-Bertrand à la gloire de Gaïa.
Ce serait un affront de vous dire que j'ai regardé chaque image, décortiqué chaque scène, réfléchi sur chaque plan de cet édifice phare de la pensée Ecolo-compatible. Plus modestement, j'ai découpé le film - d'1h33 version Ioutoube ou 2h version Dévédé - en petits morceaux digestes, de quelques secondes à chaque fois. En gros, je m'en suis fait une version Powerpoint. Il n'y a plus qu'à remplacer la musique new-âge "J'ai Mâché Un Cristal" par un petit Ronny Jordan bien funky, et je dois pouvoir concurrencer Mozinor.
Depuis quelques temps, les écolos nous ont donc habitué à cette mode documentaire qui consiste à faire réfléchir, pardon, à conscientiser le citoyen sur les problèmes que l'humanité pose à la planète en continuant obstinément d'exister. On se rappellera par exemple les charmants pamphlets politico-environnementalistes comme le Cauchemar de Darwin ou L'Horreur Alimentaire qui offraient au spectateur l'occasion de pleurer à chaudes larmes sur la misère du monde et, dans un élan de culpabilisation, de prêter le serment que jamais plus ils n'achèteraient de la perche du Nil. Et une fois le Goracle officiellement nobélisé pour son docu-drama, on avait une assez bonne idée de comment évoluerait le documentaire écolo-compatible.
Yann Arthus-Bertrand nous aura donc permis, avec son film de photos qui bougent, de nous assurer un nouveau point d'évaluation sur notre modèle théorique, dont la solidité est encore une fois prouvée. Le modèle prévoyait le développement de films toujours plus léchés, plus marketing, plus beaux et plus faciles à digérer, sur des sujets de plus en plus mainstream et dans une présentation toujours plus simple pour permettre au consommateur spectateur de faire une véritable Expérience Ecologiste de Communion Avec La Nature.
Dans cette nouvelle version, Yann offre au Spectateur-Consommateur d'Expérience Ecolo la possibilité inédite de le faire en solitaire sur son petit lecteur DVD, en prise directe avec le tout monde qui palpite en streaming sur Youtube, en famille devant l'écran forcément plat - pour une meilleure image, un meilleur rendu - grâce aux moyens techniques de la SFP France2 - par ici la bonne soupe - , ou collectivement, dans une salle obscure, moyennant le coût modique d'une place de cinoche.
Le modèle théorique d'évolution des Docu-Dramas Ecolos (™ Demaerd Statistics) prévoyait que les critiques seraient dithyrambiques, et que bientôt tout les spectateurs, du journaliste au quidam moyen, du politique à la Mère Michu, tous trouveraient la réalisation grandiose et le message sublime. Ça n'a pas loupé.
Objectivement, les images sont belles. On a tout fait pour. Le commentaire, en revanche, confine à la navritude ségolesque autoflagellante. Je sais, dit comme ça, c'est imprononçable, mais c'est exactement le sentiment qui gagne lorsqu'on écoute ce que le petit Yann veut nous dire. Habilement intercalés dans les images, quelques petits slides noirs pour écriture blanche (Powerpoint, vous dis-je), sobres et cérémonieux, pour jeter quelques nuggets d'informations au conso-spectateur. C'est bien plus que de la conscientisation, ça va plus loin que l'information : c'est de l'écolotainment aux goûts sucré/amer. Habile.

There is no place like Home

Mourir vite pour vivre mieux ?
D'ailleurs, Le Mâonde ne s'y est pas trompé : il serait indécent de juger Home.ppt selon des critères artistiques, à l'heure où l'on annonce, par exemple, 200 millions de réfugiés climatiques probables avant 2050. Vous voyez le principe ? D'un côté, une petite culpabilisation ("ce serait mal de juger ça comme ceci ou comme cela") et de l'autre un petit nugget d'information ("200 miyons de réfugiés climatiques"). Évidemment, cette information est tout sauf scientifiquement avérée. Mais baste, on s'en fiche !
Dans tout ce concert de louanges, il y a bien quelques voix dissonantes comme sur (!) Libération qui a dû voir dans la chronique de Iegor Gran une opportunité de booster la fréquentation de ses commentaires. Comme quoi, même une horloge arrêtée peut indiquer l'heure exacte deux fois par jour.
En fait, la soirée diapo proposée par Yann est très supportable dès lors qu'on coupe le son et qu'on fait abstraction des encarts informatifs style Histoire Sans Paroles. On retombe alors sur une version animée des photos du même auteur, avec le biais nicolahulesque propre aux crameurs de JetA1 en hélico, cette petite tendance à voire la paille des pollutions des hommes pour oublier complètement les poutres des améliorations énormes sur l'existence de ces derniers. Et non, je ne parle pas des occidentaux, justement.
Car au fond, le problème des Yann, Nicolas et autre Al, c'est cette tendance à vouloir absolument plaquer une pensée culpabilisante occidentalo-centrée, de riche, en gros, sur des comportements de milliards d'êtres humains qui n'ont ni la culpabilité nécessaire pour avaler le message, ni le cul confortablement vissé sur une chaise thermomoulée par le designer Stark pour y réfléchir deux minutes.
Eh oui : il est beaucoup plus facile de faire des efforts pour son environnement quand on en a le temps et l'argent. En toute bonne logique, il faudrait donc tout faire pour que ceux qui n'ont ni l'un, ni l'autre, émergent vraiment. Pour le moment, les solutions (qu'on peine à voir vu du ciel) consistent essentiellement, si l'on écarte les boboïtudes habituelles, à se concentrer sur l'essentiel, ce qui veut dire, très concrètement, à ne plus acheter à ces miséreux ce qu'il leur faudrait pour s'extraire de la misère où nos charmants thuriféraires du solaire et de l'éolien veulent les confiner. Alternativement, on trouvera aussi un retour au contrôle des naissances, gaïesque et sournoisement fascisant mais si gentiment éco-compatible, le tout basé sur l'implacable abrutissement malthusien qu'on nous ressert pour justifier des ligatures et des vasectomies bondissantes et festives.
Ça va même plus loin, puisqu'à l'illogisme de ce raisonnement il faut ajouter la parfaite hypocrisie qui consiste à bousiller des millions d'euros pour faire et distribuer un film qui ne donne aucune solution, entraîne des dépenses énergétiques conséquentes - eh oui, 100 millions de spectateurs, ça donne quoi, façon Facture Carbone Compensée, ça ? Qui va compenser l'électricité des clims et des projos de cinoche ? Qui va carbonofacturer l'énergie bouffée par les serveurs de Google et Youtube ? - et qui, logo en ouverture à l'appui, permet surtout et essentiellement au groupe PPR de se faire une pub gigantesque, un buzz gratuit et un marketing Vert & Fluffy du plus bel effet.
There is no place like Home

The Objective Standard
Eh oui : la réalité est bien plus complexe que les vignettes sur-saturées d'un Arthus-Bertrand militant. Pour l'écrasante majorité de l'humanité, cette réalité est quasi-binaire et se résume à une question de vie ou de mort. Et ce qu'oublient très vite ces trépidants cavaliers de l'azur, c'est qu'il y a très peu de temps de cela, nous étions nous-même placés devant la même question et que ce n'est qu'en ayant, jadis, pollué, que nous avons pu nous retrouver dans cette position richissime de pouvoir nous arrêter pour penser à notre environnement.
Résumer le monde en disant que le Nord est propre parce que le Sud est pollué, c'est oublier des centaines d'années d'histoire, d'évolution et de technologies. C'est oublier que les efforts que ces populations font, ici et maintenant, furent les efforts que nous fîmes. Avec une différence néanmoins : nous avons, nous, les "riches", le pouvoir d'aider, de faciliter la transition de ces individus, d'accélérer leur développement et de les faire passer ce cap pénible bien plus vite que ce nous avons eu, nous, à subir. Nous pouvons, nous, leur faciliter le commerce, acheter leurs productions, leur apprendre à pêcher plutôt que leur fournir du poisson. Et c'est d'ailleurs ce qui se passe, tous les jours.
Mais nous pouvons aussi choisir de ne bouffer que du bio local, par exemple : fini, le vendeur de cerises du Maroc, qui va plutôt faire des paniers en raphia, couleur locale et emprunte carbone réduite, ce qui revient à crever la dalle rapidement, lui et ses enfants. Yann, tu pourrais faire une photo, steup ?
On pourrai par exemple ne plus aller se dorer sur les plages du bout du monde. Fini, nos euros et nos dollars. Fini l'artisanat pour touristes. Fini les hôtels et les supermarchés pour touristes. Fini les emplois associés. Fini les retombées locales. Youpi : le retour à la terre, à une espérance de vie divisée par deux ! Ca, c'est écolo ! Yann, encore un cliché ?
Finalement, c'est facile de caricaturer, hein. Maintenant, lecteur, choisis ton camp.


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