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Une maman chilienne en France

Par Theclelescinqt

Une maman chilienne en France

C'est la fête à Copihue et au Chili sur ce blog en ce moment!

Alors ma petite dame récidive avec aujourd'hui une interview en bonne et due forme. Copihue est arrivée en France il y aura bientôt dix ans. Ses ancêtres ont offert à ses gènes un joyeux mélange, comme pour probablement beaucoup d'habitants des Amériques : irlandais, chilien, français, africain, espagnol, mapuche (indiens du sud du Chili), et je ne suis pas sûre que cela soit tout...Aussi Copihue a une peau très blanche et des cheveux très noirs et bouclés (rare pour une chilienne, selon elle.) Pour aller au bout des choses, Copihue a épousé à Paris un grand jeune homme de mère française et de père marocain. Je ne vous raconte pas la force génétique et culturelle de leur petite!

Parce que Copihue a vécu au Chili jusqu'à ses 26 ans, parce qu'elle connaît à présent tout de même bien la culture française et qu'elle a une petite fille, j'étais curieuse de faire avec elle un petit tour de "géographiques parents."

Ce qui m'intéresse, avec ces témoignages, c'est le regard de l'autre. Je trouve fascinant qu'une personne fasse part de son ressenti personnel à la lumière de ses acquis culturels, et éclaire ainsi le quotidien de sa nouveauté.

Si d'autres parents (ou pas, mais intéressés par ce thème), de n'importe quel pays, culture, ou même région française, trouvent le "jeu" amusant, qu'ils n'hésitent pas et me contactent!

Une maman chilienne en France

Vue de Santiago du Chili

Copihue, tu es chilienne, installée en France, en région parisienne. Depuis combien de temps, et de quelle région du Chili viens-tu?

Valparaiso  Chile
Je suis née à valparaiso, une grande ville située au milieu du Chili, qui a eu son heure de gloire au XIXème siècle. Cependant, mes 10 dernières années au Chili, je les ai passées à Santiago, la capitale, une typique mégapole latino-américaine à l'urbanisme chaotique et au triste rang au palmarès de "2ème ville la plus polluée du monde".

Je suis arrivée à Paris le 9 février 2000, après un coup de foudre pour cette ville que je considère comme étant la plus belle des capitales que je connais, avant Berlin, Londres, Madrid, Barcelone et Rome.

Que peux-tu nous dire de l'éducation que tu as reçue, et de l'éducation "à la chilienne" de manière générale, alors que tu es la maman d'une petite fille de deux ans?

J'ai été élevée par ma mère, mais surtout par la mère de ma mère et j'ai été marquée par les vacances et mon séjour chez la grand-mère de mon père, donc, par des gens âgés (entre 70 et 90 ans).

Peut-être mon éducation ne réflète-t-elle pas "la" manière chilienne (si elle existe). Néanmoins mon éducation a été faite par une famille où les hommes brillent par leur absence (et cela oui, peut être une caractéristique assez commune aux foyers chiliens).

Les phrases typiques qui m'ont "broyé le cerveau" et qui résument bien mon éducation ont été: "Tu ne peux pas car une fille ne fais pas ceci, ni cela", "Et oui, qu'un homme fasse cela ce n'est pas bien mais ce n'est pas grave... par contre chez une fille ce n'est pas bien du tout et fait très mauvais genre", et "Tu dois faire ou ne pas faire ceci et cela parce que tu es l'aînée". "Tu le fais parce qu'on te dit de le faire et personne ne veut savoir ton avis, fais ce qu'on te dit, obéis et étudie, c'est l'unique chose qu'on te demande".

Je me souviens aussi d'une phrase que je trouve très chilienne: "Si tu fais ça qu'est-ce que les gens vont dire!!"

Ma grand-mère qui m'a élevée avait un grand sens du sacrifice. Pour elle cela était tout simplement l'essence de la bonne mère. Ma mère par contre détestait toutes les formes de "sacrifice" et me répétait que cela n'était qu'une manière de se nier soi-même et un chemin amenant tout droit au chantage que subissent un jour ou l'autre les enfants de "parents sacrifiés."

Ma mère voulait m'inculquer le sens du respect de l'autre (enfants inclus)...

Mon éducation a été construite par ces deux regards opposés sur les amis, la liberté, la joie, le sacrifice, la générosité... Le grand point en commun était "Le plus important que tu pourras avoir c'est ton éducation, donc: étudie bien, excelle et obtiens tes diplômes".

Qu'est-ce qui t'a frappée ou étonnée en arrivant ici, concernant la société, et en particulier concernant les différences éducatives, de manières de faire, bref d'"art d'accommoder les bébés" et de vivre en famille?

Ce qui m'a frappé ici c'est le manque de papouilles, le manque de mots doux et l'absence de câlins des parents envers leurs enfants. En Amérique latine on porte les bébés jusqu'à ne pouvoir plus lever leur poids. Les papouilles se font tout le temps, les bisous prolifèrent sur la tête, les pieds, les mains, le dos, les bras... On prend les enfants dans les bras, nouveaux-nés, bébés de quelques mois et aussi enfants (même les  adultes, parfois!)). Et les mots doux sont dits à tout moment. Quelques échantillons: mi vidita "ma  petite vie", mi cielo "mon ciel", mi tesoro "mon trésor", mi lucero "ma grand étoile", mi amor "mon amour".

Qu'est-ce qui te manque ici, en tant que maman, ou au contraire qu'as-tu ici que le Chili ne pourrait t'offrir?

Ici rien ne me manque. Et sincèrement je pense qu'en France, et particulièrement dans la région parisienne où j'habite, j'ai tout gagné pour ma fille: santé et éducation publique, jardins, parcs et squares, bibliothèques et piscines, beaux livres pas chers ( par rapport aux prix exhorbitants au Chili pour une qualité minable).

De plus, le suivi médical des grossesses est fantastique. Tout est organisé. Il y a évidemment parfois des professionnels pas très sympas dans le milieu hospitalier et d'autres problèmes, mais le système français est excellent... Ici, par exemple les pompiers viennent chercher les femmes sur le point d'accoucher! Là-bas les pompiers sont des bénévoles et s'occupent seulement des urgences liées au feu. Et l'équivalent du Samu n'existe pas. On trouve seulement les ambulanciers des hôpitaux attachés à un système de santé dit "public" qui vous facture chaque soin et chaque compresse.

L'accouchement (normal, sans complication) vous coûte autour de 2 salaires et demi d'un professeur.

J'avais même décidé de ne jamais devenir mère au Chili. Il me semble vraiment que la vie là-bas est trop chère et culturellement pauvre!

Qu'est-ce qui serait très mal vu au Chili en terme de parentalité ou d'éducation? Qu'as-tu du mal à supporter ou à accepter en France?

Ce qui serait très mal vu là-bas, ce serait le manque de respect envers les adultes, la désobéissance, le manque de politesse (notamment manger la part d'un autre enfant ou demander à manger ce qu'un adulte n'offre pas ).

Je me sens très choquée ici d'entendre pleurer un enfant et de voir que l'adulte qui l'accompagne n'essaie pas de l'appaiser et l'ignore (spécialement si cet adulte continue à parler avec un autre adulte ou continue à faire du shopping).

J'ai aussi du mal à accepter qu'on habille un bébé de quelques mois avec des vêtements inconfortables ou serrés juste parce que ces vêtements sont beaux ou à la mode.

Aurais-tu un message à faire passer?

Câlinez vos bébés! Pitié, soyez doux avec eux lorsque vous leur parlez! Et comprenez qu'ils ne sont pas des adultes qui réfléchissent mais des bébés ou des enfants qui apprennent à vivre et à comprendre des phrases d'une langue qu'ils ne parlent pas!

Pourrais-tu nous faire partager quelque chose de chez toi? Par exemple, quels sont les prénoms à la mode en ce moment au Chili, cite-nous une ou deux personnalités chiliennes, quel est le sujet actuel dont le Chili parle le plus, quelle image a la France en ce moment au Chili, qu'est-ce qui serait pour toi emblématique de ton pays ou de ta région, un film, un plat, une chanson...

A vrai dire lorsque j'ai changé de pays je me suis désintéressée du Chili. Je voulais faire pousser mes racines ici et j'ai commencé à suivre le JT et les titres des journaux de l'hexagone.

Néanmoins, comme personnalité chilienne l'actuelle "Presidenta de la Republica" est Mme Michelle Bachelet : c'est une femme qui a travaillé pour la réconciliation nationale, étant elle-même fille d'un haut militaire assassiné, et torturée dans les champs de concentration chiliens de la dictature (1973-1991). Il y a aussi Teresa Calderón, une poétesse (vivante) féministe, drôle et originale. Et bien sûr, Violeta Parra, artiste, chanteuse, auteure de paroles, folkloriste, brodeuse. Une femme pleine de créativité dont un des principaux intérêts de sa vie fut la sauvegarde de la culture orale, les chants et les arts manuels ruraux.

Et quelque chose d'emblématique de mon pays: le plat "cazuela" qui porte un nom originaire de l'Espagne (une grande casserole). C'est un plat chaud, une soupe de légumes et viandes déclinée à une infinité de variations (poule, porc ou boeuf, avec ou sans farine de maïs, avec le plus souvent: pommes de terre, potiron, carottes, poivrons, haricots verts, petits pois).

Pour moi c'est emblématique de la grande diversité qui constitue la nation chilienne et la grande diversité des climats et paysages du pays, qui est long de plus de 6000 kilomètres!

Peux-tu nous raconter une anecdote vécue qui illustrerait bien la relation qui te relie à la France? (ou la perception que tu as eue de la parentalité en France?)

Les premières années après mon arrivée les gens voulaient me faire plaisir en me faisant découvrir un grand nombre de fromages français... Pour ma part je faisais un grand effort en restant à table, parce que leurs odeurs m'étaient presque insupportables... Plus tard, j'avais invité des amis à dîner chez moi et j'ai offert du fromage dès leur arrivée (telle la coutume chilienne)... A ma grande surprise ils ont tout mangé et il ne restait plus de pain! Lorsque j'ai dit "bon, maintenant on va manger"  un grand silence s'est produit. Tous avaient cru qu'au lieu d'un dîner je proposais un petit buffet... Maintenant j'adore le fromage, je mange même "les bleus" et les blancs à pâte dure et à l'arôme intense et je le sers comme il faut après le plat de résistance et avant le dessert.

Et mon image de la parentalité est la même que celle que j'ai de la France : il y a de tout partout!

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