Magazine

Délaissés urbains (#2)

Publié le 11 juin 2009 par Poussemanette
Suite de la saga de l’été avec les stations abandonnées…
Le métro roule, vous jetez distraitement un œil par la fenêtre, quand soudain, il vous semble voir du carrelage blanc. Une station plongée dans l’obscurité défile sous vos yeux. Fugace témoignage du passé ou fatigue chronique ? Rassurez-vous, vous venez de croiser l’une des 15 malheureuses du réseau Parisien.
Ces stations ont différentes histoires, certaines fermées, d’autres jamais ouvertes ou même fusionnées ! Allons à leur rencontre, fouler ces quais qui ne voient plus que la poussière et les trains ‘non-stop’.
Saint-Martin
La première sera Saint-Martin, station ouverte entre 1931 et 1933. Située sur le trajet des lignes 8 et 9, elle dessert une partie des Grands Boulevards, endroit à la mode. Pour répondre à la fréquentation et aux grandes expositions (Expo coloniale de 1931, expo de 1937), la ligne 8 est aménagée spécialement pour accueillir des voitures supplémentaires avec des quais long (105 mètres au lieu de 75). Aménagée dès l’origine avec ces quais, la station accueil des rames de 7 voitures et bats des records d’affluence que seul le RER dépassera. Encore aujourd’hui, les métros les plus longs (ligne 1 et 14) ne font que 6 voitures de long.
Délaissés urbains (#2)
Rame Sprague à quai de la station St Martin.
Cette station connue même son heure de gloire avec une réception organisée en 1932 pour la livraison de la ligne 9, avec Fulgence Bienvenue (l’inventeur du métro).
Délaissés urbains (#2)
Mais la seconde guerre arrive, l’occupation impose un service réduit avec de très nombreuses stations fermées dont St Martin. A la libération, la station sera ré-ouverte, mais refermée quelques années plus tard car trop proche de ses voisines (à peine 100 mètres séparent les accès de Strasbourg St Denis et St Martin, pour une moyenne de 550 mètres).
Délaissés urbains (#2)
Un ancien couloir, avec la séparation des voyageurs.
Dans les années 50, la RATP réutilise le lieu comme espace de test publicitaire. Différents modèles de pubs sont testés, dont certains en carreaux céramiques à l’épreuve du temps ! De nos jours, ces carreaux existent encore, plus ou moins recouverts de tags.
Délaissés urbains (#2)
Publicité en carreaux de céramique pour les blocs Santogène.
Plus récemment, la station avait été utilisée comme espace d’accueil pour les sans abris. Bien que l’idée soit bonne, la réalisation laissait à désirer : de simples murs non fermés séparaient le quai (espace SDF) et le voie. Sympa de dormir dans le brouhaha et la poussière ferroviaire !
Délaissés urbains (#2)
Vue sur les quais de Saint Martin.
Aujourd’hui, la station est abandonnée sauf la zone de l’ancienne recette qui sert de bureau. La différence entre zone bureau et zone désaffectée est flagrante : d’un coté c’est propre, de l’autre c’est la ‘war-zone’ : toutes les anciennes publicités ont été recouvertes de tags.
Champs de Mars
Toujours sur la ligne 8, cette station ouverte en 1913, est aussi fermée au début de la seconde guerre mondiale (2 septembre 1939) lors de l’application du service réduit. Après la libération, la station n’est pas ré-ouverte, et très peu de riverains s’en plaignent : Champs de Mars est à 150 mètres de La Motte Picquet Grenelle, station de correspondance avec 3 lignes.
Délaissés urbains (#2)
L'ancien accès et recette de Champs de Mars.
Aujourd’hui, la station sert de ventilateur géant. Le mécanisme (ventilateur, filtre) est implanté dans l’espace de l’ancienne recette, tandis que les escaliers d’accès aux quais servent de prise d’air. Décoiffage garantie !
Délaissés urbains (#2)
Les quais de Champs de Mars.
Un signal (comprenez un feu rouge) a été implanté directement sur le quai. Il protège le raccordement Ligne 8-L10. C’est assez insolite de le trouver là, au beau milieu d’un quai voyageur.
Vous pouvez apercevoir Champs de Mars en prenant le métro (interstation Ecole Militaire – La Motte Picquet Grenelle sur la 8) ou en vous plaçant sur les quais de la ligne 10. Vous la verrez à moitié plongée dans l’obscurité. De l’extérieur, vous pouvez aller voir l’ancien escalier d’accès à la station, situé Avenue de la Motte Picquet, sur le trottoir coté Champs de Mars.
La vue des quais coté Champ de Mars offre une vision impressionnante des remaniements souterrains, lors du déplacement de la 8 et de la 10. L’ancienne station La Motte Ligne 8 (devenue ligne 10) est très facilement visible, les ouvrages de contournements pour la ligne 8 aussi.
Croix Rouge
Située entre Mabillon et Odéon sur la ligne 10, cette station fut inaugurée en 1923. Comme la moitié du réseau, la station est fermée en 1939 avec la mobilisation par les Allemands des agents de la CMP (Compagnie du Métropolitain de Paris, ex RATP) : c’est le fameux service réduit.
Connue pour être la station la moins fréquentée du réseau (moins de 400 voyageurs par jours !) et située à 120 mètres des accès de Sèvres-Babylone, la station ne sera jamais ré-ouverte après guerre.
Mais savez-vous que cette station fut un temps le terminus de la ligne 10 ? A cette époque la ligne 10 empruntait les voies de la 13 d’Invalides à Duroc, puis se terminait à Croix Rouge. Le projet initial d’une circulaire intérieur (équivalent des lignes 2/6) n’étant plus à la mode, la 10 fut remaniée en branche Est-Ouest, en cédant une partie de ses voies à la 13 (ex ligne 14 !).
Délaissés urbains (#2)
Les quais de Croix Rouge.
Implantée sur une ligne atypique et dynamique (la 10, seule ligne sans pilotage automatique), Croix-Rouge a eu la chance d’être plusieurs fois mise à l’honneur. En 1982, elle fut transformée un temps en plage à l’issue d’un concours artistique co-organisé avec la RATP et Télérama. Malheureusement, les dégradations et tags eurent raisons de cette sympathique initiative. Il y a encore quelques années, la peinture jaune du sable et bleu des serviettes apparaissait encore sur le quai.
Délaissés urbains (#2)
Dans l'ancienne loge du chef de station.
En 2007, elle fut utilisée comme support promotionnel pour l’exposition Eros au secret de la BNF. L’installation était composée de lumière rose, de X géant et d’extraits d’estampes érotiques. Sans surprise, des dégradations furent commises et cet événement temporaire fut protégé par un maitre chien.
Aujourd’hui, la station sert de ventilateur, en réutilisant les couloirs et escaliers d’accès. Les accès extérieurs ont été démolis. L’ancienne entrée de station se situe sous la statue de César, au dessus des grilles du ventilateur. La seule trace visible est l’ancien escalier (situé sous une grille), au 8 rue de Sèvres.
Délaissés urbains (#2)
A gauche, les accès aux quais. A droite, derrière la grille, le ventilateur en fonctionnement.
La semaine prochaine, la suite des stations abandonnées, avec Haxo, Porte Molitor et Arsenal.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Poussemanette 11 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte