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Venise 1 : préjugés et déceptions

Publié le 15 juin 2009 par Marc Lenot

2009-biennale-venise127.1245081895.JPGC’est fou le nombre de gens qui viennent de passer deux jours à la Biennale de Venise (jusqu’au 22 novembre) et qui, rencontrés ici ou là, vous assènent des jugements péremptoires et négatifs : “nul ! moins bien qu’il y a deux ans ! rien d’intéressant !” Il m’a fallu presque une semaine, après mes cinq jours sur place, pour classer mes papiers, trier mes photos, relire mes notes et savoir sur quoi j’ai envie d’écrire. Je ne me sens guère capable de porter un jugement d’ensemble sur la diversité des expositions. J’ai eu des coups de coeur (billet de demain), j’ai vu des choses sans intérêt ou un peu étranges (billet d’aujourd’hui) et puis bien d’autres travaux qui, sans me transporter au 7ème ciel, vont rester dans ma mémoire et dont je vais tenter de parler.

Commençons par une promenade d’ensemble. Les pavillons nationaux, aux Giardini ou ailleurs, sont par essence hétéroclites, et il est donc amusant de les classer, voire même de les noter. Je réserve donc à demain ceux que j’ai beaucoup aimés, la Tchécoslovaquie (pays qui n’existe plus, sauf à Venise), la Hongrie, la Pologne, la France, les Etats-Unis (même si…), les Pays-Bas dans les Jardins et le Chili, le Mexique et l’Arabie Saoudite ailleurs dans la ville, et je veux d’abord décerner aujourd’hui les bonnets d’âne.

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Il y a d’abord les pavillons, pas inintéressants en eux-mêmes, mais qui présentent une exposition d’historien d’art, revisitant le passé de manière didactique et sans surprises. C’est le cas du Vénézuela avec une exposition très muséale sur l’expérience de l’archive, c’est le cas des pays nordiques avec d’un côté une collection homo-érotique (la seule pièce qui m’y ait plu, à droite, cette absurde double porte brisée, n’était même pas sur le plan listant les oeuvres) et de l’autre (au prix d’une longue attente), un ensemble danois ennuyeux, présenté sous la guise d’un appartement à vendre que vous ferait visiter un agent immobilier : il y a même une accorte soubrette et une collection d’insectes, ci-dessus à gauche.

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Le pavillon international, ex italien, est aussi une superbe exposition d’oeuvres historiques, avec les Danseurs dans les arbres de Gordon Matta-Clark (vidéo de 9h 32 minutes), une très belle salle dédiée au mouvement japonais Gutai et cette incroyable installation de Tomas Saraceno. Par contre, l’installation de la nouvelle star du marché Nathalie Djurberg est trop spectaculaire pour être honnête à mes yeux.

Parlant d’attente, le ratio durée d’attente sur qualité du pavillon, très mauvais au Danemark et en Roumanie, est pulvérisé par le pavillon britannique où il faut s’inscrire à l’avance pour voir une vidéo de 30 minutes de Steve McQueen, qui filme les Giardini l’hiver, abandonnés, sales, avec des chiens errants (des lévriers de race, quand même) et des rencontres homosexuelles louches; le seul moment où l’intérêt s’éveille un peu pendant cette demie heure d’ennui profond est quand on voit des insectes caméléons ayant la forme et la couleur des feuilles sur lesquels ils se posent. Sinon, à fuir absolument.

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La seule raison de visiter le pavillon égyptien est la magnifique et généreuse odeur de paille qui l’imprègne, mais gardez-y les yeux fermés, et la seule raison de visiter le pavillon israélien est qu’on vous y offre le café, bien meilleur qu’au restaurant voisin, mais évitez à tout pris les toiles de Rafi Lavie autour du bar. Le choix des artistes dans les pavillons nationaux est en général un indicateur subtil du mécanisme à l’oeuvre derrière le choix et on décèle assez vite les académies conservatrices (Israël, sans doute), les ministères de la culture (le pavillon iranien est absolument redoutable, mais les bons artistes iraniens contemporains ne sont sans doute pas bien en cour), voire la maîtresse du ministre (devinez…; voici peut-être sa garde d’honneur).

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La plus grande tristesse vient du pavillon italien (à l’Arsenal). Que celui de Venise semble sponsorisé par les verriers de Murano est déjà triste, mais que le pavillon national montre une image aussi déplorable du pays hôte m’a désolé. Même Silvio Wolf est mal représenté. J’ai cru un instant que ce mur d’armoires à pharmacie, par Bertozzi & Casoni, titré Rebus, sauvait la mise, mais c’était avant de voir ce que contiennent lesdites armoires (cliquez à gauche, puis à droite). Quelques photos d’Elisa Sighicelli sur la lumière et les grillages (ci-dessous, sans titre) relèvent un peu le niveau (mais certainement pas sa vidéo de feux d’artifice à l’envers).
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Allez, encore un peu de bile : les Emirats Arabes Unis font leur marketing, la Croatie de la peinture d’école des beaux-arts du dimanche, et je n’aime pas du tout Dado.

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Pour se remettre un peu, il y avait quelques lieux reposants, calmes, sans emphase, qui n’impressionnaient pas, mais nous laissaient apaisés, sereins : ainsi les dessins de Silvia Bächli au pavillon suisse ou l’herboristerie de Jef Geys au pavillon belge. Le finlandais Jussi Kivi a fait rêver le petit garçon qui sommeille en moi avec son musée de voitures de pompiers et je n’étais pas le seul, mais peu de femmes dans ce pavillon, qui avait donc choisi d’exposer la collection d’un artiste (il y avait aussi ses affiches soviétiques de protection civile) plutôt que son oeuvre. Et Miguel Barcelo était un des rares peintres intéressants de cette biennale, avec des toiles paysages comme agitées par le vent, avec des friselis à la surface de la peinture; il montrait aussi de belles céramiques, dans une exposition du pavillon espagnol très rétrospective (je n’ai vu ni le pavillon catalan, ni le murcien). Dans mes regrets aussi, le pavillon estonien où je n’ai pas vu l’installation et la vidéo de Kristina Norman sur le monument aux morts soviétiques déplacé il y a deux ans du centre de Tallinn.

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Deux expositions maritimes pour conclure ce billet. D’abord, face aux Giardini, la pays le plus pauvre du monde, les Comores, a un pavillon, avec l’artiste italien Paolo Tamburella : une barque traditionnelle comorienne a été déplacée ici et elle héberge un container estampillé Capital. Parfois, des marins comoriens y font une performance. Cette présence des Comores à une encablure du nouveau Palais Pinault est un magnifique pied de nez.

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Autre pied de nez, le projet du belge Jacques Charlier, 100 Sexes d’artistes, que la Biennale a refusé d’inclure dans le calendrier officiel des manifestations collatérales, censure imbécile. Il squatte donc un bateau à proximité et attire les foules avec force publicité. Il n’y a bien sûr pas de quoi fouetter un chat et beaucoup moins de sexe que dans bien d’autres expositions. Mais le sexe d’artiste est apparemment intouchable pour Daniel Birnbaum. Or ceux-ci ne sont que des évocations et je vous invite à faire le test en ligne; moi je vais essayer d’améliorer mon score (39/100 sur place). L’indice de celui-ci est “souvent à Rome”.

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Ah oui, Yves Klein est enterré dans un bosquet reculé des Giardini (tout en haut), et Dominique Gonzalez-Foerster m’énerve toujours autant.

Toutes photos de l’auteur, excepté le sexe d’artiste.


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