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Carences dans l’indépendance et l’impartialité de la Commission bancaire française (CEDH, 11 juin 2009, Dubus S.A. c/ France)

Publié le 16 juin 2009 par Combatsdh

Une société d’investissement a fait l’objet d’un contrôle de la Commission bancaire (autorité administrative indépendante présidée par le Gouverneur de la Banque de France et chargée de vérifier le respect par les établissements de crédit et les entreprises d’investissement des règles régissant leurs activités). Ce contrôle fut suivi d’une procédure disciplinaire et d’une sanction - un blâme - prononcée par cette même commission. La société forma, sans succès, un recours contre cette décision devant le Conseil d’Etat.

Dans un premier temps, la Cour européenne des droits de l’homme juge l’article 6 (droit à un procès équitable) applicable aux faits de l’espèce, notamment parce que les sanctions prononcées par la Commission bancaire ont une « coloration pénale » (§ 38 - le Conseil d’Etat avait fait une analyse identique pour cette Commission, tout comme la Cour elle-même au sujet « d’autres autorités administratives françaises compétentes en droit économique et financier et disposant de pouvoirs de sanctions » comme le Conseil de la concurrence et le Conseil des marchés financiers - § 35).

Dans un second temps, la juridiction strasbourgeoise entre véritablement dans le cœur du contentieux : le respect des exigences d’impartialité et d’indépendance garanties par l’article 6 malgré la dualité de fonctions de cette Commission - de contrôle et disciplinaires. Or, la Cour met ici en cause « l’impartialité objective » de la Commission (« l’appréciation objective […] consiste à se demander si indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains faits vérifiables autorisent à suspecter l’impartialité de ce dernier. En la matière, même les apparences peuvent revêtir de l’importance » § 53).

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Dubus S. A. c. France (Cour EDH, 5e Sect. 11 juin 2009, req. n° 5242/04 )

Actualités droits-libertés du 12 juin 2009 par Nicolas HERVIEU

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Les juges européens « relève[nt] d’emblée l’imprécision des textes qui régissent la procédure devant la Commission bancaire » (§ 56) et l’absence « de distinction claire entre les fonctions de poursuite, d’instruction et de sanction dans l’exercice du pouvoir juridictionnel de la Commission bancaire » (§ 57).  Certes, « le cumul des fonctions d’instruction et de jugement peut être compatible avec le respect de l’impartialité garanti par l’article 6 § 1 de la Convention » mais ceci, sous réserve l’autorité concernée soit en mesure de « décider de la sanction disciplinaire sans “préjugement”, compte tenu des actes accomplis par elle au cours de la procédure » (§ 58). Or, précisément, à la lueur de « la confusion des rôles » au sein de la Commission (§ 60), la Cour conclut « que la société requérante pouvait raisonnablement avoir l’impression que ce sont les mêmes personnes qui l’ont poursuivie et jugée » (§ 60). Impression confirmé par « le rôle du secrétaire général » de la Commission qui « accentue la confusion » en intervenant successivement dans les phases de contrôle et de sanction (§ 60).

Les juges européens mettent donc en doute « l’existence d’une séparation organique au sein de la Commission bancaire » selon les missions en cause et affirment « que la requérante pouvait nourrir des doutes objectivement fondés quant à l’indépendance et l’impartialité de la Commission du fait de l’absence de distinction claire entre ses différentes fonctions » (§ 61).

Seule « la faculté d’autosaisine de la Commission bancaire » semble épargnée par la censure strasbourgeoise, même si la Cour énonce, en guise d’avertissement, qu’« elle croit nécessaire d’encadrer plus précisément le pouvoir de se saisir d’office de manière à ce que soit effacée l’impression que la culpabilité de la requérante a été établie dès le stade de l’ouverture de la procédure » (§ 60).

Cette condamnation de la France pour violation de l’article 6 semble donc contraindre à une modification des règles d’organisation de ladite Commission et illustre une nouvelle fois l’influence de la Convention sur l’encadrement des pouvoirs conférés aux autorités administratives indépendantes.

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Dubus S. A. c. France (Cour EDH, 5e Sect. 11 juin 2009, req. n° 5242/04 )

en word

  • voir l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 juillet 2003

240884
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6EME ET 4EME SOUS-SECTIONS REUNIES
M. Stirn, président
M. Rémi Keller, rapporteur
M. Guyomar, commissaire du gouvernement
SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, avocats

avec ce considérant mémorable:

“En ce qui concerne l’exigence d’impartialité :

Considérant qu’aucun principe général du droit, non plus que les stipulations du premier paragraphe de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, n’impose la séparation des phases d’instruction et de jugement au sein d’un même procès ; que ni le secrétariat général, chargé des contrôles sur pièces et sur place sur instruction de la commission, ni les personnes qui procèdent pour lui à ces contrôles, ne prennent part à la décision de la commission relative à la sanction susceptible d’être infligée à l’entreprise contrôlée ; qu’ainsi la procédure suivie par la commission n’est pas contraire à l’exigence d’impartialité rappelée au premier paragraphe de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;”


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