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Monsieur Ça

Par Chroniqueur
Monsieur Ça- «Ça me prend la tête», disait-il souvent.
Alors on fait venir Monsieur Ça, histoire qu'il s'explique, qu'il lui dise pourquoi il l'importune ainsi, et là, il faut bien avouer que c'est de l'effroi pur qu'il voit débarquer, parce qu'il ressemble comme deux gouttes d'eau à ses élucubrations pchitpchiques Monsieur Ça, avec sa gueule d'hurleur munchien, pour sûr, face à une pareille tronche d'affreux, il n'est pas tellement rassuré, même qu'il commence à angoisser ferme à l'idée qu'il l'héberge dans son pudding crânien hyper-connecté cet Hulk gris, il commence un peu à s'excuser, il est tout poli, tout tremblant, un peu comme s'il avait convoqué Staline pour lui dire ce qu'il en pense, mais par erreur, vous voyez, et Staline lui, ben il n'aime pas tellement être dérangé pour rien, alors l'autre, il est tout piteux, «Euh, bonjour Monsieur Ça, je ne voulais surtout pas vous indisposer», mais le mal est fait et l'autre, tant qu'à s'être déplacé, il en veut pour sa peine, et il est cher, alors c'est sûr, il flippe, les cyclones ou les épidémies de sauterelles, rien de tel pour vous faire croire, tout d'un coup il est pris d'un grand besoin de pouvoir s'adresser à quelqu'un de super puissant et super fort qui lui veut plutôt du bien, ce serait mieux, et qui est très gentil, parce que le tas de pulsions qui se dresse en face de lui, ça lui met le reptilien en pagaille tandis qu'il y a débâcle dans le limbique, Monsieur Ça, Herr Es, Sir It, deux petites lettres pour des misères à l'être, ouh mais comme il voit qu'il est horrible son tricot de frustrations, de désirs avortés, d'envies putrides, de larves pas papillonnées, d'idées crasses, de projections avides, pour sûr, il frémit ferme à l'idée qu'on puisse prétendre l'avoir vu avec une telle trogne d'infamie, parce que ça, il ne pourra pas fournir d'explications valables alors il se dit qu'il va faire vraiment très simple et qu'il va prendre sur lui avant d'auto-générer une nouvelle bête immonde, tenez, un Y par exemple, «Y me prend la tête» et aussitôt voilà que le Y hydre encéphalitique se pointe, Y fronde sans son Thierry ni autre zozo pour le sauver, Ecce Monstros, la bête humaine, psyché camée, la part de soi, si, si, soi, pas l'autre, méprisable, cette fosse d'aisance psychique infecte à bonne température pour faire grouiller le spleen, pleine de cloportes et d'avortés de la sérénité, les bouts de généalogie au cou coupé qui le hantent aveuglément comme autant de peur refilées, fumier et nids de couleuvres tout en un, tient, je te donne Monsieur Ça en pension, nous on a jamais vraiment su quoi en faire dans la famille et le voilà avec tout ce maelström freudien dans la caboche alors il se met à secouer la tête frénétiquement pour qu'il le lâche Monsieur Ça parce qu'il avait juste dit ça comme ça, en passant, il ne pensait pas que l'autre allait s'inviter avec toute sa smala d'échappés de la civilisation accostants avec leurs drakkars noirs sur les minces rivages de sa raison mais on lui dit même dans l'oreillette que c'est même encore avant, qu'en fait ils ne se sont pas encore redressés sur leurs papattes arrières occupés qu'ils sont à survivre dans l'enfer turbo-excroissant de l'ego, mais de l'air! alors du coup il décide de s'introspectroger plus tard, le plus tard possible, parce que là, vraiment, il n'ai pas le courage et puis ça ne va pas si mal, il y a Roland Garros à la télé, Nadal dans le canal, c'est pas la faute à Roger, on a tous nos problèmes.
Image: Le cri, Edvard Munch.

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