Magazine Photos

Lecture : Eric Dubois , "ESTUAIRES", éditions Encres Vives, 2009.

Par Ananda
"Estuaires" n'est autre qu'une réédition, par la collection Encres blanches des éditions Encres Vives, d'un recueil "paru initialement aux éditions Hélices, en 2006".
"Estuaires", c'est le regroupement d'une trentaine de poèmes en vers libres (Eric Dubois, à ma connaissance, n'écrit qu'en vers libres) et, en général, de taille moyenne (c'est à dire ni trop longs, ni trop courts).
L'auteur y tisse une atmosphère aux connotations fortement hivernales, associant la froidure des mauvaises saisons à son angoisse plus ou moins diffuse et à sa solitude, non moins glacée, non moins pénétrante.
On pourrait considérer cet ensemble de poèmes comme un cri de solitude, ou encore, comme une pelote de sanglots coincés dans la gorge.
Nous avons affaire à une poésie de désarroi, qui dit l'absence, l'abandon, le décharnement des mois froids (notons, au passage, que, souvent, les poèmes ont des noms de mois pour titres), qui évoque une sorte de dépossession, de dissémination irrémédiable des choses du monde, avec, en sous-main, la résonnance sourde, étouffée, hautement pudique, d'un pathétique, d'un bouleversant appel à "créer des liens".
La poésie, chez Eric Dubois, est toute d'émotion affleurante, toute de retenue et, pourtant, pourrait-on dire, toute de densité. C'est une poésie qui respire, existe au rythme de l'attente à vif, attente elle-même souvent proche d'une violence de feu couvant sous la cendre.
L'idéalisme et la quête d'autre chose, eux aussi à vif, viennent se fracasser sur l'inévitable arrêt de mort que signent l'éphémère, la fuite du temps. L'angoisse de la finitude et celle du vide ne sont jamais loin : elles rôdent dans les vers, en épées de Damoclès toujours menaçantes.
Qu'opposer à cela ? Eric Dubois convoque la "transmission", la continuité des "cycles" (d'où l'importance des saisons) et, cela ne nous étonnera pas, les "signes et traces", les mots, entre autres.
A eux de réveiller "l'espoir" (si fragile que celui-ci puisse être); à eux et à eux seuls de conjurer, de sublimer la nudité de l'être.
Eric Dubois trahit, en les termes concis qu'il affectionne, le doute de nature quasi métaphysique qui l'étreint ("pourquoi laisser des traces / si un jour elles s'effacent ?") et ce qui est sans doute son corollaire : le besoin de reconnaissance qui le taraude ("rester anonyme ?").
Que faire, face aux mains vides, au vertige de décharnement, de solitude ?
Que faire face à la proximité du néant, à sa présence de tous les instants, glacée, creuse ?
"Que cherche-ton quand on chancelle ?", nous interroge l'auteur, troublé.
Vivre, cela ne consiste-t-il pas à "tenter de se consolider "?
Eric Dubois nous donne à lire une très belle poésie, une poésie très reconnaissable, tendue, épurée, caverneuse, manifestement inspirée, "possédée", à sa manière.
Ses mots, ses vers font penser à des pierres de lave solidifiée. Leur fonction est, sans nul doute, d'ordonner le "désordre des objets", mais aussi le gouffre intérieur, lesquels se rejoignent, confluent jusqu'à former une même menace oppressante.
Pourtant, "Février, c'est Mars ou Avril
   latent, insoupçonné

   caché".



Patricia Laranco.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Ananda 2760 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog

Magazines