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Nouvelle : Vert, règne végétal

Par Corwin @LR_Corwin

Diaspora I - Vert : règne végétal

Sept vaisseaux-arches, nés du programme “Diaspora Humaine”, emportent l’humanité à travers l’espace à la recherche de planètes où s’établir.
Au bout de cent douze années de voyage, Prima croise la route de HN-127-2. Serait-ce une Terre Promise ?

Chapitre I : HN-127-2

Le vaisseau arche Prima était mal en point.
Cette nouvelle avarie sur un pan des boucliers thermiques allait rendre la fin du vol encore plus compliquée. Le navire avait été construit pour durer une centaine d’années, avec une marge de manoeuvre d’environ quinze ans supplémentaires.
Les calculs de l’époque s’avéraient juste : cela faisait cent douze ans que le voyage avait commencé.

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Rhian Mendy se laissa tomber dans son fauteuil. La jeune femme assurait seule depuis trois ans le rôle de commandant en plus de ses fonctions de pilote et d’astro-navigatrice. La fatigue physique et le stress enduré ces derniers mois avaient eu raison de sa fougue et de son enthousiasme.
Heureusement, elle était sur le point de passer le relais.
Sa main droite survola une série de capteurs qui activèrent des écrans holographiques. Le premier remonta les informations sur les derniers dommages subis ; le second proposait plusieurs vues en 3D du vaisseau avec toutes les zones où des dysfonctionnements majeurs étaient apparus depuis le début du voyage. Même si ces données étaient d’une importance capitale, ce fut sur le troisième que son attention se cristallisa. Là-bas, très loin dans le coeur du Prima, des capsules de stase s’ouvraient. Des hommes et des femmes, encore hébétés par l’effet des sédatifs, émergeaient pour la première fois de leur sommeil artificiel depuis le départ de la Terre.
Rhian connaissait bien cette atroce transition. La stase était comme un coma, les fonctions vitales au minimum, l’activité cellulaire à peine plus décelable que chez un mort, et puis soudain, l’éveil : les lumières crues des néons qui agressent les pupilles, le froid mordant de la salle de réanimation, la surface dure du sol sous la plante des pieds et l’absence d’une quelconque trace de force dans des muscles qui n’ont plus travaillé depuis des éons.
La jeune femme avait été réveillée six fois pour prendre son quart durant ce vol. Elle savait ce qui allait suivre. La semi Intelligence Artificielle allait piloter les automates qui permettraient à ces gens d’enfiler des combinaisons à nano-robots. Le temps de leur rééducation, environ deux à trois semaines, ce vêtement high-tech leur permettrait de se mouvoir, de protéger leur peau de la lumière et leur corps des chutes ou des contacts.

- Les cinquantes sont ok, commenta Roberto Mercen, l’officier technique. On vient de doubler la population d’éveillés d’un seul coup.
- Il faudra bientôt réveiller tout le monde de toute façon, fit remarquer Alfred Niterova, un officier scientifique spécialisé en xéno-planétologie. Prima est à l’agonie et HN-127-2 est la meilleure candidate que l’on ait jamais détectée.
- Tu veux dire « la seule », rectifia Roberto.

Rhian ne put réprimer un frisson d’angoisse à la pensée de voir les quelques cinquante millions d’humains émerger de leur champ de stase. Comme une armée de zombies s’échappant de sarcophages. Elle balaya cette image d’un revers de main. Ce n’était pas pour tout de suite. Une décision était à prendre, c’était la raison pour laquelle le gouvernement avait été réveillé.
HN-127-2 sera-t-elle la terre promise ?

*
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L’homme parcourut une fois encore les résultats des scanners longues distances. C’était presque trop beau pour être vrai. Jordan Natoli avait de la peine à croire qu’une telle planète se soit trouvée sur le chemin du Prima. Dès le départ, bien qu’il fut volontaire pour l’exode, cet éminent exo-biologiste était convaincu que le programme ‘Diaspora Humaine’ était voué à l’échec. Les plus puissants télescopes avaient pourtant prouvé l’existence de systèmes planétaires à plusieurs dizaines d’années-lumière de la Terre; la construction des vaisseaux arches avait, malgré tous les obstacles, abouti à la naissance de sept titans spatiaux. Mais lui, Jordan, n’avait jamais réussi à se persuader que son cycle de sommeil artificiel serait un jour interrompu pour qu’il puisse donner son avis sur un point de chute. En se préparant pour la stase, il s’était mis en tête qu’il n’ouvrirait plus jamais les yeux. A moins qu’on ne l’en tire pour assister à la fin du vaisseau, fonçant vers une étoile ou aspiré par un trou noir.
Il devait bien reconnaître que son pessimisme naturel l’avait aveuglé.
HN-127-2 avait des statistiques parfaites. Du moins, sur ce qu’il pouvait voir. Diamètre à l’équateur à peine supérieur à la Terre, gravité un poil plus forte, rotation de vingt-sept heures et trois cent treize jours pour une révolution complète autour de son étoile, une naine blanche.
Les indications sur la météorologie faisaient état de systèmes anti-cycloniques et dépressionnaires des plus classiquement observés avant que tout ça ne se déglingue sur Terre. Au niveau des températures, c’était plus que décent.

- M Natoli ? Il nous faut votre opinion à présent.

Jordan se tourna vers l’homme qui s’était exprimé avec un si grand calme. Dans la salle de briefing à présent bondée, il n’y avait que cette personne pour agir avec autant de détachement. C’était l’un des traits de caractère qui lui avait permis d’être nommé gouverneur civil du Prima : Michael Loeb était un politicien de la veine de ceux du siècle passé. Enfin, du siècle précédent, le 21ième.

- M Natoli ? S’il vous plait ? Sans vos impressions, ni le général Downes ni-moi même ne saurions nous prononcer.

Le biologiste fit un signe de tête en direction du commandant des forces armées de Prima. Il s’agissait d’un « matriciel », un homme dont le corps avait été viro-programmé en couveuse, construit pour être fort, résistant, endurant. Un guerrier.

- Sur la base des éléments qui sont à ma disposition, HN-127-2 semble une excellente opportunité, conclut Jordan dans son micro.

Sa voix amplifiée par les haut-parleurs de la salle souffla un nouveau vent d’hystérie sur le personnel civil. Exultation que tempéra aussitôt le gouverneur Loeb.

- Mes chers amis, ne nous emballons pas. Il reste à connaître le point de vue du commandement militaire.

Downes n’hésita pas un quart de seconde. Son timbre bas et rauque fendit la salle.

- Aucune trace de civilisation suffisamment avancée pour s’aventurer dans l’espace ou même la stratosphère n’a été détectée. Nos radio-observatoires ne détectent dans le passé de cette planète pas la moindre émission radiophonique. Compte tenu des conditions actuelles, le choix de HN-127-2 nous paraît très approprié. Cela n’exclut évidemment pas la possibilité d’un milieu hostile qui ne pourra être évalué que lors de l’approche finale.

Et le général se recula dans l’ombre.
Pour le coup, toute trace d’excitation était retombée. La menace était à peine voilée dans les derniers propos du militaire. Bien sûr, ils étaient à environ un mois lumière de la planète. Comment savoir ce qu’il se passait à sa surface ?

- Si nous sommes tous là aujourd’hui, c’est effectivement que nous devons nous prononcer sur une situation unique, reprit le gouverneur. Notre arche est dans un état tel qu’il est illusoire de penser que nous pourrons continuer ainsi plus d’une décennie.

En disant cela, il se tourna vers Rhian Mendy qui ne put qu’acquiescer.

- Nous avons à moins d’un mois d’ici une planète, HN-127-2. Celle-ci présente toutes les caractéristiques propres et nécessaires à notre installation sans contrepartie hostile notable. Je rappelle, glissa Loeb dans un sourire, que ces affirmations se basent sur le peu d’informations analysées par le Général Downes et le professeur Natoli. Nous sommes tous bien d’accord là-dessus. Lieutenant Mendy, rappelez-nous ce que cela va coûter si nous choisissons de nous rendre vers cette planète.

La jeune métisse se tourna vers son commandant qui donna son accord d’un rapide mouvement du menton.

- Général, Gouverneur, mesdames et messieurs du conseil. Si l’ordre est donné d’infléchir la trajectoire du vaisseau arche pour se rapprocher de cette planète, il ne sera pas permis de faire machine arrière. Comprenons-nous bien : entrer dans un système solaire implique de croiser des particules qui viendront bombarder nos déflecteurs, or ceux-ci sont en très mauvais état. Nos boucliers thermiques sont eux à l’agonie alors même qu’on veut leur demander un supplément d’effort au moment de la décélération. Je ne m’étendrai pas sur les nombreux incidents qui émaillent notre quotidien et qui puisent dans des stocks de plus en plus faméliques.

L’auditoire était captivé : à la joie d’avoir détecté une planète colonisable venait à présent s’ajouter une peur viscérale. Celle de ne pas avoir le droit à l’erreur.

- Je crois lire sur vos visages que vous avez bien saisi le sens de mes propos. Première option : nous laissons Prima suivre son cap et nous aurons bientôt dépassé HN-127-2. Dans ce cas, nul ne saurait dire combien de temps encore l’arche sera capable de nous maintenir en vie et si ce temps sera suffisant pour croiser une deuxième chance de s’établir. Seconde option : nous y allons. Mais nous y allons vraiment. Quoi que l’on puisse ensuite détecter en se rapprochant, HN-127-2 sera notre seule planche de salut car il ne pourra y avoir d’autre fin pour Prima qu’un plongeon dans le soleil de ce système.

Un rapide coup d’oeil de Rhian vers le général Downes lui suffit pour comprendre qu’elle pouvait se rasseoir. De toute façon, quelques minutes auparavant, il avait donné son accord pour ce speech, mot pour mot.
Le gouverneur toussota pour rompre un silence devenu bien trop pesant à son goût mais ce fut une autre femme qui prit la parole.

- Excusez-moi, dit-elle en se levant. Carlotta Sadran, conseillère en charge des questions éthiques, culturelles et religieuses. De combien de temps disposons-nous pour nous consulter et rendre un avis ?

- Six heures, affirma tranquillement Downes.

Un tollé accompagna cette annonce.
Le général se remit debout et arpenta l’estrade.

- Six heures parce que nous sommes sur une trajectoire fuyante. S’il n’y avait eu ce problème sur la coque du Prima, nous n’aurions pas repéré cette planète. Alors, oui, c’est une aubaine ou un miracle, appelez cela comme il vous plaira. Pour nous, il s’agit d’une opportunité. Le vaisseau arche est si abîmé que nous ne sommes plus loin du seuil de passage en loi martiale. Si nous y étions, l’ordre aurait déjà été donné. Mais puisque vous avez encore la main, il vous incombe de prendre vos responsabilités.

Un tonnerre de désaccord éclata que le gouverneur eut toutes les peines à calmer.

- Allons, allons. Le général ne fait qu’énoncer une vérité. Aussi déplaisante soit-elle ! Nous devons mettre à profit le peu de temps dont nous disposons pour déterminer si oui ou non, HN-127-2 est cette planète pour laquelle nous avons quitté la Terre !

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