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Que d'aventures !

Par Ericsansault

Paff ! Le bruit résonne dans la forêt tropicale du parc national d’Iron Range. Quelques secondes et la cacophonie reprend, les insectes d’abord, puis les oiseaux. J’ouvre mes mains, je l’ai eu, ce moustique de malheur ! Et alors que je l’éjecte vigoureusement d’une pichenette, je me demande s’il existe des espèces de moustiques en voie de disparition.
Carolina me sourit et me dit : « Tu le mérite bien, après toutes ces mésaventures ! ». Je lui souris aussi et reprends mon appareil photo. Sur l’écran du boîtier, je regarde encore une fois la photo du python vert trouvé cette nuit. Un rêve de gosse.
Il y a deux jours, j’entamais la remontée de la péninsule du Cap York. Sept cents kilomètres, dont 600km de piste, depuis Mossman. La dernière nuit sur la plage de Mossman était très agréable et le lendemain matin, avant de partir, je fais quelques photos du lever de soleil. Au loin, j’aperçois les lumières de Port Douglas.

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La ville de Port Douglas, vue de la plage de Mossman, QSL.

Le parc national d’Iron Range est situé sur la côte Est de la péninsule du Cap York, mais il n’existe aucune route ou piste qui longe la côte, il faut prendre la « Peninsula Development Road », à l’intérieur des terres. Comme son nom l’indique, c’est une route en développement, cela signifie qu’il faut aimer la poussière et les graviers. Selon la portion arpentée, ma vitesse varie de 20 à 80km/h. Donc, je ne fais pas vraiment de pronostics sur le jour d’arrivée à Iron Range.
Je suis fier d’être le seul débile qui ne roule pas 4x4 à 120 à l’heure. D’autant plus fier que la courroie de l’air conditionné est cassée, qu’il fait 50°C dans la voiture et que le taux d’empoussièrement atteint 100% quand je croise un pick-up ou un gros 4x4. Alors je régule en ouvrant et fermant ma vitre avec arrogance, sorte de message envoyé aux riches retraités qui me doublent à toute allure au volant de leur V8 - 4, 6L. À bas les 4x4 !
La route est bonne, pas de nids-de-poule, assez large et régulière. Main gauche sur le volant, bras droit par la fenêtre, lunettes de soleil et Pink Martini dans les oreilles. La classe. Un nuage de poussière m’indique qu’une voiture approche, je remonte la fenêtre et ralenti. Lui va très vite et lorsque nous nous croisons … BAM ! ma vitre explose en mille morceaux. Du coup, c’est moins la classe. Plus de poussière à l’intérieur qu’à l’extérieur, des bouts de verres partout et la colère qui monte, j’arrête la voiture et sors en gueulant. Les insultes sortent tout seul, ça fait du bien. Je claque la portière et les morceaux de vitre qui restaient encore accrochés au cadre tombent dans un raffut de tous les diables. Dans ces cas-là, on se sent un peu seul. Après avoir nettoyé la voiture et essuyé le sang sur mes mains, il faut reprendre la route. Dix minutes plus tard, je me mets à rire. Ce n’est pas tous les jours que la fenêtre de la voiture éclate à cause d’un gravier sur une piste de la Péninsule du Cap York.
Arrivé à Coen en milieu d’après-midi, je prends de l’essence et décide d’arrêter pour aujourd’hui. Je dors dans le bush, à côté de l’aérodrome de Coen. Je prends des photos des termitières géantes et trouve un lézard apode, Lialis burtonis, de la famille des Pygopodidae. Appelés ici « Snake-Lizard », ces reptiles ressemblent beaucoup aux serpents mais sont en fait des lézard ayant perdu leurs membres.

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Lialis burtonis, lézard apode. Cape York Peninsula, QSL.

Le lendemain, je m’arrête rapidement à Archer River Roadhouse, où l’on me donne un grand sac-poubelle pour « réparer » ma fenêtre. C’est reparti ! Main gauche sur le volant, bras droit qui tient le sac-poubelle, lunettes de soleil et Pink Martini dans les oreilles. La classe. Avant de partir, j’ai bien demandé si je pouvais accéder au parc avec ma voiture. A priori il n’y a pas de problème, juste deux ou trois rivières à traverser mais elles ne sont pas hautes. En général je me méfie de ce genre de réponse.
Cinquante kilomètres après Archer River, j’aperçois la piste qui va vers le parc. En continuant tout droit sur 200km, on arrive à Cape York et en prenant à gauche on se dirige vers Weipa. La piste vers le Parc National débute sur la droite. Plus que 80km.
Première rivière, tranquille. Seconde rivière, tranquille. Troisième rivière, tranquille. Quatrième rivière … Tient, une quatrième rivière ?! Je descends pour sonder. Il y a beaucoup de sable, mais ce n’est pas très profond. Un mec qui venait de traverser, avec son Toyota, bien sûr, me donne un conseil avisé : « Roule sur les cailloux, et ne t’arrête pas ! C’est pas profond». Merci Ducon, au milieu de la rivière, mes roues patinent dans le sable et me voilà bloqué. Un 4x4 arrive et me tire de là. Vive les 4x4 !
Cinquième rivière … Aller là ! Faut arrêter la kermesse ! Je descends pour sonder. J’ai de l‘eau jusqu’aux genoux et le fond est tapissé de grosses pierres. Hors de question de tenter le coup.
Je suis bloqué à 20km du Parc d’Iron Range, seul spot à Python vert dans toute l’Australie. Comme on dit : « C’est ballot ! ».
Ni une, ni deux, le sac à dos est bouclé avec réserves d’eau et de nourriture, le sac photo en contrepoids sur le ventre et me voilà parti. Je fais du stop, mais les voitures ne s’arrêtent pas ou alors elles sont toutes pleines à craquer (quoique, parfois …). La nuit arrive, je suis mort. Je plante la tente à l’écart de la route, je reprendrais demain. Je me balade sur la piste et fais des photos de libellules lorsque qu’une voiture arrive. Le gars est tout seul, il a de la place, super. Il me dit de monter dans la voiture qui suit. Danny conduit, lui et son boss se dirigent vers Lokhart River, ville côtière à laquelle on accède en passant par le parc. Parfait ! Ils ont été appelés pour réparer le frigo du supermarché de Lokhart, ils sont en retard et roulent à toute allure. Au détour d’une colline, le bush laisse la place à la forêt tropicale, c’est magnifique.

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Termitières géantes dans le bush du nord Queensland.

Danny me dépose à la base des Rangers où je rencontre Peep, qui, très gentille, m’emmène jusqu’au Cook Hut Campground et m’indique le spot à Pythons verts. Le soleil se couche, les vols de spatules et de guêpiers noircissent le ciel. Au loin, à travers mes jumelles, j’aperçois un Black-necked Stork, grand Ciconiidae de plus de deux mètres d’envergure et au bec démesuré. Le camp est plein mais je trouve quand même une place pour la tente. Derrière moi, une voix me dit : « Alors, t’as quand même réussi à venir ! T’as pas trop marché ? ». C’est Carolina, elle, son mari et sa belle-sœur se sont arrêtés quand je faisais du stop mais leur voiture était pleine à craquer. On discute autour d’un verre de vin, australien of course, et je leur propose de me suivre cette nuit à la recherche des serpents. On fait le tour du camping pour rassembler des volontaires et, vers 19h30, nous voilà partis, les lampes torches allumées, prospectant les bords de la piste à la recherche du rare python vert. Malheureusement, ils me quittent au bout de quelques minutes car ils ont beaucoup de route le lendemain. Vers 21h00, une forme attire mon attention, la chose est proche du sol, immobile et d’un vert brillant, caractéristique. Je m’approche lentement et constate qu’il s’agit … d’une canette de bière !
Vers 21h04, une forme attire mon attention, la chose est proche du sol, immobile et d’un vert brillant, caractéristique. Je m’approche lentement et constate qu’il s’agit … d’un python vert adulte !
Lors de la saison sèche, les pythons sont très rares. La journée, ils se cachent de la chaleur sous des souches ou des arbres creux et ne sortent que la nuit pour chasser. Ils passent la nuit sans bouger, suspendus à une branche, à seulement quelques centimètres du sol, attendant patiemment le passage d’une proie. Durant la saison des pluies, on peut les trouver en pleine journée, en posture typique de repos, la tête protégée au milieu des annaux du corps.
Donc voilà, ça déchire et pis c’est tout.

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Python vert – Morelia viridis – dans le Parc National d’Iron Range, QSL.

Je reste encore une nuit au camp, je ne veux pas laisser la voiture isolée trop longtemps, surtout avec une fenêtre cassée. Je ne trouve aucun serpent la seconde nuit. Le lendemain, mercredi, quelqu’un me prend en stop et me ramène à la voiture. Ça valait le coup de venir.

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Forêt tropicale humide d’Iron Range NP, péninsule du Cap York, QSL.


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