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Parole contre parole dans l'affaire du Karachigate ?

Publié le 03 juillet 2009 par Juan
Parole contre parole dans l'affaire du Karachigate ?L'affaire du Karachigate évolue : le site Bakchich.info conteste la thèse d'une vengeance des services pakistanais contre la France, via l'attentat du 8 mai 2002 à Karachi, suite à l'arrêt du paiement des commissions sur les ventes des 3 sous-marins français de 1994. Mais l'inquiétude demeure dans le camp balladuro-sarkozyen. Car les soupçons de commissions occultes au bénéfice d'Edouard Balladur en 1995 se multiplient
A chaque vente d'armes, des commissions
Le site satirique d'informations a largement relayé les pratiques de commissions dans quelques affaires de ventes d'armes par la France à Taïwan, l'Arabie Saoudite ou au Pakistan. S'appuyant sur des documents "confidentiels" de la DCN, il a rappelé les ventes des frégates à Taiwan en 1993 (une affaire demeurée mystérieuse, qui a généré, d'après la DCN, plus de 400 millions d'euros de commissions sur un contrat total de 2,3 milliards d'euros) ; celles des fameux trois sous-marins d’attaque à propulsion classique Agosta 90 B cédés au Pakistan en 1994, pour 840 millions d'euros (et 120 millions d'euros de commissions); ou celles de frégates à l'Arabie Saoudite, en 1994 pour 2,9 milliards d'euros (dont 340 millions d’euros de commissions à verser). Bakchich rapporte au passage que des accusations de corruption ont visé les proches de Benazhir Buttho, alors premier ministre, après l'acquisition des fameux sous-marins français en 1994. Son mari est l'actuel premier ministre du Pakistan, et il a rendu visite à Nicolas Sarkozy il y a quelques jours.
Le 30 juin dernier, le site racontait les coulisses de "la guerre des droites" en 1994-199, et les soupçons portés sur le camp Balladur par les Chiraquiens.
Mais le soupçon s’est installé : Balladur aurait utilisé ces contrats pour financer sa campagne. Les commissions perçues par l’équipe qui gagne, les intermédiaires Ali Bin Mussalam et Ziad Takieddine, auraient-elles atterri dans les caisses des balladuriens ? Aucune enquête judiciaire a cherché à le savoir, mais pour Chirac, pas de doute. Le nouveau président s’en serait même ouvert au Roi Fahd : « Il n’y aura plus rien pour Balladur ».

Il cite en particulier une étude réalisée par le service historique du ministère de la Défense en 2003, qui confirme les propos de Charles Millon: « Notons que sur l’initiative de Jacques Chirac quelques amendements sont apportés au contrat Sawari II. Le nouveau chef de l’Etat français obtient, en particulier, la diminution du montant des “commissions” versées en pareil cas aux “intermédiaires” ».
Pas d'attentat-vengeance
le 2 juillet, Bakchich sort un autre joker : le témoignage de Michel Debacq, un juge envoyé à Karachi au lendemain de l'attentat. Et ce dernier n'est pas tendre avec la thèse d'une vengeance pakistanaise: « aucun élément de renseignement qui accrédite la piste des commissions ». "Cette thèse est une fable". L'ancien juge explique que l'attentat est la conséquence d'une lutte intestine au sein des services secrets pakistanais. Pour preuve, Bakchich rappelle que "88 % des commissions avaient déjà été réglées" en 1995, quand Jacques Chirac décide de cesser leur versement.
Le Karachigate change-t-il de nature ? Bakchich ne (re)nie pas ses premiers propos pour autant, et insiste toujours sur les soupçons de commissions occultes ayant servi au financement de la campagne balladurienne de 1995. L'agence Reuters s'est procuré un courrier du parquet de Paris qui "envisagerait un lien entre une société créée par la DCN au Luxembourg et le financement de la campagne d'Edouard Balladur".
L'implication de Balladur... et donc de Sarkozy ?
Le site Mediapart reprend la thèse des financements occultes : d'après l'ancien directeur financier de la DCN, Gérard-Philippe Menayas, Edouard Balladur aurait imposé deux intermédiaires à la DCN dans cette vente de sous-marins : Ziad Takkieddine et Abdulrahman El-Assir. Mediapart ajoute que le second "est suspecté de longue date par les services secrets français de s'être livré à des activités illégales (blanchiment, trafic de drogue et d'armes...), mais aussi d'entretenir des «relations financières» avec l'ancien premier ministre Edouard Balladur". En 1995, Edouard Balladur ne disposait d'aucun soutien financier du RPR de l'époque, tout entier dévolu à la campagne du candidat officiel Jacques Chirac.
Si Edouard Balladur était effectivement impliqué, comment Nicolas Sarkozy, son directeur de campagne, ne pouvait-il pas l'être ?
La réponse présidentielle
Ré-interrogé sur le sujet par Denis Olivennes dans les colonnes du Nouvel Observateur, Nicolas Sarkozy a réitéré ses propos :
N. O. – Tout récemment encore, à Bruxelles, vous avez éconduit un journaliste de l’AFP qui vous interrogeait sur les rebondissements dans l’enquête judiciaire sur l’attentat de Karachi.
N. Sarkozy. – Si ce journaliste m’avait demandé: "L’assassinat de nos compatriotes est-il lié à un différend franco-pakistanais à propos de commissions non payées ?", je lui aurais répondu que je n’en savais rien et qu’il fallait que la justice aille jusqu’au bout de la recherche de la vérité. Mais la question était : "Vous étiez ministre du Budget, vous souteniez Balladur dans la campagne présidentielle, il y a l’attentat de Karachi, est-ce que vous étiez dans le coup ?" Je fais de la politique depuis trente-cinq ans, je n’ai jamais été associé à un scandale quel qu’il soit, et pourtant on a enquêté sur moi sous tous les angles. Cela devrait vous rassurer d’avoir un président pointilleux sur les questions d’honnêteté. J’en ai connu d’autres qui disaient à la télévision: "Des écoutes ? Moi, jamais." Je ne suis pas capable d’une telle hypocrisie !

Hypocrisie, qui a parlé d'hypocrisie ?
Dans le Monde du 2 juillet, Eva Joly répond au chef de l'Etat : "Ce qui est absolument certain aujourd'hui, c'est la gravité de l'affaire et de ces accusations, et c'est qu'il faut que cette enquête puisse désormais se dérouler dans de bonnes conditions, afin que les responsabilités, quelles qu'elles soient, soient enfin clairement établies. C'est pourquoi nous attirons l'attention du chef de l'Etat et de sa majorité sur les conséquences désastreuses que pourraient avoir, dans ce dossier comme dans d'autres, deux des réformes actuellement en cours : la suppression des juges d'instruction et l'extension du domaine du secret-défense."
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