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Evangelisation

Publié le 07 juillet 2009 par Majic

EVANGELISATION


Si Lakhdar est un honnête citoyen du village de Redjaïn. Il ne rate jamais les jours de grande prière, le vendredi, à la mosquée. Là il apprécie béatement les prêches d’avant la prière et ces prédications lui enseignent les bonnes façons de vie en société dont celle-là très importante : le bon comportement et la considération envers les voisins. Là on lui explique qu’il ne faut pas opprimer son voisin qu’il faut l’aider s’il est dans le besoin, qu’il faut le respecter, qu’il faut, qu’il faut………

L’un des voisins de Si Lakhdar qui s’appelle Ouali., hélas et contrairement à la portée de ces prêches, se trouve être devenu un vrai antagoniste, un ennemi même, suite à un litige récemment survenu entre eux. Un litige plutôt bien méchant mais Si Lakhdar n’attache pas beaucoup d’importance à ce qu’il qualifie de jérémiades inopportunes et vaines de son voisin

La route longeant le quartier, qui est en fait, la propriété des services administratifs de gestion routière de Redjaïn a été rénovée et agrandie. La partie proche des habitations est par la force des choses devenue route piétonnière car la dite déviation éloigne la circulation des véhicules par rapport aux maisons et permet aux automobilistes d’utiliser le nouvel asphalte.

Au bout du quartier habite Si Lakhdar et ce dernier jugeant qu’il était dans son droit a carrément mis une clôture face à sa résidence pour empêcher les voisins d’emprunter la voie piétonnière nouvellement crée. Il a de ce fait réussi à glaner assez de terrain bien que goudronné pour faire un vaste jardin devant sa maison ! Quant aux voisins se dit-il, ils n’ont qu’à passer par la nouvelle route….

Ouali, pas d’accord, alla solliciter de son voisin de retirer la clôture illicite qu’il a dressé et lui a expliqué que le danger concernait surtout les petits enfants qui devaient se rendre à l’école voisine en étant obligés de passer par la nouvelle route avec tous les risques liés à la circulation dense et à l’étroitesse du trottoir.

Si Lakhdar refusa net d’entendre raison et invoqua des tas de raisons dont celle religieuse pour faire valoir qu’il était dans son bon droit. Par ailleurs signifiera-t-il à son malheureux plaignant : j’ai le bras long et personne ne me délogera d’ici !

Ouali décida dès lors d’aller se plaindre auprès du grand responsable du service de gestion routière.

Le responsable accueillit Ouali en son bureau. Après les formules de politesse d’usage, il lui expliqua comme préalable, que l’audience qu’il lui accorde a été possible seulement parce que son meilleur ami habite le même quartier qu’Ouali puis il écouta sa doléance.

Au bout d’un moment et en conclusion de l’audience le responsable décida :

-J’enverrai des inspecteurs sur l’endroit, nous signifierons à Si Lakhdar qu’il a squatté le domaine public et nous lui adresserons une mise en demeure avant de probables poursuites judiciaires!

Ouali n’avait qu’à attendre …….

Il attendit des semaines: rien ne se dessina à l’horizon !

Ouali se rendit à l’évidence, il sût par quelqu’un de bien informé la raison de son échec : le fameux ami dont avait parlé le grand responsable de la gestion routière n’est ni plus ni moins que le cousin de Si Lakhdar et qui se trouve être une personnalité haut placée (député) ! Le grand responsable n’allait tout de même pas froisser son ami député en tenant compte d’une sordide requête d’un non moins sordide et piteux Ouali.

Ouali s’en remit à son créateur comme on lui a enseigné de faire et en faisant ses cinq prières il n’oublie jamais de rappeler à Qui de droit son calvaire et de demander que justice soit faite.

Tous les vendredis, jour de grande prière, Ouali était précédé de Si Lakhdar à la mosquée pour entendre le prêche qui recommandait aux fidèles de ne pas oppresser mais d’aimer, d’affectionner et d’estimer son voisin !


……………….


Un autre voisin de Ouali est lui aussi très dévot. Il le montre bien puisque son apparence singulière et ostentatoire se destine justement à situer l’orientation religieuse de la personne. Au milieu du front de Si Athmane on peut voir une protubérance, ou petite bosse noircie de la peau et possédant quelques poils, qu’il arbore fièrement car pour ceux qui savent, cette bosse ne pousse que chez les érudits en religion et ceux qui prient beaucoup.

Un beau jour, lors d’une festive cérémonie familiale dans le quartier, Ouali constata avec étonnement que Si Athmane, le dévot, était saoul !! Pas saoul comme une bourrique mais bien éméché quand même. C’est la première fois qu’il vit son voisin dans cet état et ne put se retenir de lui adresser en aparté la remarque :

-Mais, Si Athmane, notre religion nous interdit de prendre des boissons alcoolisées ?   

Quelle ne fut sa surprise lorsque la réponse fusa :

-Mon cher ami, fais ce que je te dis mais pas ce que je fais !...... Et puis, sache encore, mon cher voisin que « denia » (la vie) et « din » (la religion) font deux, chaque chose en son temps!

La foi pourtant bien ancrée chez Ouali commença à vaciller.


………………


Il est jeune et est le président d’une association de loisirs pour enfants. C’est aussi un voisin d’Ouali et tout le quartier est fier de ce que ce cadre peut rendre comme services aux enfants : travaux d’utilité divers, excursions, sport collectifs etc…

Pourtant, Ouali fin observateur, a une forte présomption que ce cher cadre, jeune et célèbre éducateur se permettait des attouchements sexuels sur des enfants de la colonie de vacances. Il se jura de faire tout pour en avoir le cœur net.  Je l’aurai un jour, se dit-il.

Pourtant, ce jeune cadre précède toujours Ouali à la mosquée pour la grande prière du vendredi et ce jeune cadre écoute dévotement les bons enseignements de la religion en matière d’éducation et de prise en charge des mineurs.

La foi, chez Ouali en prit un autre bon coup.


………………………


L’autre voisin d’Ouali est le buraliste du quartier

Ouali aime bien se ravitailler en tabac à chiquer chez lui, et ce jour là en commandant sa barquette habituelle au kiosque, son oreille détecta une belle musique, envoutante, d’un genre inconnu qu’interprétaient de jolies voix féminines en chorale : Alléluia en kabyle.

Ouali, décidément en a vu bien d’autres et en verra encore. Toute sa vie a été jusque là rythmée par le chant du muezzin appelant aux différentes prières et là maintenant, chez son voisin immédiat, il est en train d’entendre bien autre chose ! Curieux et inédit pour ses tympans !

C’est bien la première fois qu’il entend ce genre musical des lointaines églises de l’Europe mais cette fois-ci, c’est bel et bien chanté dans sa propre langue maternelle.

Il s’étonne lui-même de savoir qu’il en veut et il stationna pendant un bon moment pour mieux écouter, pour savourer même cette douceur des voix et cet air si entrainant.


Le buraliste s’est rendu compte du manège et laissa Ouali écouter sans le déranger puis essaya de lui expliquer :

-Ce chant est un chant d’allégresse et de louanges chrétien, et je suis très content qu’il te plaise…

-Si tu écoutes ce genre de musique dans ton kiosque, cela voudrait-il dire que cela te plait aussi ? Serais-tu devenu chrétien ?

-Oui, depuis peu, comme beaucoup de gens tout autour de nous. Tu n’ignores pas que des églises de fortune sont entrain de s’implanter un peu partout.

-J’ai entendu parler vaguement d’évangélisation dans ce bled, mais quelles sont les raisons de ta christianisation, alors que tes parents et grands parents étaient musulmans ?

-Je trouve que mes parents et grands parents se sont trompés de religion et n’oublie pas que leurs propres aïeux étaient des chrétiens bien avant la venue de l’islam dans cette contrée. Ce n’est donc qu’un juste retour aux sources.

Pour te convaincre, tu n’as qu’à te renseigner sur Saint Augustin qui est bien d’ici, lui.

Par ailleurs il y a une chose très importante qui a pesé dans ma décision, c’est le faite que je peux pratiquer la religion que j’ai embrassé (le christianisme) dans ma propre langue, alors qu’avec l’islam, il fallait faire table rase de ma personnalité, de ma langue et de ma culture. Il fallait m’adapter jusqu’à ma propre tenue vestimentaire et devenir chamelier.

La preuve en est, cette belle musique religieuse qui t’envoute toi même, elle est bien dans notre langue, n’est-ce-pas ?  

-D’accord, mais ce qui m’ennuie c’est la démarche sociale et le comportement de tous les jours des nos voisins. A supposer que tous les citoyens de Redjaïn se reconvertissent comme toi est-ce qu’ils ne chercheront pas à interpréter à leur manière propre leur nouvelle religion ? Ils ne suborneront plus, ils ne vivront plus que d’esbroufe, ils ne tromperont plus, ils ne mentiront plus? Leur nouvelle religion parviendra-t-elle à les éduquer en ce sens ? N’utiliseront-ils pas leur nouvelle religion pour escroquer plus, pour tricher plus, pour leurrer et abuser plus ?

Mon propre voisin, Si Lakhdar par exemple, pourra-t-il ne pas recourir à la corruption qui lui permet d’écraser les gens et de squatter des routes parce qu’il a le « bras long » en la personne de son cousin député ? Si tu me réponds oui, alors…

Après réflexion, le buraliste :

-Je regrette, j’ai bien peur que tu ne demandes un peu trop !


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