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Andreas Meyer déraille

Publié le 13 juillet 2009 par Alain Hubler

Andreas Meyer © Photo CFFJe vous l’accorde, le titre de ce billet est un peu facile. Il n’empêche que le patron des CFF, en annonçant vouloir pénaliser financièrement les employés «responsables» des retards des trains s’engage sur une voie sans issue. Cette voie est celle, n’ayons pas peur des mots, du mobbing. Une voie qu’il ne cache même pas : «Nous pouvons ainsi créer la pression afin de réduire les retards.» De là à dire que le directeur des CFF va finir dans le butoir, il n’y a qu’un pas.

Même pour le commun des mortels, pas particulièrement au fait de la gestion des chemins de fer, il y a une évidence : nous ne sommes plus au temps où les mécaniciens de locomotives géraient leur avance à l’œil ou au pif. La gestion compliquée des chemins de fer suisses, comme étrangers, est bien évidemment placée sous la bienveillante régulation d’un système informatique qui rend possible le déplacement de plus de 7′000 trains de voyageurs et 2′000 trains de marchandises. Une quantité journalière de convois qui fait de notre réseau l’un des plus exploités du monde.

Mais en quoi Andreas Meyer se mêle-t-il les pinceaux ? La réponse est simple : le système de régulation actuellement en exploitation commence à dater. En effet, selon la société SMA und Partner AG qui fabrique des composants pour ces systèmes de régulation : «La technique des systèmes de régulation utilisés dans [les centrales d’exploitation] date des années 80 et du milieu des années 90. CFF Infrastructure envisage de remplacer ces anciens systèmes, aujourd’hui vétustes, par le RCS, le Rail Control System.»

Non seulement les CFF envisagent de moderniser la technique de leur système de régulation, mais ils s’y sont mis depuis le mois d’avril dernier.

À l’heure où les Chemins de fer fédéraux sont sur le point d’introduire un nouveau système de gestion de leur trafic ferroviaire, le grand patron ne trouve rien de plus intelligent à faire que de s’en prendre aux employés qui vont, sans doute, devoir modifier certaines de leurs pratiques pour se faire à ce nouveau système. Les employés de base étant déjà démotivés, une telle annonce survient à point pour les encourager dans cette voie.

Par ailleurs, Andreas Meyer semble oublier deux ou trois «détails» qui ont toute leur importance. Par exemple, en 2006, la Suisse était – et de loin – le pays européen dont le nombre de courses et de kilomètres par habitant est le plus important. Un réseau dense et une fréquentation massive constituent autant de bonnes raisons de compliquer la gestion d’un réseau de chemin de fer. Malgré cela, les CFF ont battu en 2006 leur record de ponctualité avec 96,2 % des trains arrivés avec moins de 5 minutes de retard. Si aujourd’hui certains se lamentent d’une diminution de cette ponctualité à 95,8 % en 2008, il convient de rappeler qu’elle est égale à la marque enregistrée en 2005.

Même Andreas Meyer, ce patron qui veut punir ses employés le reconnaît. À l’occasion du bilan des comptes 2008, il affirmait le 2 avril dernier : «Encore un mot sur la ponctualité : la ponctualité des trains CFF en trafic Voyageurs est, en comparaison internationale, largement au-dessus de la moyenne. Selon les normes internationales de ponctualité en vigueur dans l’Union Internationale des Chemins de fer (UIC), en 2008, 95,8 % des trains CFF étaient ponctuels à l’arrivée – avec une tolérance de 4 minutes 59. C’est, en comparaison mondiale, une valeur très élevée.» Vous avez bien lu : largement au-dessus de la moyenne. On est donc loin d’un retour à la préhistoire de chemins de fer.

Mais qu’est-ce qui a bien pu passer dans la tête du big boss des CFF pour menacer ainsi ses employés de les faire passer à la caisse ? On s’interroge.

Cette interrogation s’accompagne en plus d’un doute. Selon une source bien informée, «les CFF maîtrisent mal leur système de production» et «seraient donc dans l’impossibilité d’attribuer une cause de retard à l’un ou l’autre de ses employés». Pire, cette même source considère que la mesure envisagée par Andreas Meyer constitue une «erreur de gestion».

Alors, que vient faire, en tout début de vacances d’été, cette déclaration fracassante, dénuée de réels fondements et surtout propre à démotiver un personnel qui va devoir se familiariser avec un nouveau système de régulation ? La réponse est simple : en même temps qu’il faisait son annonce délirante, le patron des CFF promettait une augmentation des tarifs pour la fin de l’année. Une annonce dont personne ne se souviendra toute diluée qu’elle est par les accusations portées sur des cheminots.

Lorsque le doigt désigne la Lune, l’imbécile regarde le doigt. Un doigt que le ministre en charge des transports ferait bien de remettre à l’ordre en lui tapant dessus.

  • Crédit photographique : © Photo CFF. Utilisée à des fins qui ne visent pas à «dénaturer, à discriminer ou à nuire aux intérêts des CFF».

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