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Financements : le défaut de contrepartie prêteuse, un risque émergent

Publié le 15 juillet 2009 par Sia Conseil

Les faillites récentes dans le domaine bancaire (Lehman, Landbanski…) ont démontré la réalité des risques liés aux contreparties prêteuses dans le cadre d’un pool. Si une banque ne peut apporter les fonds qu’elle s’est engagée à fournir dans le cadre d’une syndication : Quel

est le rôle à jouer par les autres participants et agents ? Quelles en sont les conséquences ?

D’une manière générale[1], dans le cadre d’un pool :

  • les participants ne sont pas solidaires,
  • l’agent n’a pas l’obligation de verser les fonds attendus par l’emprunteur s’ils n’ont pas été préalablement reçus des participants.

En conséquence, le risque de défaut d’une contrepartie prêteuse est totalement porté par l’emprunteur. L’impact pour l’emprunteur restera cependant très limité si le prêteur concerné n’a souscrit qu’une faible part mais sera plus important dans le cas d’un pool de petite taille avec une faible dilution des parts. Dans ce dernier cas, si aucune solution n’était trouvée pour compléter le financement, le projet de l’emprunteur et sa capacité à générer des cash-flows pourraient être impactés. Ce qui in fine mettrait les prêteurs à leur tour en difficulté.

Les risques et conséquences ne sont cependant pas nuls pour l’agent du pool, voire les autres participants.
En premier lieu, un risque immédiat de réputation pèse également sur l’agent si, suite au défaut, sa communication aux prêteurs et emprunteurs n’est pas pertinente. Une communication inappropriée de l’agent à d’autres établissements sur le défaut d’un participant lui sera reprochée.

Pour la banque dans son ensemble, il s’agit principalement d’un risque commercial, en particulier si un emprunteur voit manquer une part significative sur un ou plusieurs pools gérés par la banque (a fortiori quand celle-ci en a précédemment été l’arrangeur). D’un point de vue commercial, il semble peu responsable de ne pas informer d’autres emprunteurs susceptibles d’être significativement touchés par le défaut constaté sur une opération. Il serait alors souhaitable pour l’agent de démontrer sa capacité à percevoir ce risque et à anticiper la propagation du défaut à d’autres opérations dans l’intérêt premier de l’emprunteur, puis des autres participants.

Monitoring de l’impact des défaillances des contreparties prêteuses

Identifier l’impact d’une défaillance d’un prêteur nécessite :

  • d’identifier le sous-jacent du risque i.e. les contreparties associées et la nature de la relation entretenue,
  • d’estimer le niveau d’obligation de la banque sur chacune de ces opérations,
  • d’évaluer comment la défaillance du prêteur pourrait se concrétiser et quel serait son impact sur les emprunteurs et autres participants dans le temps,
  • d’appréhender les risques corollaires au défaut, qui sont susceptibles de concerner la banque,
  • de synthétiser ces éléments sous la forme d’indicateurs permettant un suivi pertinent et fiable.

Synthèse de la démarche et des points d’attention :

  1. Identifier le sous-jacent du risque : les contreparties associées
    Pour un agent, les banques participantes de ses pools sont évidemment connues. Néanmoins, les contreparties concernées ne se limitent pas aux participants des opérations syndiquées. Les syndications primaires en cours doivent également être considérées afin d’inclure les underwriters[2] dans ce suivi, ainsi que les club-deals généralement non administrés par la cellule agent.
  2. Niveau d’obligation de la banque en cas de défaut
    A ce jour, pour les banques françaises, la très grande majorité (voire la totalité) du stock des opérations gérées en tant qu’agent ne comporte pas d’obligation particulière en cas de défaut d’un des prêteurs. A terme, des obligations de conseil ou de tentative de replacement de la dette aux mêmes conditions (sur base de best-effort, voire avec obligation de résultat) pourraient émerger pour assurer la protection  des emprunteurs. Les opérations concernées devront alors être identifiées et mises en avant dans les analyses d’impact.
  3. Quand et comment se concrétisera le risque ?
    Lorsqu’on constate un défaut d’engagement des fonds attendus d’un prêteur, il est nécessaire d’identifier comment cette situation est susceptible de se propager sur le portefeuille de la banque :
    • d’une part aux autres pools dont la banque est agent, en fonction des phases en cours pour chacun des financements (période de tirage vs. remboursement), des renouvellements et des conditions de ceux-ci (netté comptablement ou flux cash)…
    • d’autre part aux opérations dans lesquelles la banque participe aux cotés de cette même contrepartie.
  4. Appréhender les risques corollaires : risque commercial et corrélation des défauts
    Outre les difficultés de gestion occasionnées à l’agent en cas de défaut d’un des participants, la banque est principalement concernée par le risque commercial.
    Pour l’appréhender, il est nécessaire de croiser les possibilités de défaut avec les emprunteurs susceptibles d’être impactés. Si les défauts - quel que soit le pourcentage des parts concernées - se multiplient sur les opérations d’un même emprunteur, la relation avec celui-ci sera fragilisée a fortiori si la banque a également été arrangeuse de l’opération et a participé à sa syndication.
  5. Synthétiser et analyser le risque
    La principale question à poser pour identifier quels indicateurs  seraient pertinents concerne leur finalité : anticipation et maitrise du risque (identifier les impacts potentiels pour prévenir les concentrations au préalable et donc éviter d’avoir à se surexposer pour palier à la défection d’un autre prêteur) et/ou utilité opérationnelle en cas de défaut avéré (identifier les opérations / tiers impactés par un cas de défaut afin d’établir un plan d’action adapté) ? Ces objectifs varieront en fonction de la structure les mettant en œuvre (cellule agent, FO, MO, direction des risques…).

Exemple d’indicateurs de concentration et d’impact sur les emprunteurs :

Conclusion : un risque émergent, une politique de suivi et d’intervention à structurer

Le suivi de ce risque n’est que balbutiant et ne fait pas l’objet d’un consensus de bonnes pratiques directement applicables. Le besoin a d’abord émergé via les fonctions Agent qui ont été confrontées à des cas significatifs de « non-funding lender » en 2008. Cependant l’intérêt de suivre ce risque pourrait aller au-delà du périmètre traditionnel de l’agent afin de couvrir :

  • l’ensemble des contreparties prêteuses associées (couverture de l’underwriting, des club-deals…),
  • les participations majeures de la banque (même si les participants ne sont pas solidaires, un défaut majeur dans un pool où la banque est également engagée pourrait remettre en cause la viabilité de l’opération).

Adresser pleinement toutes ces dimensions requerrait que le suivi de ce risque soit pris en charge par une entité transversale telle qu’un middle-office, la direction des risques ou une entité opérationnelle de gestion du risque (ex : gestion des contentieux…).

En l’attente d’un consensus et de l’éventuelle évolution des contrats de crédits pour intégrer des clauses de non-funding lender plus contraignantes pour l’agent, des études sur la concentration du risque dans les pools en gestion peuvent être anticipées. La conduite à tenir face à ces évènements répondra principalement à des contraintes juridiques. Il est d’ailleurs probable qu’un cadre de référence soit progressivement élaboré par la LMA et les autres groupes de place dans les mois qui viennent. En attendant, il est impératif d’anticiper en formalisant une politique claire d’intervention en cas de défaut de prêteur.


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