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Aix-en-Provence : analyse électorale des municipales partielles

Publié le 24 juillet 2009 par Delits

Analyse réalisée par Jérôme Fourquet, directeur adjoint du département Opinion de l’IFOP, et Guillaume Peltier, directeur associé de COM1+.

A la suite de l’élection municipale partielle d’Aix-en-Provence, plusieurs enseignements du scrutin peuvent être tirés.

1- Au premier tour, la liste UMP menée par Maryse Joissains a mieux rassemblé que ses concurrentes :

  • Maryse Joissains fait le plein des voix à droite. Le total des listes UMP, FN, MPF, DLR lors de l’élection européenne de juin 2009 s’élevait à 43,24%. La liste Joissains en juillet 2009 totalise 43,3% au premier tour.
  • Au-delà de cette très grande similitude des scores, le taux de corrélation s’établit à 0,8 entre le « total droite » des élections européennes et le vote premier tour Joissains, d’après un calcul sur les 86 bureaux de vote de la ville. Ceci tend à démontrer sa très forte capacité à rassembler, comme la concordance géographique des bureaux ci-dessous l’illustre (graphique 1).

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 Graphique 1

  • La liste PS/Modem dirigée par Alexandre Medvedowsky réalise une réelle performance au premier tour en améliorant nettement le score réalisé par les deux partis aux élections européennes de juin : 34,1% aux élections municipales contre 23,22% au scrutin précédent. Cette progression est largement due au « retour au bercail socialiste» d’électeurs de gauche ayant voté pour les écologistes aux européennes et au captage, moins attendu, par la liste PS/Modem d’une bonne par de l’électorat de la gauche radicale (qui perd plus de 6 points entre les européennes et les municipales : 4,2% contre 10,5%), et ce malgré l’union de toutes les forces de la gauche radicale au premier tour (NPA/PG/PC). L’analyse par bureau de vote (graphiques 2 et 3) montre que plus le score de l’ultra-gauche était important aux européennes, plus la progression de la liste Medvedowsky a été importante. Un réflexe légitimiste (ou de vote utile) des électeurs de Jean-Luc Mélenchon ?

  

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Graphique 2

  

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Graphique 3

    Toutefois, la présence des deux listes concurrentes de gauche NPA/PG/PC et écologistes empêche Alexandre Medvedowsky de rivaliser avec Maryse Joissains au premier tour. La candidate UMP mène de près de 10 points : c’est sans doute ce jour-là qu’elle a remporté l’élection.
  • Concernant, enfin, la liste dissidente DVD, aucune corrélation n’est établie entre le vote Salord et le vote Modem des européennes, le vote Salord et le vote FN, le vote Salord et le vote UMP. Ce qui signifie que l’électorat divers droite de Salord s’est constitué d’abord sur des considérations locales plus qu’il ne s’est structuré sur un positionnement idéologique.

2- Au second tour, un paradoxe électoral prive la liste PS/Modem de la victoire : elle rassemble mieux que l’UMP mais mobilise moins les abstentionnistes que la droite.

  • Manifestement, la liste Medvedowsky a bien rassemblé son camp : la grande majorité des électeurs NPA/PG/PC, une partie importante de l’électorat écologiste et une minorité de la liste Salord (qui avait appelé à faire barrage à Maryse Joissains) se reportent sur la liste PS/Modem. Mais cette addition lui permet simplement d’approcher la barre des 50%. 
  • En effet, au second tour, la liste Medvedowsky pouvait compter normalement sur un très large soutien allant des électeurs du divers droite à ceux de l’extrême-gauche, même si ses leaders n’avaient donné aucune consigne de vote. Si l’on additionne le score de ces 4 listes au premier tour, on obtenait alors un potentiel théorique de 56,7%. Or, au soir du second tour, la liste « anti-Joissains » ne rassemblait « que » 49,8%. Soit une déperdition de 7 points par rapport à ce potentiel théorique.
    Le tableau suivant vise à comprendre d’où sont provenues ces fuites. Est-ce de la part des électeurs divers droite ou des électeurs d’extrême-gauche et/ou de la liste Medvedowsky au premier tour ? Pour ce faire, nous avons trié les bureaux de vote en fonction du niveau de perte de Medvedowsky par rapport au potentiel théorique que constituait l’ensemble des listes anti-Joissains (tableaux 4 et 5).

Différentiel
Medvedowsky 2ème tour / total des
listes autres que Joissains
au 1er tour

Leconte
PC/PG/NPA
1er tour

Medvedowsky
PS – Modem
1er tour

Gerrera
Ecologiste
1er tour

Salord
DVD
1er tour

-2,5 à – 5 %

5,4%

39,7%

11,5%

6,1%

- 5 à -7 %

4,2%

34,1%

10,7%

7%

- 7 à -9 %

4%

33,5%

11,2%

7,2%

- 9 à -12,6 %

3,5%

29,7%

12,9%

8%

Tableau 4

  

 

Différentiel
Medvedowsky 2ème tour / total des listes autres que Joissains
au 1er tour

Leconte

1er tour

Gerrera (Ecologiste)
1er tour

Salord

1er tour

Total Aix-en-Provence

-6,92%

4,20%

11,30%

7,10%

Bureau de vote 19-ECOLE PAUL ARENE

-4,12%

4,95%

6,13%

4,48%

 Bureau de vote 7-ECOLE SALLIER

-9,27%

2,52%

14,10%

8,63%

Tableau 5

    On s’aperçoit ainsi que plus le « manque à gagner » a été important (par rapport à son potentiel de premier tour) et moins les listes (PC, PG, NPA) et Medvedowsky (PS, Modem) obtenaient des scores élevés au premier tour.  En d’autres termes, il semble que les reports de la gauche de la gauche et du bloc PS/Modem aient été de bonne qualité. On aurait pu penser que les électeurs les plus à gauche rechigneraient à voter au second tour pour une coalition hétéroclite, or cela n’a apparemment pas été le cas.  Le souhait consistant à battre la maire sortante a constitué pour cet électorat un puissant ressort de mobilisation. En revanche, on note une forte corrélation entre le résultat de la liste Salord au premier tour et le manque à gagner pour la liste Medvedowsky par rapport au total anti-Joissains au premier tour. Cela semble donc indiquer que si une part des électeurs Salord a suivi les consignes du tête de liste, une proportion conséquente de ces électeurs divers droite a opté pour le vote Joissains au second tour privant la liste de rassemblement de la gauche et du centre de leurs voix. Le comportement des électeurs écologistes (liste Guerrera) n’a pas non plus été homogène. Si tel avait été le cas, on observerait une corrélation (positive ou négative) avec le « manque à gagner » de la liste Medvedowsky au second tour et le total anti-Joissains au premier tour. Cette absence de corrélation semble démontrer que les reports de ces électeurs écologistes ont bénéficié aux deux listes encore présentes au second tour, signe de la nature politiquement assez hétérogène de l’électorat écologiste.

  

  • Concernant Maryse Joissains, sa victoire, de justesse, semble s’appuyer sur un double ressort :

- même si elle ne fait pas le plein, elle bénéficie d’un assez bon report des électeurs du DVD Salord, qui avait pourtant appelé à lui faire barrage :

    Ainsi, le score de Joissains au second tour correspond à celui de Salord (7,1%) + Joissains (43,31%) au premier tour. Néanmoins, comme le montre le graphique 6 (où nous avons classé les bureaux de vote en fonction du score du DVD Salord), la progression de Maryse Joissains entre les deux tours n’est pas strictement linéaire et surtout le différentiel de gain de Joissains n’est que de 2,6 points entre les bureaux les moins favorables à Salord et ceux où il faisait ses meilleurs résultats au premier tour.   A l’inverse, on constate que la progression de Medvedowsky au second tour par rapport au total gauche du premier tour passe de – 1,2 dans les bureaux ayant le moins voté pour Salord à + 2,5 dans ceux où cette liste faisait ses meilleurs scores.  

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Graphique 6

  

- sa dynamique s’explique, enfin, par une intense campagne de terrain qui a mobilisé les abstentionnistes, notamment dans les quartiers acquis à la droite.

    La forte abstention du premier tour n’est pas étonnante pour une partielle estivale. En revanche, la dynamique de mobilisation entre les deux tours est à souligner, les exprimés passant de 43,5% à 48,4% soit une hausse de 4,9 points (+ 4385 voix).   Cette mobilisation au second tour n’a pas eu la même ampleur sur l’ensemble de la ville. En efet, comme le montre le graphique 7, la progression des suffrages exprimés est très corrélée au score de la liste Joissains du premier tour.

 

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 Graphique 7

 Même si tous les nouveaux votants n’ont pas soutenu la liste UMP, tout se passe comme si « les fiefs » de Joissains avaient connu une intense mobilisation entre les deux tours, les militants de la majorité municipale cherchant à convaincre leurs soutiens potentiels quand l’opposition essayait d’y réduire son retard (tableau 8).

Score Joissains
UMP
1er tour

Score Joissains
2ème tour

Evolution Joissains
entre le 1er et 2ème tour

Evolution des exprimés
entre le 1er et 2ème tour

moins de 35 %

37,00%

+ 5,7 %

+ 4,2 %

de 35 à 43 %

45,70%

+ 6,6 %

+ 4,6 %

de 43 à 47 %

53,10%

+ 7,6 %

+ 5,2 %

de 47 à 51 %

56,30%

+ 7,7 %

+ 5 %

plus de  51 %

59,60%

+ 6,6 %

+ 5,7 %

Tableau 8

  

Conclusion :

Ainsi, tout en prenant soin de rappeler que la victoire de Maryse Joissains fut courte (187 voix d’écart !), que la candidate UMP était la maire sortante et qu’il s’agissait d’une municipale partielle, il est intéressant de noter : 

- le rôle déterminant de l’ordre d’arrivée au premier tour et la dynamique que la première place peut créer. C’est toute l’importance du rassemblement. 

- les consignes de vote sont toujours diversement appréciées et nul n’est propriétaire de ses voix. Ainsi, les électeurs de la gauche radicale ont largement choisi de se reporter sur la liste PS/Modem et ceux du DVD ont majoritairement rejoint la liste UMP, malgré les appels, plus ou moins contraires, de leurs leaders. Et l’hétérogénéité de l’électorat écologiste rend cette réalité électorale encore plus criante.

- les quelques dizaines de voix qui séparent la liste PS/Modem et la liste UMP au second tour sont, sans doute, issues d’une plus forte mobilisation des abstentionnistes pour la droite que pour la gauche (+ 4 385 suffrages exprimés entre les deux tours).

Il serait, bien sûr, hâtif de tirer des conclusions de ce scrutin pour les transposer aux élections régionales de mars 2010, d’autant que le FN était absent du scrutin aixois.

Toutefois, à l’heure de la bipolarisation, la capacité de rassemblement dès le premier tour et la mobilisation des territoires « acquis » au second tour semblent être l’une des clés des victoires électorales.


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