Magazine

Welcome to paradise

Publié le 04 octobre 2007 par Didier T.
Tableau "Judith" de Cranach Lucas, l'Ancien
Ce matin lorsque je me suis levée. Tout était paisible. Mais je n’ai pas très bien dormi, il est vrai.
J’ai passé la soirée au cinéma, le film de Claude Miller, Un secret, c’est un film honnête, issu du beau, je ne l’ai pas lu, mais le suppose beau, livre de Philippe Grimbert. J’ai particulièrement apprécié la métaphore triste, sinistre, de la fin, c’est important de bien finir, je veux dire de ne pas faire n’importe quoi avec les fins. Qu’elles aient un ton drôle, romantique ou dur, très dur, il faut bien finir.
Ce matin, donc, ça allait. J’ai même mis des talons hauts. Assez rare pour être souligné. J’étais en noir, une nouvelle robe avec l’écharpe assortie. Soignée. Pas vraiment heureuse mais presque.
En arrivant au bureau, je ne pouvais pas savoir qu’une épée bien droite pointait au-dessus de ma tête. J’ai consulté mes mails, trifouillé dans mes papiers, plaisanté avec mes collègues. Un matin ordinaire. Mon patron est entré dans le bureau, une énorme bourrasque quotidienne. Vite fait, il m’a parlé de nos clients, de l’avancée des études, des recommandations, des programmes, des rendez-vous, des synthèses, des stratégies. Puis il a fait diversion pour une interrogation politique. Je me dois de vivre au rythme de nos gouvernants et suis susceptible d’être interrogée à tout moment sur un point de l’actualité. C’est la règle pour ne pas être traitée de conne. Je l’accepte volontiers. Je me permets, quand je n’ai pas le choix de dire, « Je ne savais pas » ou « Tu me l’apprends ». Aucune mesure de rétorsion n’est prise car nous nous aimons.
J’ai déjeuné très correctement. J’ai croisé d’anciennes connaissances, j’ai souri. Tout allait. Je suis remontée au quatrième étage. Je voulais l’aval de mon patron pour envoyer un dossier à un client. Il lisait la presse dans son bureau. Il n’avait pas encore eu le temps de jeter un coup d’œil à mon travail. Jje suis alors retournée à mes affaires. Ma collègue m’a apporté du courrier, une carte d’Espagne de la stagiaire que j’ai eue dans mon bureau pendant près d’un an. La photo d’un immeuble de Gaudi, le célèbre architecte. Elle me connaît bien. Ca m’a fait très plaisir. J’accueillais juste cette très jeune fille dans mon bureau, elle était sous la responsabilité d’un consultant d’un autre pôle, mais comme il y avait un petit poste de libre dans le mien, on l’avait installée là. Tout pour être contente. Je sentais bien un ton lourd et sombre dans le bureau d’à côté, le bureau de mon patron. Avec qui était-il ? Je me suis renseignée : avec la directrice générale. J’ai ironisé en rigolant bêtement. « Espérons qu’il n’y ait pas de meurtre ! ». J’entendais les portes se fermer de bruits fort peu sympathiques. Je n’avais pas trop peur mais je voulais savoir. Quel coup pendable cette petite femme allait encore asséner ? J’avais hâte que cela se termine, qu’il vienne me raconter. Je sais être de bonne écoute.
Le directeur financier est passé.
J’ai entendu quelques murmures.
Ma collègue a eu du mal à partir.
De l’air mauvais flottait dans l’air.
La bourrasque a envahi mon bureau et s’est approchée tout près de moi, si près que j’ai cru qu’il allait m’embrasser sur la bouche, je me suis reculée.
Il m’a tendu une lettre.
J’ai déchiffré « faute grave ».
J’ai déchiffré « mise à pied ».
- Mais qu’est-ce que c’est ?
- Je dois partir. T’inquiète pas.
Trente secondes. Cela a duré trente petites secondes. Il est parti. Il est viré. Je l’ai appris vers 17 heures et trente quatre minutes cet après-midi, lui vers 15 heures et quarante trois minutes. On a reconduit, de force, entre deux directeurs de l'agence, le cadre supérieur qui avait rendez-vous à Matignon un peu plus tard, vers la porte de sortie. Je n’ai plus de patron.
Publié par les diablotins

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Didier T. 32 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte