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Livre I – Partie 7 – Pan

Par Richard Le Menn

CLINIAS. – Dionysos passe aussi son adolescence dans les montagnes, parmi les rochers, entouré des Satyres et du rythme de leurs danses, gambadant de leurs pieds velus sur les cimes et clamant l'Évohé en l’honneur du jeune dieu. Dans leur ronde tourbillonnante leurs pieds en bondissant font claquer leurs sabots de chèvre.

BATHYCLES. – Pan, n’a-t-il pas sa place dans ces chœurs ?

PHEDRE. – Oui. C'est un musicien ... un connaisseur des rythmes du cosmos. Il tient compagnie aux pasteurs qui côtoient de nombreuses divinités. Il existe beaucoup d’histoires fabuleuses les concernant, d’amours pastorales et de rencontres divines.

CLINIAS. – Pan est le plus connu des Satyres. Il vit dans les forêts et les cavernes, les pâturages, les montagnes, les plaines et les prairies, près des rivières..., dans des endroits isolés, avec les Nymphes. Son univers est bucolique. Selon une version répandue, il est le fils de l’Hermès du mont Cyllène en Arcadie et d’une Nymphe. Comme pour les autres Satyres le haut de son corps est humain et le bas caprin. Il a deux cornes et une barbichette. Il joue de la syrinx, poursuit les Nymphes et mène la danse avec elles. Il symbolise une puissance première qui sait comment rendre en furie, susciter la panique et le désir. Plus qu’une simple divinité pastorale, Pan personnifie une force de l’univers, à la fois bestiale et humaine, qui s’éloigne donc des Muses et s’en rapproche de par sa connivence avec des Nymphes, que les Muses sont aussi primitivement. Dans un hymne orphique, Pan est décrit comme ayant pour membres : le ciel, la mer, la terre reine absolue et le feu immortel. Il est aussi dépeint comme un bacchant, ami du divin délire, parmi les étoiles et faisant résonner l’harmonie du cosmos dans son chant joyeux. Il se réjouit dans les sources avec les chevriers et les bouviers. Il danse avec les Nymphes. Il fait croître et engendre toute chose. Il est Daïmon aux mille noms, le seigneur du cosmos, fécondateur, porte-lumière, aimant les cavernes. Sur lui s’appuie la plaine immense de la terre ; devant lui cèdent les courants profonds de la mer infatigable, l’Océan qui autour de la terre, roule ses eaux, la part de l’air nourricier, étincelle pour les vivants, et tout en haut, l'œil du feu le plus subtil. Il sépare ces éléments divins, modifie la nature de toutes choses selon sa providence. Il nourrit la race des hommes dans le cosmos sans limite. Il aide à éloigner la fureur panique. C’est Zeus aux cornes. C’est le dieu aux riches fruits. Il peut être associé aux cavernes qui sont souvent dédiées aux Nymphes, à Silène et à Dionysos, ainsi qu’aux Naïades qui veillent sur les sources. De même les Muses ont quelquefois des noms de fleuves.

BATHYCLES. – Clinias, les Muses ont versé sur ta langue une rosée suave, et n’ont laissé couler de tes lèvres que de douces et courtoises paroles. Tu es une étoile qui brille en plein jour !

PHEDRE. ­– Tes mots sont nectar et ambroisie.

CALIAS. – Par tes paroles, la voûte céleste paraît couronnée ma tête. Il me semble que je me délasse sur le mont Parnasse. Les terres aux mille couleurs s’étendent sous moi. Le ciel étoilé me couvre d’une gaze très précieuse, réchauffant mon corps et le drapant dans un merveilleux confort. Le sourire de la lune veille sur ma paix, pendant que le doux vent me caresse de vie et que l’humidité de la terre me désaltère et me rassasie.

CLINIAS. – Comment peux-tu contempler tout cela ? Là où nous sommes il n’y a pour horizon que les murs de cette pièce et les peintures que des artistes y ont accomplies.

CALIAS. – Dans vos regards, vos paroles, vos sourires, votre grâce, votre sagesse et mon esprit. Il y a longtemps déjà je chevauchais Pégase aux crins d’azur, dans la tendre prairie au milieu des fleurs printanières. Ayant saisi sa crinière, je me suis envolé.

PHEDRE. ­– Et que vois-tu de là-haut ?

CALIAS. – La sainte Athènes, blanche, immaculée sous la lune. J’entends les rêves qui bruissent comme buissons sous le vent. Je vois le bonheur de ceux qui savent vivre, leurs richesses, leur avenir, leurs plaisirs, leurs partages.

CLINIAS. – Monte un peu plus haut. Que discernes-tu ?

CALIAS. – Me voilà dépassant la nuit. Le soleil brille de tous ses feux. Le ciel prend des couleurs inconnues. Je distingue des êtres fabuleux, faits de lumières et de concrétions de matières inconnues, d’une immensité inimaginable. Ils ressemblent aux images dessinées par les étoiles dans le ciel qui ne font que les schématiser d’une façon excessivement rudimentaire. Un dieu m’apparaît, à la voix plus légère que la brise. Il me demande de vous rejoindre à nouveau.

PHEDRE (en riant) – Ne veulent-ils pas de toi là-haut ?

CALIAS. – Mes amis, je suis avec vous ! Et mon mal d’amour semble être passé. Car j’en suis certain à présent, l’amour terrestre n’est qu’une étincelle fugitive du feu qui brille dans les cieux.

Les convives chantent un hymne pastoral où les éléments y sont décrits avec beaucoup de poésie.

PHEDRE – Calias ... tu as fait tremblé la terre. Nous ressentons encore l’éboulement de nos certitudes que tu as provoqué dans nos âmes. Moi aussi j’ai cru voir ce que tu décrivais. Mais je ne dirai pas plus loin sur cela. Car chacun a sa propre expérience. Telle la parole, l’imaginaire a son langage que pour nous faire comprendre de tous nous devons utiliser. Sinon nous serions traités de fous.

Tous se mettent à rire.

CALIAS. – Et quel est donc ce langage de l’imaginaire ?

PHEDRE – Celui de la religion… Mais entre nous, la seule expérience suffira.

CALIAS riant. – Alors transportons-nous ensemble vers les feux étoilés de l’amour de la Vérité.

BATHYCLES. – Tu parles par énigmes Calias.

CALIAS. – Non pas. Nous avons tous l’amour de la Vérité. Quant aux feux étoilés, c’est une figure poétique.

BATHYCLES. – Seulement une figure poétique ?

CALIAS. – Oui, comme le rouge ou le bleu ; ou les magnifiques yeux de cette amie qui verse dans ma coupe le breuvage divin.

BATHYCLES. – Peut-être sommes-nous simplement ivres !

CALIAS. – Peut-être Pan est-il venu nous visiter !

PHEDRE – Et puisqu’il semble qu’il nous ait quitté, revenons-en à notre discussion et à nos choeurs.

<> Par La Mesure de l'Excellence
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