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Alain Fleischer, L’amant en culottes courtes

Publié le 04 août 2009 par Argoul

alain-fleischer-l-amant-en-culottes-courtes-poche.1248265265.jpgJuillet 1957, un petit Parisien de Quatrième est envoyé en Angleterre dans une famille pour y attraper la langue de Shakespeare avec le bon accent. A 13 ans, on est encore enfant, portant culottes courtes - et un début d’adulte, mains, pieds et queue de taille standard. Alain, dit ‘Alan’ par les Anglais, connaîtra à Londres sa première expérience sexuelle. Première fois qui sera suivie de beaucoup d’autres dans le temps imparti des vacances.

Le livre est intitulé ‘roman’, bien que l’auteur affirme qu’il s’agit d’un « récit strictement autobiographique ». Disons que l’imagination enfiévrée lui fait peut-être prendre un demi siècle plus tard pour des réalités ce qui ne s’est parfois passé qu’en rêve. L’auteur n’avoue-t-il pas être adepte de cette « surenchère pour faire mieux que les autres et devenir plus fort » ? p.440 Lui, demi-juif hongrois, n’attribue-t-il pas un net penchant aux « vantardises typiquement hongroises » à ses origines ? p.463 Sans parler des rodomontades d’un freluquet parisien qui aime à se faire mousser auprès de ses condisciples, c’est de son âge.

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Toujours est-il que nous voilà embarqués (embedded) dans l’aventure initiatique d’un prime adolescent à Londres, explorant à la fois la rude Britannia aux particularités aiguisées, et le corps d’une femme de sept ans plus âgée que lui. Barbara est pensionnaire dans sa famille pour suivre les cours de chimie à l’université. Elle a 20 ans, est eurasienne, et vient des Caraïbes, l’un de ces dominions de l’Empire. Les préliminaires sont longs, il faut attendre la page 212 (sur 615) pour le premier baiser (french kiss). Mais, dès lors, tout se précipite : la première nuit torride a lieu page 236 avec léchage, pénétration puis plusieurs assauts, en suivant les postures du Kama-sutra lu sous les pupitres au collège. Deux jours plus tard, ce sera la gâterie d’une pipe dans les vestiaires des tennis, puis quelques sodomies pour varier la position du missionnaire, une prise à la Loana dans la piscine à ciel ouvert, des attouchements et intromissions diverses entre les draps…

Que les ligues de vertu et les Chiennes de garde, promptes à la dénonciation et à tout enduire de moraline, rengainent leurs hystéries : l’auteur a pris la précaution de laisser passer une prescription d’un demi-siècle, de changer probablement les noms et prénoms sauf le sien, et de batifoler entre mineurs (la majorité n’était pas avant 21 ans). Reste que le désir est enfant de Bohême et que l’imagination érotique d’un gamin à peine pubère a la facétie de l’Eros antique. Sa Barbara est bien complaisante, sa famille collet monté bien aveugle, sa retenue de petit français (french boy) bien domestiquée par l’âge mûr pour que le lecteur marche tout à fait. Mais il reste que ce roman, malgré quelques longueurs complaisantes dues à l’analyse post-ménopause (bien loin de l’action enlevée et de l’exploration impatiente des 13 ans), est un bonheur de lecture.

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Outre le libertinage sexuel, d’une liberté dans les bosquets à la Fragonard, l’on n’y fait connaissance avec le socle de la société anglaise : la privacy, la decency, les gentlemen. Traditions bienfaisantes dans un monde aujourd’hui bouleversé, habitudes rassurantes dans un climat incertain, rituel collectif fondateur d’une forte identité intime. L’esprit anglais conserve, dans un temps ralenti, analyse l’auteur p.97 ; l’esprit français géométrise pour contenir ce qui change. Il avoue préférer le premier au second. Nous aussi, pour nous avoir donné ce gros roman d’apprentissage d’une époque révolue - sans films X, ni télé cryptée, ni pornonet, ni castratrices féministes, ni hystérie pédophile. Parents qui envoyez vos très jeunes garçons apprendre la langue, vous apprendrez ici comment cette langue est comprise – bien en chair et habile aux contacts. Il n’y a pas que le virus de la grippe porcine qui s’attrape en Albion – mais aussi celui du zizi sexuel, comme disait Titeuf.

Alain Fleischer, L’amant en culottes courtes, Seuil 2006, 615 pages, réédité en Points, 8.08€

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